<i>«Nous chavirerons ensemble en cas de naufrage»</i> - Jean-Pierre Raffarin
Chronique d'une fin de régimeLes cotes de popularité de Jacques Chirac et de Jean-Pierre Raffarin subissent respectivement une baisse de 8 points et de 12 points. Selon une enquête CSA réalisée pour France Info et l'hebdomadaire La Vie, les 17 et 18 septembre, 50 % des personnes interrogées accordent leur confiance au président de la République - ils étaient 58 % lors de la précédente enquête réalisée il y a un mois - et 37 % au premier ministre - ils étaient 49%. Cette dernière cote ramène la popularité du chef du gouvernement au niveau qui était celui d'Alain Juppé en 1996, alors premier ministre.Rentrée parlementaire glaciale
Mercredi 1" octobre, rentrée parlementaire après l'été caniculaire, le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin subit un refroidissement que le Premier ministre a pu constater à l'occasion des journées parlernentaires de l'UMP où il n'a été question que de : "vents contraires " et d' "avis de tempête"... De nombreux élus se sont fait l'écho de l'opposition que suscitent chez leurs administrés des mesures telles que la hausse du gazole pour les particuliers ou la réduction des droits à l'allocation de solidarité spécifique (ASS). Certains, comme le président de la commission des finances de l'Assemblée, Pierre Méhaignerie, ou même le Président du Sénat, Christian Poncelet, ont même appelé à ne pas perdre de vue la signification du "P", "P comme populaire ", de l'UMP. A l'opposé le chef de file des "réformateurs", Hervé Novelli, se félicite que le gouvernement de M. Raffarin aille "dans la bonne direction " et avertit : "Nous voulons continuer à agir sur son audace réformatrice" en pointant les deux priorités sur lesquelles ils veulent se faire entendre : la réduction des dépenses publiques qui nécessite, selon eux, " une profonde réforme de l'Etat ", et la remise en cause de l' "application criminelle des 35 heures". Et tous de s'interroger y a-t-il encore un capitaine pour " tenir le cap" ? en observant qu'il ne manque pas de prétendants pour s'emparer du gouvernail. Le premier ministre, pour sa part, a engagé " les Parlementaires à lui faire part de leurs Idées et propositions". promettant "d'être à l'écoute". Il a rappelé aux élus qu'ils étaient "dans la même barque que le gouvernement, qu'ils chavireraient donc ensemble en cas de naufrage". Il s'est aussi voulu rassurant sur les perspectives économiques et sociales : " Le pays n'est pas feu et à sang (...) Les perspectives de reprise de la croissance économique sont encourageantes". Encore une "raffarinade"...
Mais pour tous il s'agit, d'ici au mois de mars, d'éviter que le navire UMP ne s'échoue sur les écueils des élections cantonales et régionales, puis européennes.
Un "partenaire" difficile
l'autre partenaire de la majorité, l'UDF, ne se sent pas concerné par l'appel à "resserrer les rangs" alors que l'UMP fait monter la pression en vue des élections régionales. Jean-Claude Gaudin, président de la commission des investitures de l'UMP, se plaint du fait que "visiblement François Bayrou ne semble pas pressé d'accepter la main que lui a tendue le président de l'UMP". "Comment peut-il à la fois dire qu'il est l'un des pôles de la majorité présidentielle, critiquer en permanence le gouvernement et cette majorité et, en même temps, renvoyer à plus tard les discussions entre nous ? ", s'interroge-t-il dans Le Parisien du 3 octobre.
Ce qui n'a pas l'air d'émouvoir outre mesure, le président de l'UDF qui rencontre "trois ou quatre fois par semaine des élus régionaux et des cadres du parti qui lui réclament de justifier le combat de la présidentielle". En clair : d'assumer l'autonomie des centristes. "Ceux qui pensent encore que c'est par les modes de scrutins qu'on va éviter les extrêmes n'ont rien compris", rajoute Francois Sauvadet, porte-parole du parti centriste.
Référendum ou non ?
Le candidat Chirac à l'élection présidentielle l'avait assuré : la Constitution européenne "devra être adoptée par référendum". Le président élu est beaucoup plus circonspect. Faut-il privilégier une consultation populaire au risque de la perdre, car le sentiment anti européen s'accroît dans l'opinion à mesure que l'économie nationale décline ? Les partis vont-ils se déchirer entre eux ? Le Front national risque de progresser sur le dos de l'Europe ? Et si l'abstention était massive ? Autant de questions que M. Chirac examine. Il garde surtout en mémoire le résultat cuisant, partagé avec le PS et les nationalistes, du référendum en Corse, le 6 juillet .
Mais Jean-Pierre Raffarin a multiplié les déclarations en faveur du référendum. " La nouvelle Constitution doit être ratifiée par un référendum ", a-t-il déclaré. Même les plus chauds partisans du référendum savent que les électeurs peuvent être tentés de profiter de l'occasion pour exprimer leurs mécontentements. C'est ainsi que l'inquiétude grandit au PS, partisan de l'Europe de Maastricht et partant de la constitution européenne. "Si à l'issue du processus, Jacques Chirac soumet le projet de Constitution européenne aux Français, il y a de fortes chances pour que ceux-ci répondent par la négative, exprimant par ce biais leur mécontentement à l'égard du gouvernement ", a déclaré Pierre Mauroy lors du bureau national du PS, le 23 septembre.
