Meilleurs voeux

Chronique d'une fin de régimeMoins de dix jours après l'élection d'Alain Juppé à la présidence de l'UMP, l'ancien Premier ministre et le ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy, s'affrontent à nouveau. Le député européen, Brice Hortefeux, principal lieutenant de Sarkozy, a été écarté de la liste des secrétaires généraux adjoints de l'UMP. Coup de sang du ministre de l'Intérieur qui, devant les élus parisiens de l'UMP, s'en prend aux " faibles qui se referment, qui se privent des compétences des autres " et averti qu'" aucune ambition ne sera satisfaite sur la division, sur le sectarisme et sur la fermeture ". Alain Juppé, absent de cette réunion, en a encore les oreilles qui sifflent. Son adversaire la présidence de l'UMP, Nicolas Dupont-Aignan, en rajoute : " Nicolas Sarkozy a dit tout haut ce que tout le monde pense tout bas (...) la composition de l'équipe de direction, et notamment l'absence de Brice Heurtefeux, démontre à elle seule l'incapacité de rassemblement de la présidence du parti ". Un proche du chef de l'Etat, selon la formule en vigueur, menace : " Chirac a besoin de deux choses : un gouvernement performant et un parti qui tourne. Si l'on vient entraver cette mécanique, il saura le rappeler. "

Divisions majoritaires

Mais le désordre dans la " majorité présidentielle " n'en finit pas pour autant. Il va atteindre des sommets à l'occasion de l'élection législative partielle de la troisième circonscription des Yvelines, détenue par l'UDF. Christian Blanc, ancien PDG d'Air France, choisi par François Bayrou va affronter un concurrent de l'UMP. A ceux qui n'auraient pas perçue l'importance de cette consultation, le ministre de l'Intérieur, venu soutenir le candidat UMP, a tenu à rappeler les enjeux, quitte à les dramatiser : " La France entière va regarder cette élection et va dire, "est-ce un encouragement, ou est-ce une défaite pour le gouvernement ?" Il faut que vous nous donniez ce parlementaire dont nous avons besoin. " Pierre Bédier, secrétaire d'Etat, surenchérit en évoquant ce moment " important de notre histoire politique. Si Philippe Brillaut ne gagne pas, on dira, c'est ici qu'on a donné le premier coup au gouvernement Raffarin ". Et ce n'est pas finit, pour faire bon poids Alain Juppé, informé du soutien du ministre des transports, UDF faut-il le préciser, à Christian Blanc, s'exclame : " Le soutien de M. de Robien, qui est membre du gouvernement, à un candidat UDF alors qu'il y a un candidat UMP est inacceptable ", ajoutant qu'il en ferait part " au chef du gouvernement ". Consternation de Jacques Chirac qui lâche : " C'est lamentable. Nous avons un gouvernement de mission il faut nous occuper des problèmes des Français. " Du côté de Matignon, on s'empresse de souligner que le résultat de cette élection ne saurait " engager la crédibilité du gouvernement ". François Bayrou en profite pour ironiser aux dépens d'Alain Juppé : " l'UMP a 365 députés ? Est-ce qu'il a vraiment besoin d'une circonscription de plus ? On peut mettre cela sur le coup de la fatigue... " Il reçoit le renfort de Philippe de Robien qui lance aux journalistes : " Si l'UMP Juppé c'est une simple machine à broyer les partenaires, à empêcher la société civile de participer à la vie publique, on peut s'inquiéter ". Au Sénat, Jean-Pierre Raffarin a cette remarque acide : " Moi, je prends le temps du dialogue et de la concertation. Cela fait partie de notre nature et de notre conviction. J'en connais beaucoup qui se sont mordus les doigts de ne pas avoir donné ce temps à la concertation nécessaire. " Christian Blanc sort en tête au premier tour, il devance très largement le candidat de l'UMP. Commentant les résultats, et notamment le très fort taux d'abstentions - 66,80% - Dominique de Villepin, ministre des Affaires étrangères, estime que le gouvernement doit tirer " toutes les leçons " de cette élection : " Un gouvernement doit en permanence comprendre les avertissements qui lui sont adressés " a-t-il déclaré. Force est de constater que le ministre des affaires étrangères fait preuve d'une certaine lucidité en pointant le doigt sur ce qui est à la base des affrontements entre Juppé, Sarkozy, Bayrou et de Robien, tous membres de la même " majorité ", le taux d'abstention, qui a plus que doublé depuis juin.

Une épée de Damoclès

Pour le principal protagoniste qui a été la cible de tous - un malheur n'arrive jamais seul -, mis en cause formellement par l'ancien ministre RPR, Michel Roussin, dans l'affaire des emplois fictifs de la ville de Paris à une époque où il était secrétaire général du RPR et adjoint aux finances de Jacques Chirac à la Mairie de Paris, Alain Juppé, tout le monde l'a reconnu, reste sous la menace des affaires, mis en examen dans l'enquête sur le financement du RPR, il aura à affronter en 2003 l'épreuve d'un procès devant le tribunal correctionnel. Cette situation l'expose à une condamnation à une peine d'emprisonnement, qui pourrait être assortie d'une période d'inéligibilité qui le priverait aussitôt de ses mandats électifs. Poursuivi pour " abus de confiance ", " recel d'abus de biens sociaux " et " prise illégale d'intérêts ", il a confié au Nouvel Observateur : " Je l'ai dit à Jacques Chirac, les yeux dans les yeux, je ne sais pas comment je réagirai si je suis condamné à une peine infamante. "
Etre président de l'UMP n'est pas une sinécure, déjà se profile la question du mode de scrutin pour les élections européennes. François Bayrou ne veut pas être laminés par le roulant compresseur UMP, si d'aventure Jean-Pierre Raffarin décidait de régionaliser le mode de scrutin des élections. Il menace : " J'appellerai à toutes sortes de réactions, depuis le recours au conseil constitutionnel par les parlemen-taires, jusqu'à des manifestations publiques et à un grand meeting commun de tous ceux qui ne veulent pas que soit verrouillée la démocratie au profit d'un monopole à deux. " l'UMP restera ferme, elle ne cédera pas, Alain Juppé l'a répété : " La réforme des modes de scrutin est pour l'UMP un débat de fond. " Affaire à suivre...

