Tout est possible !

Chronique d'une fin de régimeChez les dirigeants du PS se profile comme une inquiétude: celle que manifestations et grèves puissent devenir le débouché de la colère des salariés et des chômeurs. "Je ne suis pas favorable à ce que la rue prenne la place des urnes", a souligné François Hollande devant la presse. "En reconduisant Jean Pierre Raffarin, Jacques Chirac choisit de poursuivre avec les mêmes équipes la même politique, avec les mêmes résultats. C'est plus qu'une erreur, c'est une faute, a asséné M. Hollande, il prend le risque d'aggraver la crise de confiance (... ), les tensions sociales et les conflits." Il condamne une attitude qui "n'est pas à la hauteur de ce que devrait faire un chef d'Etat". "Jacques Chirac, ajoute-t-il, nous a habitués à décevoir."
Tout est dit, la peur des masses, la crainte d'une crise politique de grande ampleur contenue jusqu'ici par l'opération d'union nationale d'avril-mai 2002 qui emporterait l'édifice vermoulu de la Ve République.
Le remaniement du gouvernement suscite critiques et déceptions également au sein de la majorité parlementaire ("Ce sont en réalité les mêmes personnalités, et donc le signe que le changement que les Français attendaient n'est pas au rendez-vous, c'est le moins que l'on en puisse dire" - François Bayrou). Critiques et déceptions sont d'autant plus vives que le score obtenu par l'UDF atteste que le pari de la bipolarisation de la vie politique, sur lequel, il y a trois ans, se fondaient les créateurs de l'UMP, est perdu. Rien ne va plus au sommet du parti chiraquien. "A quoi sert d'avoir rejoint l'UMP, si l'UMP devient un RPRbis élargi, et reconnaît l'UDF mieux que ses propres centristes?", s'agace l'un d'eux. Le parti du président est menacé d'implosion, déjà six courants se constituent en son sein.
Question angoissante pour tous les partis de gouvernement qui n'avaient pas prévu ce résultat électoral: comment sortir de cette situation?

Chirac indique le cap

Quatre jours après l'écrasante défaite de la droite aux élections régionales et cantonales du 28 mars, le président de la République a assuré, jeudi 1er avril sur TF1 et France2, qu'il avait "écouté attentivement" et "entendu le message" des Français. Il est donc monté en première ligne pour fixer une nouvelle orientation pour le gouvernement RaffarinIII: la réforme de l'allocation spécifique de solidarité (ASS), qui pénalise les chômeurs en fin de droits, est suspendue, le recours aux ordonnances pour redresser la situation de la Sécurité sociale est écarté, le problème des chercheurs sera réexaminé et "réglé", et en ce qui concerne la réforme du régime de chômage des intermittents du spectacle, le gouvernement devra "prendre des contacts" pour trouver "une solution". Voilà pour les hors-d'oeuvre.
Le plat de résistance, c'est la réforme Sécurité sociale: "Il faut la faire [dans] la transparence, c'est-à-dire le dialogue. Cette transparence conduit en particulier à récuser le recours aux ordonnances. Il faudra naturellement prendre des mesures de redressement. Elles n'ont pas encore été décidées. Elles sont essentielles, elles seront difficiles. (...) C'est la raison pour laquelle, comme l'ont fait la plupart de nos grands partenaires européens, il est indispensable que les partenaires sociaux et le gouvernement, mais aussi que la majorité et l'opposition, sur un sujet aussi vital pour l'avenir des Français, se rassemblent pour discuter ensemble, et ensemble rechercher une solution. Quand il y a (...) un grand enjeu, essentiel pour la vie des Français, et notamment des plus modestes, il est indispensable de trouver un accord national. (...) Il faut savoir qu'il y a urgence, comme il y avait urgence à faire la réforme des retraites. Sinon, nous allons dans le mur."
C'est l'appel à l'union nationale. La réforme est nécessaire, elle est urgente; dirigeants des syndicats, opposition et majorité parlementaire, tous ensemble discutons et, comme pour la réforme des retraites, nous ferons passer la réforme de la Sécurité sociale.

Consensus sur la "réforme" de la Sécurité sociale

Le ministre de la Santé et de la Protection sociale, Philippe Douste-Blazy, applique, dès le lundi 5 avril sur RTL, l'orientation présidentielle. Il appelle à "l'union nationale" sur le dossier de l'assurance-maladie, jugeant "indispensable" que la réforme entre en vigueur comme prévu le 1er janvier 2005. Le ministre, qui récuse toute attitude "partisane", "se réjouit" que dans un entretien publié le 4 avril par Le Journal du dimanche, le premier secrétaire du PS, François Hollande, se soit déclaré "prêt à se rendre à toutes les réunions" susceptibles d'avoir lieu ans le cadre du grand débat souhaité par Jacques Chirac. Il exclut une privatisation du système, comme le président de la République l'avait fait, au mois de juin 2003, au congrès de la Mutualité française. "Une privatisation de la Sécurité sociale se ferait sans moi", dit le ministre, tout en mettant en garde contre son "étatisation". "C'est ce qui nous guette aujourd'hui, vu l'ampleur du déficit qui est couvert par l'impôt", poursuit-il.
Evoquant le niveau attendu du déficit de l'assurance maladie en 2004, un "gouffre" de plus de 10 milliards d'euros, le ministre indique qu'il demandera "la tenue le plus rapidement possible de la commission des comptes de la Sécurité sociale pour dire exactement quel est le déficit cumulé". Il réaffirme que le statu-quo est impossible et que "ne rien faire" reviendrait à "accepter que les injustices se creusent".

