La faillite, nous voilà !

nous voilà ! | Chronique d'une fin de RégimeNous sommes à la veille d'une journée de grève qui, d'une façon ou d'une autre, provoquera à coup sûr un tournant brusque dans une situation sociale d'ores et déjà tendue à refus. Les semaines qui ont précédé ce tout premier affrontement de classe depuis l'élection de Sarkozy auront indubitablement été marquées par des secousses sérieuses au sein même de l'exécutif de Sarkozy, qui se croyait dur comme fer plongé dans un état de grâce immaculé, plus blanc que blanc. Petit tour d'horizon.Mardi 11 septembre, Fillon " met de lui sur le feu "Titre emprunté au Canard enchaîné. en déclarant la guerre aux salariés qui ont l'outrecuidance de bénéficier de régimes spéciaux de retraite. Comment des manants pourraient-ils être des nantis ? Comme le marmonne la marionnette des guignols qui singe le journaliste Poivre d'Arvor, Sarkozy s'en prend " aux privilèges des pauvres ".

" l'enfer, ce n'est pas toujours les autres "

Une semaine plus tard, Sarkozy confirme que les régimes spéciaux seront " alignés " sur ceux de la fonction publique lors d'un de ses shows télévisés devenus plus routiniers que rituels. Flanqués des deux journalistes brevetés " Pathé-Marconi- la voix de son maître ", Poivre d'Arvor et Chabot, il se défend de vouloir stigmatiser les cheminots et lance même un clin d'oeil à " l'histoire sociale " et à la " pénibilité du travail " des prolétaires du rail, à leur " petits salaires ". Salut à vous, braves pioupious des chemins de fer. Tout ça pour dire qu'il " [fait] confiance à leur honnêteté " et que l'honnêteté, version Sarko, commande de renoncer illico aux " 37,5 ". " Et chacun doit comprendre qu'il n'y a aucune raison qu'un métallo, qu'un ouvrier du textile ou qu'un salarié du privé cotisent 40 années quand les autres cotisent 37 années et demie. ", assène-t-il.

Ne sait-il pas qu'autrefois, les syndicats, CGT en tête, revendiquaient haut et clair la retraite à 55 ans à taux plein pour tous les métiers pénibles : les OS de l'industrie, les gars du bâtiment, les femmes-travailleuses et, plus récemment, les pompiers-professionnels qui furent matraqués par les flics de Sarkozy ?

Mais le way of life dont Sarkozy voudrait imprégner le pays tout entier, c'est : travailler, marner, bosser, gratter. Vivre pour travailler. Se lever tôt. Faire des heures supplémentaires pour boucler les fins de mois. La croissance ? " Il faut aller la chercher " ! Et la boucle est bouclée. " On s'engage et on voit ", aurait dit Napoléon Ier. Mais Sarkozy a aussi ses lettres modernes, " l'enfer, ce n'est pas toujours les autres " laisse-t-il tomber au détour de son discours, tel un Sartre sorti de son huis clos, suivi de ses mouches. Eh bien, si Napoléon III fut " Napoléon le petit " ainsi que l'épingla Victor Hugo dans un pamphlet qui disparut de la circulation sous de Gaulle, Sarkozy pourrait être surnommé sans problème Bonapartillon.

" Un État en faillite "

Patatras ! À peine Sarkozy a-t-il fait miroiter à tout ce que la société française compte de patrons, d'aventuriers sans aventures, d'artistes en délicatesse avec le fisc, " un mouvement de réforme comme jamais depuis la Libération ", Fillon remonte sur la scène et lâche : " je suis à la tête d'un État en faillite ". En une seule phrase, cette espèce de crétin des Alpes à la graisse de hérisson commet deux bévues magistrales : il se signe comme un " déclinologue " catastrophiste, tout en se mettant en avant comme le vrai chef de l'État. Ça fait désordre, tout de même !

La bande à Sarko

En fait, voilà plus de cent jours que Sarkozy est sur tous les ballons, sur tous les fronts, polytechnique, polyvalent, pluridisciplinaire, hyperactif, omniprésent.

Mais, d'où lui vient cette énergie ? Il faut croire qu'elle lui vient de la crise politique sous ses différents aspects : crise des institutions (c'est-à-dire des différents rouages de l'État et de la forme de l'État que représente le Régime bonapartiste inachevé de la Ve République) et crise de la représentation politique de la bourgeoisie dont l'UMP est l'expression.

En effet, si Sarkozy avait confiance dans sa bande, il ne ferait pas la moitié du travail à leur place, il laisserait ses ministres communiquer et ne passerait pas le plus clair de son temps à se substituer à eux et à rétrécir toute part d'initiative à ces derniers, il gouvernerait davantage a posteriori qu'a priori, il ne se sentirait pas non plus contraint de passer la serpillière après chaque propos mi-déplacé mi-fracassant de son Premier ministre.

