Le dénouement est proche

«Crise de régime», «implosion», «guerre des gauches». Les medias s’affolent devant le spectacle de la crise ouverte de l’exécutif. Ce nouvel épisode de la dislocation du régime se produit à l’instant précis où la crise économique connaît une nouvelle aggravation. Il intervient au moment où l’UMP est en proie à tous les déchirements. Mais, d’abord et avant tout, elle est l’effet différé des vagues abstentionnistes, de la grève des cheminots et de la mobilisation spontanée contre la complicité de Hollande avec l’Etat d’Israël. Bref, de la lutte de classes, qu’on ne s’y trompe pas.Il nous incombe de rétablir cet enchaînement des causes et des effets.

L’outsider François Bayrou ne mâche pas ses mots : «Un pouvoir exécutif ne peut pas résister à ce degré d'impopularité». Il cherche une issue dans l’impasse : la dissolution de l’assemblée nationale.

Autre outsider, d’un autre genre, Marine Le Pen en appelle, elle aussi, à cette dissolution et à «un gouvernement de cohabitation». Drôle d’extrême-droite qui cherche un palliatif à la chute de la Vème république et tente de replâtrer celle-ci.

L’arrogance de Manuel Valls n’y peut rien : en quelques heures, la cohésion du nouveau gouvernement, pourtant «resserré», vole en éclats. Le nouveau ministre de l’économie, Macron, sorti tout droit de la Banque Rothschild s’en prend aux «35 heures». Et, couac ! Le gouvernement doit aussitôt démentir. Mais, sans renier les propos de Macron, fort limpides : «trop de droits pour les travailleurs, égal handicap pour les entreprises. Tenez-vous le pour dit. Survient alors l’Université d’Eté du Parti socialiste. Taubira s’y affiche avec les «frondeurs». Re-couac.

Valls, le toutou du MEDEF

Valls venait de s’afficher à l’université d’été du...Medef ! « Standing ovation», «déclaration d’amour au Medef» ont commenté les medias. Seule ombre à ce tableau : le Medef a bien fait comprendre à l’homme de Matignon que faire acte d’allégeance était une chose mais que les patrons  ne concéderaient  aucune «contrepartie». Il attend, les bras croisés, que le gouvernement parachève toutes les «réformes» amorcées et, en particulier, la réforme liquidatrice des bases de la Sécurité sociale. Ce ne sont pas des «vilains patrons», «ingrats» et peu soucieux de «l’intérêt général». Ce sont des capitalistes qui ne peuvent «investir» tant que «le capital variable»( c’est-à-dire, les salaires-dont les cotisations Sécu sont partie intégrante), ne sera pas considérablement réduit. Seul moyen pour eux de restaurer «les taux de marges» (c’est-à-dire les taux de profits capitalistes).

Jusqu’ici, Hollande a pu s’appuyer sur les directions syndicales, lesquelles se sont arc-boutées contre toute mobilisation unie des travailleurs et de leurs organisations pour le retrait des réformes scélérates et des plans de licenciements. Mais, en juin, pour la première fois, CGT, FO et FSU ont boycotté la conférence sociale. La grève des cheminots venait juste de se calmer. Une grève prolongée et massive qui a montré l’incapacité grandissante des directions syndicales à «tenir les troupes» (les appels successifs de Le Paon à la reprise du travail ont été ignorés de longues semaines par les cheminots).
A cet égard, la démission du ministre des Transports Cuvillier est symptomatique. A la différence de Montebourg, il n’a pas été écarté. «« Je n'avais pas les leviers pour faire bouger les choses » a-t-il expliqué. «Lui ne voulait pas d'un simple secrétariat d'Etat aux emmerdements. » a précisé un ministre proche de Cuvillier.

Sexe, mensonge et brûlot

Comme si cela ne suffisait pas, le chef de l’Etat est devenu la cible vivante de sa très récente pénultième compagne, Trierweiler. Laquelle s’est fendue d’un best-seller que nous oublierons sans doute de lire ou de feuilleter. Ce brûlot a fait l’effet d’une bombe médiatique, le 3 septembre. François  Hollande y est décrit comme un être méprisable et méprisant à l’égard des pauvres. Sa funeste politique  à l’égard des pauvres et des salariés nous suffit à le qualifier. Nous n’avons donc nul besoin de regarder sa vie privée par le trou de serrure d’une moralité à géométrie variable pour nous forger un point de vue sur l’individu. Comme disait le poète, «le problème de la morale (privée), c’est que c’est toujours la morale des autres» (Léo Ferré). Dans cette affaire, il se trouve simplement que cette femme aigrie s’en prend, par ricochet et, à son corps défendant, à la fonction présidentielle sacrée de ce régime en perdition. Et de fait, elle participe de l’estocade contre Hollande qui, a-t-il dû penser, n’avait pas besoin de ça ! Qu’il ne compte pas sur nous pour le consoler…

Et, comme si cela ne suffisait pas, le tout frais émoulu secrétaire d’Etat au Commerce extérieur, Thomas Thévenoud, nommé à ce poste le 26 août, se voit contraint de quitter le gouvernement car ce député,   (qui, lui, a les dents longues et ami avéré de Montebourg) a «omis» de payer ses impôts. La descente aux enfers devient vertigineuse. A la mesure d’une  cote de popularité de …13% qui prend désormais valeur de cote d’alerte.

Députés «frondeurs»

Quant à la majorité parlementaire, sa cohésion est plus qu’entamée : Le Monde estime à 82 les députés «défiants» et «frondeurs» contre 207 qui affichent (pour combien de temps ?) un soutien indéfectible au gouvernement en place.
Le divorce entre le Parti socialiste et sa base sociale historique est largement consommé. Ni la droite, ni le FN, ni le Front de gauche n’en tirent profit. Bien au contraire ; et ces derniers sont obligés, peur du vide politique oblige, peur des masses pour tout dire, de chercher des cautères sur une jambe de bois au travers de la dissolution par exemple.  Ce divorce recoupe la fracture définitive entre le régime de la Vème république (et tous ceux qui s’y accrochent) et la population.

La Vème replâtrée

D’où les discours, de tous bords, en vue d’une VIème république, c’est-à-dire une Vème-bis replâtrée, où – comme le rêvait de Gaulle (et comme l’entend Mélenchon)- le Sénat serait remplacé  par une chambre socioprofessionnelle où seraient intégrés les syndicats dans une logique néo-corporatiste, aliénant définitivement l’indépendance du syndicalisme confédéré.

La population laborieuse n’est pas un amas de mouches que l’on pourrait attraper avec du vinaigre.

Elle l’a indiqué clairement : elle ne veut plus vivre comme avant. Le «sommet» lui «ne peut plus gouverner comme avant». Plus personne ne le nie. La crise politique en cours a été nourrie par la lutte de classes, elle sera dénouée, dans la lutte des classes et par la lutte des classes.

Nous sommes passés de la phase d’agonie, de  «fin de régime» à la phase de «chute de régime». Le dénouement est proche.



Daniel Petri,
8 septembre 2014

Modifié le mercredi 17 septembre 2014
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