"Diagnostic partagé" sur un déficit?

Cette analyse, que le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie a établie dans son "Diagnostic partagé" (partagé par qui, au fait? Par les responsables syndicaux qui y ont participé), est aussi celle du Premier secrétaire du PS. Invité, vendredi 2 avril, sur France 2, François Hollande juge "terrible" le déficit cumulé de l'assurance maladie (40milliards d'euros). Et le lendemain, il précise: "La démocratie, c'est la clarté. Nous sommes donc prêts au débat chaque fois qu'il est ouvert. Nous fournirons, à chaque étape, des orientations et des propositions pour garantir les fondements de l'assurance maladie. Mais le lieu de la décision, c'est le Parlement, et c'est là que chacun, gouvernement, opposition, prendra sa responsabilité devant le pays et devant les Français, à travers le vote de la loi. Il n'y a pas d'autre manière de faire, il n'y a pas d'autre règle en démocratie."Bien au chaud à l'abri du Parlement, sous les ors de la république, surtout, que rien ne se passe d'ici le 13 juin ni le mois de juillet...

De la "mère des réformes"

Dans son discours-programme au Parlement, Jean-Pierre Raffarin affirme que "le projet de loi [sur la réforme de la sécurité sociale] sera débattu au Parlement à l'été, comme prévu". Il annonce que la "politique de privatisation dans le secteur concurrentiel [va être] accélérée" et que, outre la prochaine modification du régime de l'allocation spécifique de solidarité (ASS), la création de nouveaux postes de chercheurs et la reprise du dialogue avec les intermittents du spectacle, il serait procédé à une augmentation de 3,7% du SMIC en juillet 2004 et juillet 2005.
Le Premier ministre va devoir passer sa première épreuve et ses "amis" ne sont pas les moins sévères.
l'UMP, qui avait voté comme un seul homme, ou presque, l'ensemble des textes sur la décentralisation présentés au Parlement depuis le début de la législature, se déchaîne sans retenue sur la "mère des réformes" et, par la même occasion, contre son créateur: Jean-Pierre Raffarin.
Au terme de deux heures d'empoignade, M. Barrot, relayé par le président de la commission des lois, Pascal Clément, adjure les députés de la majorité de ne pas aller trop loin. "Sacrifier la décentralisation, c'est sacrifier Raffarin", plaide-t-il. "Ce texte est à chier, admet M. Clément, mais on ne peut pas ne pas le voter."
Les discussions avec le PS n'aboutissent pas. Jean-Pierre Raffarin aurait modifié sa position au fil des discussions. "La question des TOS n'a pas cessé de revenir sur la table, racontait dans la soirée Ségolène Royal. Au départ, le Premier ministre affirmait qu'il n'avait pas de raison de bouger. Puis, par bribes, il a évoqué trois solutions." Il s'agit du transfert pur et simple, tel que le prévoit le projet de loi du gouvernement voté en première lecture par l'Assemblée le 14 mars: d'une part la mise à disposition par l'Etat des TOS aux régions, ainsi que le préconisait en 2000 le rapport de l'ancien Premier ministre socialiste, Pierre Mauroy, et d'autre part une expérimentation des transferts limitée à des régions volontaires. l'offre n'a pas été jugée suffisante... Il y aura une autre rencontre...

Les couacs de la décentralisation

Le projet de loi sur les transferts de compétences aux collectivités locales a été voté en première lecture, mercredi 14 avril, par l'Assemblée nationale. Il a été adopté par 306 voix contre 180 et 50 abstentions. Comme ils l'avaient annoncé, les députés UDF se sont abstenus et la gauche a voté contre. Seule l'UMP, malgré de fortes réserves, a voté pour. Cependant, sur les 364 députés du parti chiraquien, 44 n'ont pas répondu à l'appel au "vote de raison" lancé par les dirigeants du groupe (19 ont choisi de s'abstenir, 21 n'ont pas pris part au vote et 1 a même voté contre le texte). Une première dans l'histoire de la VeRépublique.

Tout est possible

La valse hésitation de Sarkozy sur la privatisation d'EDF-GDF (processus engagé, il est bon de le rappeler, par la signature de Chirac et de Jospin au sommet européen de Barcelone en avril 2002) est due à la résistance des personnels qui s'est de nouveau exprimée dans la grève et les manifestations du 8 avril lancées par l'ensemble des syndicats, obligés de rompre les négociations. La victoire des chercheurs, le recul du gouvernement face aux intermittents du spectacle, l'appel lancé par près de 300 chefs de service et professeurs de médecine (rassemblés dans un Comité national de défense de l'hôpital - CNDH) pour défendre le service public de la santé, à l'image du mouvement des chercheurs, autant de signes tangibles de l'extrême faiblesse de l'axe Chirac-Raffarin.
l'unité des travailleurs et de leurs organisations doit empêcher le passage de la réforme de la Sécurité sociale et pour cela, les dirigeants doivent rompre avec toutes les commissions mises en place pour détruire cette conquête du mouvement ouvrier, ce modèle "45-47".
Modifié le dimanche 19 juin 2005
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