Retour à la normale ou décomposition ?
Chronique d'une fin de régimeLe climat social semble plutôt calme. Des oiseaux de bon augure annoncent le " retour de la croissance ". Certains statisticiens se hasardent même à dire que la pauvreté recule en France. Les syndicats se seraient assagis. Et, les partis de l'opposition "de gauche" sont plus que respectueux . Il y a un mois, le directeur du JDD notait : "Toutes les conditions étant réunies, qu'attend-on pour le Grand soir ? Contre toute attente, on ne voit rien venir. Se serait-il passé quelque chose dans l'inconscient collectif des Français ? Ce peuple insouciant semble conscient, inquiet qu'il a vécu de trop nombreuses années au-dessus de ses moyens, qu'il a épuisé toutes les astuces et produits retardants, que, à force de repousser les échéances, le temps est venu de solder les comptes". La situation serait-elle en voie de "normalisation" ?Surenchère à droite
A première vue, on pourrait penser que nous assistons à une mise au pas du pays, avec des syndicats qui cesseraient d'être des syndicats de "revendications" pour devenir des syndicats de "propositions" gagnés à l'idée qu'il faut "réformer" tout "l'édifice social" issu de 1945, prêts à apporter leur concours aux restructurations industrielles. Ne vient-on pas de voir la CGT signer un accord interprofessionnel qui, sous couleur de formation, fraye le chemin à l'allongement du temps de travail ?
On assisterait, au même moment, à des rapports "normalisés" entre la "majorité" et "l'opposition". Ce qui n'exclut pas, à l'occasion, les polémiques d'usage sur "35 heures" où, soudain, les parlementaires de la gauche plurielle retrouvent des accents de tribuns, avant de laisser le dernier mot à Martine Aubry, mère de l'ARTT, convenant qu'il faut "assouplir" sa loi, à l'instant précis où Fillon proclame qu'il ne faut surtout pas l'abroger.
Parmi ces opposants, le député Le Guen est membre du Haut conseil pour la réforme de l'assurance-maladie. Vaste programme ! Interrogé à propos du PLFSS ( NDLR : Projet de loi portant sur le financement de la sécurité sociale), Le Guen déplore que ce projet "se contente de transférer 1 milliard d'euros sur les complémentaires - santé". Cet élu PS n'hésite plus à faire de la surenchère à droite, en s'exclamant "il faudra donc relever la CSG d'un point ou de deux points, si le gouvernement met en place un véritable plan d'économie". Voilà dans quel état est l'opposition.
C'en serait donc fini de la "bipolarisation de la vie politique" des années 70, opposant une droite monarchiste "républicanisé" à une gauche jugée "collectiviste" parlant un langage "anticapitaliste".
Fronde de l ' UDF
Paradoxalement, cette "harmonisation" des relations politiques s'arrête aux portes de la majorité. Bayrou et Santini semblent être devenus des opposants bien plus mordants que les ténors du PS, Bayrou stigmatisant la réforme de l ' Allocation des chômeurs en fin de droit (ASS) comme un "signal social désastreux". Mais cette fronde de l'UDF n'est que la partie visible des tiraillements qui agitent l'UMP. Selon Les Echos, cette fronde laisserait "l'UMP totalement désorientée".. Pour François Baroin, une éventuelle abstention de l'UDF sur le budget serait "une déclaration de guerre". Jacques Barrot préférant relativiser : "l'abstention de l'UDF ne nous empêche pas de dormir"
Mesures " correctives "
Ainsi s'avance, tant bien que mal, le budget 2004 marqué notamment par l'augmentation de 13% du forfait hospitalier (la droite ne remerciera jamais assez l'ancien ministre PCF des années 80, Jack Ralite qui "inventa" le forfait hospitalier), le déremboursement massif des médicaments qui pénalisera d'abord ces salariés précaires, ces personnes âgées ou ces personnes handicapées trop "riches" pour toucher la CMU mais pas assez pour être couverts par une mutuelle complémentaire.