De même, il ne serait pas tenté de pousser toujours plus loin l'ouverture dite " à gauche ", s'il avait confiance dans ses " amis ". Mais c'est le propre de tout Bonaparte potentiel de s'appuyer tantôt sur la gauche, tantôt sur la droite, afin de tenir en respect tout le monde. C'est dans ce même esprit typiquement et prosaïquement bonapartiste que Sarkozy cherche un appui à la tête des syndicats ouvriers tout en cherchant à aliéner leur indépendance, à les " étatiser ".

Du reste, point n'est besoin d'être bien malin pour " s'ouvrir " à ceux qui sont " ouverts " à vous ; comme disait Trotsky, " la ruse est une qualité inférieure de l'intelligence ". Il montre en même temps qu'il ne peut rien sans le secours des directions syndicales et singulièrement, la direction de la CGT. Mais dans ce cycle de trahison permanente des intérêts des salariés, la direction de la CGT risque de perdre une partie de son emprise sur le mouvement général de la classe ouvrière.

Sauter du train en marche ?

Ainsi, il devient de plus en plus clair qu'une partie de l'appareil stalinien de la CGT veut brader les régimes spéciaux et les retraites par répartition. Cette détermination à s'inscrire dans les " réformes " s'est déjà manifestée lors des grèves de 2003 face au plan Fillon contre le régime général et le régime de la fonction publique. Fillon rendit même hommage à Thibault en cette occasion. Mais face à cette logique qui conduit tout droit à briser directement les grèves et " sauter du train en marche ", les masses cherchent à submerger les directions syndicales et à se réapproprier leurs organisations syndicales. Ce qui tend d'ailleurs à se produire puisque, d'ores et déjà, 26 syndicats CGT cheminots appellent, envers et contre les dirigeants de leur Fédé, envers et contre la soumission de Le Reste à Thibault, à la grève reconductible, au lendemain du 18. l'état-major de la fédération CGT des cheminots ayant y compris prétention à interdire les Assemblées générales au lendemain du 18. Nous verrons.

Il faut cependant noter que, dans leur stratégie traîtresse des " temps forts ", du " préavis carré limité à 24 heures ", la direction de la CGT ne trouve pas d'opposition du côté de la LCR ou du PT ; La Commune est une des rarissimes organisations politiques à militer pour la poursuite de la grève jusqu'au retrait des projets de réforme des régimes spéciaux, au lendemain du 18. Autant dire que, du point de vue des salariés qui cherchent les voies et les moyens de l'action unie sur leur terrain propre, l'extrême-gauche ne sert à rien.

Valls, social-raciste ?

Du côté des partis traditionnels qui se réclament encore du socialisme, l'affaire se présente au plus mal. Les militants du PS distribuent des tracts sur les marchés en faveur de la réforme de régimes spéciaux. Mais pour certains " jeunes lions " du PS, ce n'est pas encore assez. Le plus en verve est probablement Manuel Valls, maire d'Evry (91). " Il faut dire la vérité aux Français : l'allongement de la durée de vie rend inéluctable la hausse du nombre d'années de cotisations et les régimes spéciaux doivent être alignés sur le régime général ", fanfaronne-t-il. Mais il ne s'arrête pas en si bon chemin : " S'il y a besoin d'augmenter la durée du travail dans certains secteurs [...] nous devons pouvoir le faire par la négociation [...] et penser la durée du travail sur toute une vie " (propos recueillis par l'AFP, 10/11/07).

Ça doit leur en boucher un coin, d'entendre des choses pareilles, à Sarkozy et Fillon. Ils trouvent plus à droite qu'eux ... au Parti socialiste ! Il est vrai que, quelques jours avant, Valls avait annoncé la couleur, en proclamant que, sur certains sujets, le PS devait se tenir prêt à " faire un bout de chemin " avec la majorité sarkozyste. Certains sujets, et pas n'importe lesquels : Valls pense en particulier au " dossier de l'immigration ". À l'heure de la traque quotidienne contre les sans-papiers que le gouvernement terrorise et rafle, à l'heure de l'amendement sur les prélèvements d'ADN des ressortissants africains, Manuel Valls propose à Sarkozy un front unique contre les immigrés. Il y a quelques années, dans " sa " ville, ce maire avait ordonné la fermeture d'un Franprix Hallal " au nom de la République " ...Vals, social-raciste ?

Initiation aux délits

On l'aura remarqué, Sarkozy n'est pas inquiété sur sa gauche. Il l'est dans son propre clan, avec le surgissement de l'affaire EADS : une sordide affaire de délits d'initiés, d'actions en chute libre refourgués à la Caisse des dépôts et consignations. Evidemment, personne ne savait. Pas même le ministre des finances de l'époque, Thierry Breton. Le gouvernement actuel confirme : l'État ne savait pas. Mais, Lagardère, mouillé jusqu'au cou dans cette affaire, prétend maintenant le contraire.

Cette fois, le semblant d'état de grâce est bien fini. Un an après les " don quichotte "" pour les sans logis, la police matraque ceux qui dorment dehors devant la Bourse. Les expulsions locatives se multiplient sans cesse.

En haut, on ne sait pas se tenir. En bas, on ne tient plus.
Modifié le dimanche 21 octobre 2007
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