La déchéance de la Ve République
Sous la carapace de l’Etat d’urgence, le régime de la Vème République n’est plus qu’un champ de ruines, en proie à la dislocation des chairs. Madame le Garde des sceaux n’est elle-même plus qu’un Garde. Valls n’est plus que la Matraque de Hollande. Le PS est en voie de liquidation. Sarkozy est devenu le bouc-émissaire des siens. Le FN est menacé de dilution dans le « système ». L’Union nationale sans fard des vieux débris de ce régime se prépare…
Il est bien loin le temps où les politologues et, même, les fins analystes de l’extrême gauche de pacotille pouvaient gloser sur « l’alternance tranquille » qui, par le jeu du « bipartisme », ferait évoluer en douceur, le vieux régime gaulliste vers un régime « présidentiel, à l’américaine ». Il y a quinze ans, quiconque contestait cette possibilité de réforme interne du régime, passait pour un dogmatique passéiste. Non, ce régime est condamné à enfanter d’une dictature militaro-policière plus ou moins voilée ou à s’effondrer sur pied. Les dernières apparences d’une « démocratie parlementaire » viennent d’être balayées.
État d’urgence avec préméditation
L’état d’urgence n’a pas été une mesure décidée sous le choc et dans l’émotion présidentielle lors de la nuit terrible du 13 novembre. Il a été méthodiquement prémédité.
En effet, dans le documentaire « Attentats, au cœur du pouvoir » [France 3- 28-12-2015], il est établi que « Manuel Valls avait fait rédiger une note après les attentats de janvier, note où le Premier ministre prévoyait déjà d'instaurer l'état d'urgence en cas d'un nouvel attentat . » [http://www.20minutes.fr/societe/1758403-20160102-note-debut-2015-o-valls-fait-prevoir-etat-urgence]
Il suffisait d’attendre le moment propice pour perpétrer ce coup de force contre les libertés publiques. Bien entendu, nul ne pouvait s’attendre à une tuerie aussi monstrueuse prenant l’ampleur d’un tel massacre.
Avant même que la fusillade n’ait pris fin, Hollande annonçait « sous le choc », cet état d’urgence. Un décret suffisait : « A la suite des attentats perpétrés à Paris et à Saint-Denis dans la soirée du 13 novembre 2015, l’état d’urgence a été décrété lors d’un Conseil des ministres réuni dans la nuit du vendredi 13 au samedi 14 novembre 2015 » [http://www.vie-publique.fr/actualite/faq-citoyens/etat-urgence-regime-exception/] Et puis, non, il ne suffisait pas. Encore fallait-il durcir cette loi de 1955 qui donnait une base légale à ce décret et donner matière à la prolongation sine die de cet état d’urgence, en faire l’acte 1 de la réforme constitutionnelle qui vient.
« Tout pouvoir est une conspiration permanente »
Oui, dans cette affaire, il y a quelque chose de machiavélique. Oui, il y a eu une spéculation de basse politique et de basse police sur « les attentats à venir », dans « une guerre longue contre le terrorisme » évoquée en juillet dernier par Valls. En son temps, Honoré de Balzac avait noté : « tout pouvoir est une conspiration permanente ». La chronologie de la nuit terrible du 13 novembre rend compte de la rapidité fulgurante de l’instauration de l’état d’urgence :
Entre 21h20 et 21h53: trois explosions retentissent autour du Stade de France
21h25: début des tueries au bar le Carillon, restaurant Le Petit Cambodge (Paris X), abords de la pizzeria, La Casa Nostra et du bar À la bonne bière, rue de la Fontaine au Roi (Paris XI). Tirs rue de Charonne (XIe arrondissement) au restaurant «La Belle Équipe »
21h40 : début de la tuerie au Bataclan.
0h01: Hollande annonce l’instauration de l’ é tat d’urgence sur tout le territoire. A 0h15, un Conseil des ministres extraordinaire est réuni pour valider l’état d’urgence.
0h20: La BRI et le RAID donnent l’assaut au Bataclan . L'opération se termine à 01 h 11
Indice de maturité
Certes, personne, en haut lieu, n’a secrètement prié pour que cette barbarie se déchaîne. Mais pour reprendre la formule du monarchiste Charles Maurras au moment de la débâcle de 1940, ce fut, pour ces gouvernants aux abois, « la divine surprise ». La seconde, après les attentats contre Charlie Hebdo en janvier. Les signes avant-coureurs de cet état d’urgence se multipliaient : l’hallali contre les salariés d’Air France après « la chemise déchirée » le 5 octobre, et les brutalités policières contre les avocats en grève devant le Palais de justice de Lille, le 21 octobre étaient révélateurs. Mais, rien n'y fait. Le suffrage universel nous a donné l’indication, une fois de plus, les 6 et 13 novembre de l’ampleur du rejet et du dégoût qu’inspirent Hollande-Valls et leur politique. Par les abstentions massives, indice de la maturité (selon l’expression de Marx) de la classe ouvrière et des couches sociales opprimés, faisant la grève du vote.
Daniel Petri,
29-12-2015
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