Les marxistes et l’histoire
« Aujourd'hui je suis dans l'histoire » , a affirmé François Hollande, ce mardi 24 mai sur France Culture . « Un homme politique décrié, repoussé, Churchill, Clémenceau, peut devenir un héros ». Mais quelle « histoire » invoque-t-il ? A-t-il, au reste, une conception de l’histoire ? L’histoire « faite » par des héros, des « grands hommes », sans doute. Nous allons parler, quant à nous, de l’histoire de l’humanité et des différentes façons de la concevoir.
Georgi PlekhanovIl existe différentes manières d’interpréter l’évolution humaine depuis que les premiers hommes sont apparus, il y a deux millions d’années. Et, sur ce, différentes façons, d’interpréter les événements marquants depuis l’Antiquité. Durant longtemps, ce fut l’affaire des philosophes, exposant leur conception du monde et spéculant sur la cause des événements. Marx, encore jeune, s’exclama : « jusqu’ici, les philosophes n’ont fait qu’interpréter le monde. Or, il s’agit de le transformer ». La nécessaire transformation du monde exige alors l’étude des lois de l’histoire. La notion même de « lois de l’histoire » est sans cesse remise en cause par les penseurs sceptiques et pragmatistes. Aussi, la première question qui se pose est : Qu’est-ce que l’histoire ?
Qu’est-ce que l’histoire ?
L’histoire n’est pas une simple succession des grands événements politiques et militaires intervenus depuis la « nuit des temps », elle a trait à l’évolution de la vie humaine, depuis les tout premiers temps de notre espèce. Sans remonter si loin, chacun peut constater que les conditions de vie des hommes ont beaucoup changé en mille ans dans le pays où nous vivons. Des progrès techniques immenses ont été accomplis. Gheorgi Plekhanov, qui fut le pionnier du marxisme en Russie, l’écrit fort bien :
« Cette question, la grande question des causes du mouvement historique et du progrès du genre humain […] c'est-à-dire de l'histoire considérée comme science, ne se contentant pas d'apprendre comment les choses se sont passées, mais, voulant savoir pourquoi elles se sont passées d'une telle manière et non pas d'une autre . »
Les choses ont changé …Et elles n’ont pas changé
Comparant les conditions de vie des gens en 1016 à celles de 2016 en France, nous serions tentés de dire : les choses ont changé et … elles n’ont pas changé ! Bien que nous soyons officiellement sortis de la préhistoire, ce qui prédomine dans les relations sociales est « la lutte de chacun contre tous » et de « tous contre chacun ». Dit autrement : l’homme est encore un loup pour l’homme. Trotsky avait noté la contradiction entre les formidables progrès techniques atteints et l’arriération sociale des individus. Laquelle, nous y reviendrons, n’est pas une « tare » due à une « nature humaine » immuable et « organique » qui condamnerait les hommes à vivre « chacun pour soi et Dieu pour tous » jusqu’à « la fin du monde », comme le suggèrent les chantres du système capitaliste.
Rien ne se perd, rien ne se crée…
Ainsi, Churchill usa de sa répartie pour dire : « la démocratie est le pire des systèmes mais il n’y en pas de meilleur » (la « démocratie » étant synonyme de capitalisme, pour lui). Ainsi, tous ces chiens savants, après la chute du mur de Berlin, découvrirent que cet événement historique marquait « la fin de l’histoire » ( comme si l’histoire était une récréation) et le capitalisme, « l’horizon indépassable », qu’il conviendrait, bien entendu, « d’humaniser » et de « réguler » comme nous y invitait Jospin. Ce qu’il a fait en battant, avec DSK et le « ministre communiste » Gayssot, tous les records de privatisations de 1997> à 2001. Mais fermons cette parenthèse.
En fait, Marx et Engels ont appliqué à l’histoire le principe de la chimie développé par Lavoisier : « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ». Ce que les autres conceptions de l’histoire ignorent ou mettent en doute. Parmi elles : la conception théologique, la conception idéaliste, la conception « évolutionniste classique ». Sans oublier celles qui sous-tendent l’enseignement de l’histoire à l’école et les ouvrages de nombreux historiens qui plaident leur « objectivité ». C’est-à-dire, l’histoire où prédominent les grands hommes, les preux chevaliers, les visionnaires et toutes sortes de génies bouillants ou « sans bouillir » mais aussi les affreux. Et, d’ores et déjà … François Hollande.
Le rôle de l’individu dans l’histoire
Au cours des exposés qui vont suivre, nous aurons, bien sûr, l’occasion de revenir sur « le rôle de l’individu dans l’histoire ». En effet, par exemple : si Lénine n’avait pas repris en main son parti en avril 1917, les bolcheviks n’auraient pas pris le pouvoir. Mais, cet « individu » est intervenu dans un processus révolutionnaire déclenché spontanément par des millions de femmes et d’hommes en février de cette année-là, à l’insu de toutes les forces politiques et institutions. Sans cette irruption des masses, Lénine serait, on peut le penser, resté dans l’obscurité. Lui-même, en décembre 1916, pensait qu’il ne verrait pas la révolution de son vivant.
Daniel Petri,
30-05-2016
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