Panique à bord
Chronique d'une fin de régimeÇa y est, les journaux ont commencé leur compte à rebours. J - 30. Depuis quelques jours, on dirait que l'Europe se vend comme des paquets de chewing-gums, on dirait que l'Europe est une marque de lessive, probablement à l'oxygène actif puisque les enzymes sont passées de mode. Et vas-y que j'te promets une harmonisation sociale vers le haut grâce à une Constitution qui serait, prétendent sans vergogne les bonimenteurs du PS, un véritable rempart contre le libéralisme. Et vas-y que j'te ressors Jospin de son placard doré.Ils ont beau dire, ils ont beau faire, la peur du non s'est installée chez tous les tenants de l'Europe capitaliste, qui voient arriver leur propre défaite non pas tant du fait des sondages toujours hasardeux mais parce que, mine de rien, le pays se couvre de grèves, regorge de colère, de révolte contre tout ce qu'il se passe. Les marins pêcheurs, les salariés de la SNCM, les préparateurs de commandes des entrepôts de Carrefour, les hospitaliers de l'hôpital de Villejuif (spécialisé dans le traitement du cancer), les urgentistes, tous cherchent l'issue dans l'action. Même le syndicat des avocats de France prend le chemin de la lutte à la suite de l'incarcération d'une avocate qui aurait enfreint la loi Perben II, particulièrement liberticide.La consigne du vote non ne se propage pas dans les médias, qui jouent au contraire à qui roulera le mieux pour le oui, mais dans les cités, les ascenseurs, les vestiaires d'atelier, les bureaux, les chantiers, devant les piquets de grève, et traduit nettement le refus instinctif de l'exploitation, du capitalisme et de la dictature des taux de profit dont la Constitution européenne est un concentré juridique.
Des millions de pulls chinois, émoi, émoi, émoi
En bas, on se serre les coudes ; en haut, on s'étripe. Et c'est au nom d'une politique plus audacieuse, plus volontaire, que Villepin, oublieux des consignes de Chirac enjoignant ses fidèles de ne pas mélanger les questions franco-françaises avec la semoule européenne, dégomme Raffarin et le pousse vaillamment vers la sortie. Le Raffarin en question se rebiffe contre le ministre de l'Intérieur puis s'envole pour la Chine redorer son blason et s'enorgueillir de la vente d'Airbus, objets volants identifiés qui sont, paraît-il, les fils de la Constitution européenne avant même sa ratification. Mais là encore, patratas pour Raffarin, car à peine a-t-il quitté le sol chinois que l'Europe découvre avec horreur l'invasion du textile chinois, pourtant parfaitement conforme à la liberté sans entrave de circulation des capitaux et des marchandises dans une économie mondiale intégrée, dont l'Europe des capitalistes et des banquiers voudrait être la pointe avancée dans un jeu de concurrence-association avec les USA.
Raffarin sur un siège éjectable
En bref, tous les événements (hormis peut-être l'envol de l'Airbus, qui n'a cependant rien à voir avec la choucroute constitutionnelle) militent contre le oui et contre Chirac-Raffarin, dont la cote est en chute libre, Chirac passant largement en dessous des 50 % avec 44 %, à son niveau le plus bas depuis 2002, et Raffarin en dessous des 30. Du coup, les préparatifs de départ s'accélèrent pour l'actuel Premier Ministre et, Villepin s'étant bêtement grillé tout seul par impatience, c'est Alliot-Marie qui se met sur les starting-blocks. Quant à Chirac, il semble avoir raté la marche lors de son émission de variété politique du 14 avril. Au point de conclure l'émission en confessant qu'il avait de la peine face à la contestation jusque sur un plateau télévisé pourtant confectionné sur mesure pour lui.
Répression contre les lycéens
Parmi les événements qui s'enchaînent à la veille de ce référendum décisif, les gens n'oublient pas la répression policière qui s'est exercée contre les lycéens qui cherchaient à lutter jusqu'au bout contre la loi Fillon, même après avoir été abandonnés par des porte-parole soi-disant syndicaux autoproclamés dans les médias de la FIDEL et de l'UNL qui ne représentent que leur ombre et ont cherché à être des interlocuteurs présentables auprès du ministre. C'est ainsi que 158 lycéens ont été gardés à vue pendant 48 heures dans l'indifférence générale des directions syndicales, au premier chef la FSU, alors qu'ils se battaient pour des revendications qui sont aussi celles des enseignants et de tous les personnels de l'Éducation nationale. D'ailleurs, d'une manière générale, les états-majors des grandes centrales syndicales sont silencieux vis-à-vis de toutes les grèves en cours, en particulier dans le commerce, où les salariés cherchent activement les voies et les moyens de la grève générale pour les salaires et les effectifs.