Futures recompositions ?

François Bayrou évoque un possible rapprochement entre l'UDF et le PS, tout d'abord en ayant choisi Christian Blanc, un ami de Michel Rocard, pour l'élection législative partielle des Yvelines, ensuite en invitant à un colloque sur l'Europe le socialiste Jacques Delors. Tout est possible. Si Maryse Lebranchu, ancien ministre de la Justice du gouvernement Jospin, a déclaré " être entrée au gouvernement en colère " et " en être sortie révolutionnaire ", les socialistes de Nouveau Monde se défendent, quant à eux, de vouloir " mettre la barre à gauche toute (...). Avec ça, on fait des ronds dans l'eau, il n'y a pas de cap ", comme l'a dit Emmanuelli. Tout le monde constate qu'en tous les cas, ils n'ont plus de boussole, ce qui explique les appels incessants au nouveau militant du XVIIIe arrondissement, transfuge de Cintegabelle. Le 26 novembre, " trois anciens ministres, Daniel Vaillant, Ségolène Royal et Elisabeth Guigou remontent le cortège pour rejoindre M. Thibaut. Daniel Vaillant a à peine le temps de lui serrer la main. "Dehors ! Vous n'avez rien à faire ici !", conspue un groupe de manifestants. Cris. Bousculade. Inquiet, le service d'ordre de la CGT décide de protéger, sous une porte cochère, Mme Guigou restée isolée. (...) Bien que le PS ait appelé à manifester le 8 décembre avec les organisations syndicales enseignantes, les organisateurs ont décrété qu'il n'était pas question que des socialistes figurent dans le carré de tête, ni même qu'ils viennent saluer les leaders syndicaux. Rue de Solférino il a bien fallu se résigner : pas de place au premier rang, pas de banderole spécifique ", rapporte Le Monde.
Jacques Nikonof , élu président d'Attac le 1er décembre, semble avoir tiré quelques leçons de cette situation dans son discours d'investiture : " l'année 2003 en France sera notamment marquée par la tenue des congrès de partis de l'ancienne gauche plurielle... Beaucoup de comités locaux sont sollicités par ces partis qui leur proposent débats, colloques, rencontres de toutes natures... Non à toute participation d'Attac à des processus de reconstruction, de refondation ou autres... Nous allons rappeler que M. Jospin a été le plus grand privatiseur de la Ve République et qu'il a même fait plus que Messieurs Chirac, Balladur et Juppé réunis... Nous allons rappelé, également, que Monsieur Gayssot a commencé le processus de privatisation d'Air France, qu'il a soutenu celui de France Télécom, organisé celui d'Autoroutes de France, défendu celui de la Snecma (...). Aucun nouveau programme, aucun nouveau projet ne sera crédible s'il ne repose pas sur une analyse critique très poussée des politiques suivies depuis vingt ans particulièrement depuis le tournant de la rigueur de 1982-83 initié par Jacques Delors lorsqu'il était ministre des Finances. "

Equité

Le 19 décembre, Jean-François Copé, porte-parole du gouvernement, annonce que députés et sénateurs seront réunis en congrès fin février pour se prononcer sur le projet de loi de réforme constitutionnelle sur la décentralisation. Jacques Chirac a préféré cette procédure qu'un vote des Français, via un référendum, contrairement à ce qu'il avait dit durant la campagne présidentielle : " Les Français devront, naturellement, être consultés par référendum sur cette réforme essentielle ", avait-il assuré le 10 avril à Rouen. Depuis il y a eu le résultat du premier tour de l'élection présidentielle et la fronde du président de l'Assemblée nationale, Jean-Louis Debré. Le résultat d'un référendum est devenu incertain. Monsieur 14% a oublié sa promesse.
Porté par une mâle assurance, Philippe Douste Blazy s'est exclamé : " l'âge des rapports, des reports et des colloques est terminé, il faut maintenant avoir une grande réforme sur l'organisation même des retraites. " Plus prudent, dans la forme, Jean-Pierre Raffarin entend prendre le temps de la " concertation, avec le souci de l'équité ". " On ne fait pas de réforme en étant brutal. " François Fillon, ministre des Affaires sociales, pose d'emblée, quelques " principes " comme celui de l'équité entre actifs.
Au centre des voeux du Président de la République, " la réforme des retraites qui concerne tout le monde... C'est une chance pour tous et ce serait un grand péril de ne pas la faire. (...) C'est une année d'action, d'action résolue et équitable, qui nous attend... " " l'année 2003 s'annonce rude, Jacques Chirac a promis un tel train de réformes que le gouvernement n'a guère le droit à l'erreur ", remarque Le Monde. Pour le droit à l'erreur, ils ont fait leurs preuves. La parole est à la lutte des classes.
Modifié le dimanche 19 juin 2005
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