Comment conserver ses élus ?
La Fête de l'Humanité aura fait la part belle à José Bové, sur la grande scène, il a volé la vedette à la secrétaire nationale du PCF. " C'est dommage qu'il ne veuille pas faire de politique, regrette Cyril. Moi, je serais prêt à voter pour lui. Tandis que Buffet, Lemaire ou Hollande, franchement ... ", expression du décalage croissant entre une direction qui veut sauver ses élus et une base de plus en plus attirée par une " rupture radicale ". Le conseil national réuni fin septembre sur la stratégie à mettre en oeuvre dès les échéances électorales du printemps s'est divisé. Faut-il s'unir dès le premier tour avec le PS, comme le propose Robert Hue, ou cultiver son autonomie, comme le souhaitent les "orthodoxes"? Une réunion tumultueuse conclue par cette formule de Buffet : "Nous allons sortir de ce conseil avec une certaine cohérence." Un de ses proches a même cru bon de renchérir : "Nous avons toutes les raisons d'être optimistes." Sans blague...
La réalité des 35 h de Martine Aubry
Mais s'il faut de toute façon entretenir des rapports de bon voisinage avec les syndicats, les hommes du baron Seillière ont aussi dû écouter les patrons des grosses entreprises, lesquels ne tiennent pas du tout à voir abroger les lois Aubry. Et ne sont pas plus chauds pour un "détricotage" de ces lois par la négociation. Les entreprises n'ont, en effet, pas vraiment à se plaindre des 35 heures. Outre les aides gouvernementales, plusieurs accords conclus dans les branches professionnelles ont prévu une modération sur les salaires en échange de la "RTT". (...) De nombreux accords signés dans la foulée des lois sur les 35 heures ont aussi permis de développer la flexibilité. Exemples : les huit samedis matin travaillés dans certaines usines Renault, les pauses comptées "hors travail effectif " chez Smart, Peugeot ou Renault Véhicules industriels, l'exclusion du temps d'habillage (jusqu'à une demi-heure) dans la filière agro alimentaire (abattoirs, laiteries ... ), l'ouverture les jours fériés pour les grands magasins. (...) Même les patrons tiennent à leurs avantages acquis. (...) Ils n'ont pas tous des raisons d'être mécontents de la réduction du temps de travail. Notamment ceux des entreprises de plus de 200 salariés, dont 90 % bénéficient de la semaine allégée. Et pour cause : l'heure de travail d'un salarié employé 35 heures revient moins cher que celle d'un salarié resté à 39 heures : soit 8,71 euros, contre 8,80, selon une récente étude du ministère du Travail.
Explication : les aides généreuses de l'Etat aux entreprises, bien sûr. Mais pas seulement : le temps de travail est aujourd'hui annualisé. Ce qui veut dire qu'au-dessous de 1600 heures par an il n'y a plus d'heures supplémentaires, et donc plus de petits bonus de 25 % ou 50 % à régler aux salariés. A cela s'ajoute une augmentation de la productivité horaire. Les experts estiment que le tiers environ des heures non travaillées du fait de la RTT a été récupéré par l'augmentation de la productivité des salarié passés aux 35 heures. Tout bénéf pour les entreprises." - Le Canard Enchaîné - 8 octobre 2003.
Nous souscrivons sans restriction à ces propos.
Un grand absent
Le substitut du procureur de Nanterre a requis contre Alain Juppé une peine de 8 mois de prison avec sursis et une amende laissée à l'appréciation du tribunal. Il risquait jusqu'à cinq ans de prison, 75 000 euros d'amende, mais aussi une peine d'inéligibilité, sanction que le magistrat considère comme "injustifiée". Le verdict sera rendu le 17 octobre. Avant l'ouverture de ce procès, le 29 septembre, l'éditorialiste de Libération écrivait : " ...quand il s'assiéra devant ses juges Juppé aura un extraordinaire et invisible voisin de banc des accusés : le président de la République en exercice lui même. Mais Juppé a beau être le collaborateur le plus intime de Chirac qui ait été invité à rendre des comptes à la justice, son procès ne peut pas remplacer celui de son supérieur et principal bénéficiaire des faits évoqués par l'ordonnance de renvoi. Déjà imperméabilisé par le Conseil constitutionnel, Chirac sait pouvoir compter sur son ancien plus proche compagnon pour le protéger de la pluie, juridiquement, il ne fait pas sens de le viser à travers Juppé : le droit ne peut connaître de responsabilité que personnelle. Politiquement, il n'en va pas de même ou, du moins, ce ne le devrait pas. Comment dans une démocratie honorable, admettre en effet que le pouvoir suprême puisse dériver d'un recel d'abus de bien social ? Et comment croire que, dans l'étonnante mécanique du RPR et dans ses rouages douteux, les seuls à ne rien savoir étaient l'horloger lui même et son premier commis ? Mais ces questions ne seront pas abordées et ce procès restera donc incomplet." Ainsi le veut la constitution de la V°République.
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