Langue de bois et emploi précaire
Les salaires, voilà l'ennemi de tous les promoteurs de l'Union Européenne, de Chirac à Delors en passant par Jospin. En effet, une économie de marché, même prétendument sociale, se doit d'être compétitive, la compétitivittant exclusivement fondée sur la réduction des coûts du travail, c'est-à-dire le nivellement des salaires. Cela n'empêche pas le PS de clamer sur tous les tons que l'Europe sociale passe par le oui, Jack Lang, affublé de Cohn-Bendit, exhortant les Français à faire la distinction entre la politique de Chirac-Raffarin et la politique de l'Union Européenne. Pour preuve, disent-ils, le gouvernement Jospin avait cr dans le cadre de l'Europe de Maastricht pas moins de 100 000 emplois dans les lycées et collèges, supprimés par la suite par la droite revenue au pouvoir. Ces deux messieurs de " gauche " oublient soigneusement de rappeler qu'il s'agissait de CES, CEC (CES " consolidés ") et autres emplois-jeunes, c'est-à-dire d'emplois précaires et sous-payés attribués au mépris de la reconnaissance des diplômes obtenus par les salariés concernés. Ces emplois ont donc été supprimés précisément parce qu'ils étaient provisoires, et la droite n'a rien fait d'autre que de suivre la logique du travail précaire qui est, par définition, destiné à se terminer quand l'employeur, ici l'État, l'a décidé. Très commode ensuite de faire les étonnés et de pousser des cris de vierge effarouchée ...
Voilà à quoi elle se réduit, l'Europe sociale du PS, à la peau de chagrin du travail précaire dont les gouvernements " de gauche " ont été, il est vrai, les promoteurs de 1982 à nos jours. Après quoi, il faut bien dire que la direction du PS est l'aile marchante et le bras armé de la bataille pour le oui, sans lésiner sur les moyens, la droite n'ayant pas la capacité de mobiliser qui que ce soit. Ainsi, dans certaines villes, les maires PS acquis au oui n'hésitent pas utiliser les services municipaux pour distribuer dans les boîtes aux lettres leur propagande pour la Constitution, en quadrichromie et papier glacé. Déterminé à aller jusqu'au bout pour sauver l'Europe des patrons et des banquiers, mais aussi le gouvernement dont elle feint d'être l'opposante en titre, la direction du PS a été jusqu'à ressortir Jospin de sa retraite forcée.
Jospin sorti du placard
Lors de sa prestation télévisée du 28 avril, Jospin commence par dire que le gouvernement actuel est " désordonné dans sa façon de faire " avant de proclamer qu'il y a bel et bien " compatibilité entre les oui de gauche et de droite ". Le message ainsi délivré est clair : Jospin veut plus que tout l'union sacrée. Comme en 14 ! Depuis le 21 avril 2002 et sa propre débâcle, le PS milite pour la sainte alliance avec Chirac, de plus en plus ouverte et volontaire, les divergences portant désormais sur " la façon de faire " et non sur ce que fait le gouvernement. Le socle de cette alliance, c'est l'adhésion sans réserve à l'Union Européenne, qui se dresse contre les travailleurs et les peuples. Les travailleurs que le PS voudrait enrôler dans le camp de l'Europe capitaliste, eux, ont de la mémoire et n'ont certainement pas oublié que Jospin avait signé avec Chirac les accords de Barcelone contre la retraite à 60 ans et le fameux traité de Nice devant lequel il est de bon ton, du côté des tenants du oui, de faire la fine bouche. Reste que l'utilisation d'un cheval de retour comme Jospin comme joker pour sauver la Constitution européenne est symptomatique de la faiblesse chronique de tous les défenseurs de l'ordre établi et de la frayeur qui les habite.
Double langage
De même, le recours aux chefs d'État étrangers pour exhorter la population française à ne pas voter non, comme Zapatero ou Schröder, tous deux membres de l'Internationale socialiste, mais aussi Barroso, le Président en exercice de la commission européenne. Et puis, pour se mettre au diapason de la population en colère, les béni-oui-oui n'hésitent pas à présenter leur Constitution comme un antidote contre le libéralisme, une ode à l'Europe sociale et même un moyen de conjurer la fameuse directive Bolkestein, présentée par eux comme une dérive. Mais, où sont-ils, ces députés " européens " du PS et de la droite qui, sans ciller, avaient voté pour cette directive de déréglementation sociale généralisée ? Autre question : que pensent-ils, ces députés français qui avaient voté pour la loi de modernisation sociale de Jospin présentée frauduleusement comme une lutte contre les licenciements, lorsqu'ils entendent des patrons proposer des reclassements de leurs employés en Roumanie, au Mexique ou à l'île Maurice en application de cette même loi Jospin de " modernisation sociale " ?
Il va être très difficile et, espérons-le, impossible pour la droite et le " socialisme bourgeois " d'enrayer la montée inexorable du non. En tout cas, rien n'est joué, chaque jour compte pour assurer la victoire nécessaire, vitale, du non le 29 mai prochain. Tout est possible.
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