Sous le drapeau des Versaillais
Chronique d'une fin de RégimeLes eaux usées de ce régime moribond exhalent l'odeur fétide d'un poison : le chauvinisme. La déroute complète de Sarkozy et de ses affidés aux dernières élections, surfond d'abstentionnisme accru, semble devoir inciter ce gouvernement à faire toujours plus de tapage en faveur de l'identité nationale et dans le registre de l'autoritarisme.
De l'interdiction du voile à la mise au point d'un délit d'outrage au drapeau français, tout un arsenal répressif s'ébauche, s'improvise, caractéristique d'un pouvoir
qui s'isole.Les seconds couteaux de Sarkozy
ne craignent jamais de sombrer
dans le ridicule. Ils osent tout (ou
presque) et c'est d'ailleurs à ça qu'on
les reconnait, aurait pu dire Michel
Audiard. On se souvient de Nadine
Morano, la secrétaire d'Etat à la Famille,
déclarant en décembre dernier " Moi,
ce que je veux du jeune musulman,
quand il est Français, c'est qu'il ne parle
pas le verlan, qu'il ne mette pas sa casquette
à l'envers ". Cela survenait après
les propos fangeux tenus par Hortefeux
à la dérobée, au cours de l'université
d'été de l'UMP : " Il en faut toujours un.
Quand il y en a un ça va. C'est quand il
y en a beaucoup qu'il y a des problèmes"
Polygamie, adultère et islamophobie
Le revoilà, Hortefeux, montant
en épingle l'affaire d'une femme
voilée verbalisée au volant de sa
voiture, début avril. La conductrice
voilée a été condamné à 22
euros d'amende pour "conduite
dans des conditions non aisées".
l'agent de police qui a verbalisé
s'est appuyé sur l'article R 412-6
du code de la route : "Tout
conducteur doit se tenir constamment
en état et en position d'exécuter commodément
et sans délai toutes les
manoeuvres qui lui incombent.... Ses
possibilités de mouvement et son
champ de vision ne doivent pas être
réduits". La femme dénonce ce PV à
l'attention des média, en faisant remarquer
que ce motard coiffé de son
casque n'avait pas une meilleure visibilité
qu'elle. Aussitôt, Hortefeux rebondit
en accusant son mari de polygamie.
Dans une lettre à son acolyte Besson,
en date du 23 avril, le ministre de l'Intérieur s'ébroue : "J'ai demandé au
préfet de la Loire-Atlantique de faire,
sans délai, toutes les diligences utiles,
auprès du parquet et des services
sociaux, pour réprimer, le cas échéant,
les faits de polygamie et de fraude aux
aides sociales qui ont été signalées. Je
vous serais très reconnaissant, en outre,
de bien vouloir faire étudier les
conditions dans lesquelles, si ces faits
étaient confirmés, l'intéressé (NDLR :
l'époux) pourrait être déchu de la nationalité
française". Jean François Copé le
félicite d'avoir su mettre les pieds dans
le plat. Seulement voilà ; peu après, le
procureur de Nantes va tenter de ramener
ces messieurs à la raison, en indiquant qu'il n'a été saisi " à ce jour d'aucune plainte " et en rappelant que " Si
un homme est marié civilement mais a
cinq maîtresse, l'adultère n'est plus puni
par la loi" ". Ce à quoi Fadela Amara
rétorquera que cet homme est polygame
" officieusement ". Et, que dire des
gens qui ne sont pas musulmans ou d'origine
maghrébine ou africaine et qui ont
des " maîtresses " ? Ils sont quoi, eux, "
officieusement " ?
Sur le fond, on ne peut pas donner tort
à Tariq Ramadan lorsqu'il dit : " Etre polygame est illégal au regard de la loi.
Celui qui commet un délit doit payer
pour ce délit. Mais depuis quand un
ministre vient dire : On va lui retirer sa
nationalité ? ". Mais, ce n'est pas l'avis
de Marie-George Buffet, secrétaire
nationale du Parti communiste : "Si la
polygamie est avérée, il faut que la justice
passe", a-t-elle affirmé sur France
Info. Elle ne se dit "absolument pas choquée"
par le retrait de la nationalité française
au mari polygame. Alors, Madame
Buffet, pour vous aussi, être français,
ça s'hérite ou ça se mérite ?
Outrage au drapeau français
Au même moment, surgit une autre
affaire, celle du drapeau français
outragé, paraît-il, par une photo satirique
primée à un concours de La
FNAC. Hortefeux de tous bois rebondit
à nouveau, ce même vendredi 23
avril : "personne ne peut accepter que
la liberté d'expression soit détournée
au mépris de l'emblème de notre
pays".Et Christophe Cuvillier, le courageux
PDG de la FNAC, s'est
empressé de retirer cette photo de
son exposition. Puis, la garde des
Sceaux, Alliot-Marie, prend le relais
pour annoncer la création à venir d'un
nouveau délit d'outrage au drapeau
français. Ce qui ne suscite aucune réaction
particulière à gauche de l'échiquier
politique.
Or, le gouvernement s'attaque ici à la
liberté d'expression artistique et culturelle.
Rien que ça. Ce qui ne saurait
laisser indifférent aucun démocrate. Ce
gouvernement ne montre t-il pas qu'il
est viscéralement liberticide ?