Toujours dans la même veine "budgétaire", les crédits accordés au Logement, déjà réduits depuis belle lurette à une peau de chagrin, sont encore rognés de 9%. Boorlo arrive néanmoins à amadouer le chef de file du DAL en l'entraînant dans un "comité de pilotage" pour faire miroiter un toit à 500 familles SDF d'ici Noël, tandis que les expulsions de logement continuent de plus belle. l'exemple du Val de marne est éloquent : de 250 expulsions "manu militari" en 1997, on est passé à 340 en 2000 et à 1209 cette année. (A quoi sert donc la loi contre l'exclusion de 1998 ? )
Si, comme de juste, chaque logement libéré pour une famille mal-logée ou sans-abri doit être salué, à juste titre, comme une victoire pour le compte de tous, le tri sélectif des dossiers sous le patronage charitable d'un ministre "des pauvres et des banlieues" ne sera jamais qu'un accessoire de plus dans la machine à refouler les demandes de logement urgentes, se surajoutant (provisoirement ? ) aux "dispositifs" existants : commissions d'attributions de logement, conditions de ressources excluant les plus démunis, titres de séjour réguliers exigés par les bailleurs "sociaux", veto contre les familles ayant une dette de loyer ou ayant été expulsées dans le passé, etc.
Un gouvernement tétanisé
Pourtant, selon La Croix (du 20 10), le ministre Alain Lambert, "tiraillé entre les promesses de Jacques Chirac, les priorités du gouvernement et les contraintes européennes " se serait efforcé de mettre de l'humain dans le budget". On n'ose imaginer la tournure du budget si ces gens-là ne mettaient pas de "l'humain" entre les lignes budgétaires.
En revanche, ce n'est certainement pas par humanisme que, le 29 octobre, le ministre Mattei a plaidé en faveur de "l'inéluctable croissance des dépenses de santé" devant les députés, jurant ses grands dieux qu'il veut écarter la "privatisation" et "l'étatisation" de la sécurité sociale.
Là n'est pas le plus étonnant : selon l'AFP (29.10), le report de la réforme de l'assurance-maladie "chagrine la gauche". Tiens, donc. Encore une fois, s'agissant de la Sécu, à quelle opposition officielle se heurte le gouvernement ? Pas à celle du PS, on l'a vu. Et, le PC, dans tout ça ? En la personne de Muguette Jacquin, il accuse le gouvernement de "laisser volontairement filer le déficit" pour "faire passer auprès de nos concitoyens une privatisation rampante de la santé". Il agite à son tour l'épouvantail du "déficit abyssal" de la branche maladie de la Sécurité sociale. C'est une façon comme une autre de "faire passer auprès des militants" l'idée qu'il faut réformer la Sécu. Ainsi, M. Jacquin ne voit dans le déremboursement des médicaments et la hausse du forfait hospitalier rien d'autre que "des mesures correctives" issues d'un projet de loi qu'il juge simplement "creux". C'est une façon comme une autre de banaliser les mesures scélérates prises contre les personnes frappées par la maladie.
Crise politique
A l'évidence, ce gouvernement s'accroche et, avec le Medef, il porte des coups très durs contre les salariés, les chômeurs et les pauvres ; il mise sur la neutralité plus que bienveillante des directions syndicales. Mais il est conscient que la neutralisation des syndicats est loin d'être un fait acquis, en dépit de tous les efforts dépensés par Thibault et consorts, pour le compte du gouvernement et du Medef. Leur message passe mal dans les fédérations. Ainsi, la fédération des cheminots (qui avait pourtant appuyé avec zèle Thibault dans son "combat" contre la grève générale et contre le retrait du Plan Fillon ) s'est- elle abstenue sur l'accord interprofessionnel signé par la "confédé". Ainsi, la fédération CGT EDF renoue avec le langage contestataire que son ancien chef avait récusé, allant jusqu'à brandir la menace d'une grève avec coupures de courant.
La "normalisation" annoncée de toute la situation cache mal la décomposition de toutes les institutions et de tous les appareils. A l'autre pôle, dans leur grande masse, les salariés et les chômeurs veulent garder ce qu'ils ont acquis, ils veulent des syndicats indépendants, ils veulent résister, ils veulent en finir avec la politique des gouvernements capitalistes. Là est le moteur de la crise politique.
A vrai dire, l'UMP et le gouvernement sont tétanisés ; ils vivent dans la peur rétrospective de "mai - juin". Ils cherchent des expédients. Songent-ils à supprimer un jour férié ? Sitôt dit, sitôt pas fait. Le ministre des personnes âgées tente-t-il d'expliquer à une assemblée nationale désappointée que rien n'est décidé ? Du haut de son perchoir de Président de l'Assemblée nationale, l'inévitable J.L Debré laisse tomber comme un couperet : "votre temps de parole est épuisé". Certes, c'est conforme aux règles de la présidence d'une séance mais c'est toutefois contraire à la bienséance qui commande de ne pas interrompre un ministre. Mais, qui sait, J.L Debré voulait peut-être signifier à ses amis politiques que le gouvernement Raffarin a "fait son temps".
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