La haine
Pris dans le tumulte que sa loi travail a soulevé, le gouvernement et ses affidés distillent et diffusent la haine, avec la complaisance des médias. La haine de tout ce qui bouge, qui vit et qui lutte. La haine de tout ce qui n’entre pas dans le moule de prétendues « valeurs de la république ». La haine des syndicats lorsqu’ils ne se comportent pas en auxiliaires des « réformes ». Tantôt simulée, tantôt non maîtrisée, cette haine trahit la peur de la révolte qui vient.
Dans la tourmente, le gouvernement s’apprête donc à dégainer une nouvelle fois l’arme fatale du 49-3. Quitte à se mettre encore plus de monde à dos : « Selon un sondage Odoxa pour Itélé et Paris Match publié vendredi, 71% des personnes consultées pour l'enquête jugent cette mesure « choquante ». Une réprobation qui touche autant les sondés de gauche que de droite (70%) et qui monte à 76% quand les Français se disent « sans proximité partisane ». 1
Menaces et exécution
Non moins fébrile, le chef du groupe des députés PS, Bruno Le Roux menace : « les députés socialistes tentés par un vote contre risquent de voir leur investiture aux législatives de 2017 leur passer sous le nez… » 2 . Menaces et exécution : les scènes de violence policière (il faudrait dire : violences de l’État policier) sur fond d’état d’urgence prolongé. Menaces d’interdiction du mouvement « Nuit debout », par exemple en faveur de laquelle sont mobilisés les instituts de sondage. Exécution d’ordres qui aboutissent à matraquer des hommes à terre, menottés, à utiliser des armes de plus en plus dangereuses contre tout rassemblement, à gazer à bout portant des jeunes qui tiennent pacifiquement un sit-in, gardes à vue et comparutions immédiates ubuesques. S’y ajoutent les discours de Valls d’ordre-autorité-nation digne de Marcel Déat 3 à ses débuts, qui promet aux Français toujours plus de « sacrifices ».
Directions syndicales sous pression
Tenant d’une main la matraque policière et de l’autre la matraque parlementaire, Valls avait prévenu : la loi El Khomri « bah, vous l’aurez ! ». A moins, bien sûr, d’un appel clair et net de l’intersyndicale à la grève totale dans tout le pays jusqu’au retrait total de la loi travail. Aussi, toute la propagande d’État contre la CGT voire FO n’est pas seulement un « effet de manche ». Ce tapage a pour but de contrebalancer la pression de la base des syndicats qui poussent Martinez et Mailly à faire « un pas en avant » en appliquant sur eux toute la pression de l’État, appareil policier compris. Mailly et Martinez font pourtant tout ce qu’ils peuvent pour différer l’affrontement, tenter de l’éviter. C’est un exercice périlleux car le congrès de la CGT ne fut pas un congrès à l’image des précédents. Il n’a pu mettre en sourdine le vent de fronde qui souffle sur cette centrale, sous la poussée des masses.
« Sauver les entreprises » ?
La pression de l’État et des médias aux ordres sur la CGT, criant à la « radicalisation » de la CGT, a un effet indésirable : alors qu’il y a quelques mois, les syndicats n’avaient plus la cote dans les sondages, les toutes dernières enquêtes d’opinion BVA donnent « une bonne image de la CGT » 4 . Cette fois-ci, les dirigeants confédéraux ont dû se prononcer formellement, sous l’autre pression, celle de la rue, des ateliers et des services : « retrait de la réforme ». Ils ont dû prendre sur eux la fameuse « affiche rouge » d’Info’Com-CGT contre les violences policières et la répression .Ce n’était pas leur intention première. Le gouvernement attend d’eux qu’ils boivent le calice jusqu’à la lie. Il aboie sur eux. Et, Marie Georges Buffet (PCF) de répondre avec véhémence à ces aboiements : « Combien de luttes syndicales ont permis de sauver des entreprises ? (...) Alors oui, je veux bien refonder le Code du travail, mais dans ce sens-là !» 5 . Des syndicats qui « sauvent les entreprises » ? C’’est précisément ce que Hollande et Valls exigent. « [R]efonder le Code du travail » ? C’est justement ce à quoi s’emploie ce gouvernement capitaliste.
A ce jour, il manque 40 députés pour donner une « majorité » à la loi travail. 40 députés atterrés qui ne veulent pas affronter le gouvernement mais n’assument pas un divorce avec ce qu’il leur reste de base sociale parmi les salariés et les jeunes. D’où la menace du 49-3, qui accoucherait d’une loi frappée d’illégitimité totale. La tension n’en sera que plus vive encore dans ce pays. La cassure sera nette et définitive cette fois, entre la population laborieuse, d’une part et, d’autre part, les institutions réactionnaires de l’Etat et les partis institutionnels. Le face-à-face ne fait que commencer.
Daniel Petri,
08-05-2016
1. http://www.lexpress.fr/actualite/politique/loi-travail-valls-n-exclut-pas-de-recourir-au-49-3_1789688.html
2. http://www.marianne.net/loi-el-khomri-bruno-roux-agite-menace-investitures-100242545.html
3. Marcel Déat : numéro 2 du PS-SFIO au début des années 30. Il exigea de son parti qu’il abandonne toute référence au marxisme et prôna l’ordre et l’autorité. Léon Blum obtint alors son exclusion du parti. Dix ans plus tard, il devint un des collabos les plus ouvertement pro-nazis.
4. http://www.humanite.fr/limage-de-la-cgt-progresse-dans-lopinion-francaise-606298
5. http://www.humanite.fr/de-nouveau-le-spectre-du-49-3-606443
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