Mais, le drapeau français fait l'objet
d'une telle vénération sur l'échiquier
politique institutionnel, du FN au PC,
qu'aucun homme politique de la gauche
apprivoisée ne songerait à prendre la
défense de ce jeune photographe de 25
ans dont le cliché était d'ailleurs, semble
t-il, plus inspiré par l'esprit de dérision
que par l'aversion pour cet emblème
national.
l'infame drapeau tricolore
Pour nous, militants anticapitalistes, le
drapeau français n'est pas le drapeau
de la liberté, c'est le drapeau des versaillais,
le drapeau des massacreurs
des ouvriers parisiens insurgés en juin
1948 et des fusilleurs des communards,
en mai 1871. C'est le drapeau des sales
guerres coloniales. Qui le dira de nos
jours ?
Qui rappellera à présent que,
le 9 juillet 1871, la majorité des
députés royalistes, tout en
exprimant sa " déférence " au
comte de Chambord, le petit
fils de Charles X, fit acte de
fidélité au drapeau tricolore "
devenu, par opposition à l'étendard
sanglant de l'anarchie, le
drapeau de l'ordre social " (cité
dans " les débuts de la III ème
République ". J-M Mayeur
Page 17. Seuil - histoire. 1973)
?
Qui rappellera que le drapeau
" français " n'était pas le drapeau
que s'était donné le mouvement
ouvrier qui avait adopté " l'étendard
sanglant ", le drapeau rouge " taché du
sang des ouvriers " ?Ce drapeau rouge
fièrement revendiqué dans un chant
que des générations de militants
ouvriers ont entonnés et dont voici les
principaux extraits : " Ies révoltés du
Moyen-Âge/l'ont arboré sur maints beffrois/
Emblème éclatant du courage+
Toujours il fit pâlir les rois.) Quand la
deuxième République/Condamna ses
fils à la faim/ Il fut de la lutte tragique,/Le
drapeau rouge de juin !Sous la
Commune il flotte encore/À la tête des
bataillons/ l'infâme drapeau tricolore
En fit de glorieux haillons ! Le voilà !, Le
voilà ! Regardez !: Il flotte et fièrement il
bouge,/ Ses longs plis au combat préparés,/
Osez, osez le défier !/Notre
superbe drapeau rouge !/ Rouge du
sang de l'ouvrier ! (bis)/Noble étendard
du prolétaire, " Question : ce chant dont
la première mouture fut écrite par l'ancien
communard Paul Brousse en 1877
sera-t-il proscrit demain pour outrage au drapeau français "
Le Pen salue Marchais
Qui enfin dira que jusqu'en 1935, le
parti communiste récusait le drapeau tricolore...
Jusqu'au pacte Staline-Laval
qui valut à Staline de saluer la " défense
nationale " de la France et aux dirigeants
du Parti communiste, Maurice
Thorez en tête, de tourner le dos aux
peuples des colonies opprimés par l'Etat Français, en Algérie, en
Indochine, aux Antilles, en Afrique ?
Le PCF est alors devenu le champion
toutes catégories du chauvinisme, s'appliquant
de toutes ses forces à l'inoculer
dans les rangs de la classe ouvrière,
n'hésitant pas à tenter de transformer la
lutte contre le nazisme en lutte " contre
les boches ". Chauvinisme stalinien qui
ne s'est pas calmé après-guerre.
Ce qui vaut d'ailleurs aujourd'hui au
PCF des " trente glorieuses " un hommage
appuyé du sinistre Le Pen dans
son homélie à la sauce Jeanne d'Arc du
1 er mai 2010 : " Marine me disait l'autre
jour, à propos de ce discours du 1er mai
" Jaurès et pas Thorez ! ". Et pourquoi
pas ?! Avant que le Parti communiste
français et les syndicats n'eussent trahi
les ouvriers en acceptant la mondialisation
et l'Europe et en devenant immigrationnistes,
Georges Marchais ne réclamait-
il pas son arrêt immédiat et ne
défendait-il pas le " Produisons français
" ? Il avait raison, comme nous avions
raison. "
On l'a vu, dans l'affaire de la polygamie
montée de toutes pièces par
Hortefeux, Marie Georges Buffet a gardé
les stigmates du chauvinisme de
Marchais. Le PS, bien sûr, n'est pas en
reste. Prenons pour seul exemple, celui
du remplacement des plaques des
noms de rues dans une ville comme
Alfortville, dirigée par des Strauss-kahniens.
Jusqu'à présent, sur la plaque
indiquant la rue Roger Girodit, on pouvait
lire en exergue " fusillé par les
Nazis ". Sur la nouvelle plaque flambant
neuve, nous lisons " Mort
pour la France "...
Aussi bien, Sarkozy et
ses pieds nickelés savent
ce qu'ils font lorsqu'ils en
rajoutent dans le registre
cocardier de l'identité nationale.
Au-delà des calculs à
courte vue pour " siphonner
" l'électorat putatif du FN,
Sarko vise au consensus
des forces politiques et des
" partenaires sociaux "'
autour de valeurs " françaises
" permettant de mettre
au pas la composante immigrée
de la classe ouvrière pour mettre
au pas tous les salariés et créant les
meilleurs conditions possibles pour faire
passer ses réformes mortifères contre
les retraites, la sécurité sociale, la fonction
publique.
Jamais, le drapeau des versaillais ne
pourra unir les salariés et la population.
Jamais les valeurs " françaises " de la
classe dominante ne pourront aider à
l'unité des travailleurs et des organisations.
Le chauvinisme et l'islamophobie
sont des poisons qui sèment la division,
au compte exclusif des capitalistes et
des banquiers.La lutte contre ces facteurs
de division est inséparable de notre
combat anticapitaliste quotidien.
Daniel Petri,
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