La Ve – Canal hystérique
Reconnaissons à Valls qu’il est prompt à passer de l’arrogance à l’obséquiosité, de l’hystérie au paternalisme, avec parfois une nuance de stupidité. En cette matière comme en toute autre, il a un rival en la personne de Macron : « beaucoup voient en lui une forme de régénérescence de la vie publique » lâche perfidement Valls. La vie publique, en effet, est au plus mal et plus on en gravit les sommets, plus les formes de dégénérescence sont accusées.
E. Macron exhibant son costardPhoto : AFP
Beaucoup voient en Macron une forme de quelque chose. Mais pas Valls. Et cela ne tient pas à de profondes divergences idéologiques entre Macron et son « capitaine ». Tous deux liquident le parti socialiste, mais le plus jeune pense sans doute que le PS est déjà un cadavre. Son aîné est plus prudent. Le plus jeune est déjà « en marche », désireux de ne plus s’encombrer d’un appareil vermoulu. Valls considère que cet appareil demeure incontournable, notamment pour garder une prise sur les organisations syndicales. Les deux jurent leur loyauté envers le chef de l’Etat, cette sorte de guimauve politique qui, sur eux, a toutefois une qualité : il sait cyniquement préserver ses nerfs et tente encore de se placer en « père de famille » comme le dit si bien Valaud-Belkacem. Par certains aspects, le prestige et le port altier en moins, Hollande rappelle Pétain.
Costard pour un tocard
Macron s’était fait passer pour le normalien qu’il n’était pas, censé avoir fait un mémoire basé la philosophie du droit de Hegel sous la direction d’Etienne Balibar qui dément l’avoir vu. Il intègre le corps de l’inspection générale des Finances avant de devenir banquier d’affaire chez Rothschild. Ce brillant parcours lui inspire des idées transcendantes, tel l’appel aux jeunes à « devenir milliardaire », puis, très récemment cette pensée renversante : « pour porter un costard comme le mien, il faut travailler ». Nous sommes là bien dessous du degré zéro de la chose publique. Dès le lendemain de cette saillie, le fisc le rattrape. Cet homme d’État aurait tenté de se soustraire à l’ISF dont il avait fort opportunément exigé la suppression. Ne riez pas, cet homme a un grand dessein, une mission quasi-divine : libérer la croissance, enchaînée par d’affreuses rigidités et contraintes, dont une dépasse toutes les bornes : la lutte des classes ! Beau spécimen du personnel politique de ce régime en perdition.
Le petit Caudillo
Mais, Valls reste en première ligne, flanc-gardé par Cazeneuve qui crie que certains manifestants cherchent à tuer des policiers… Un jeune photographe gît dans le coma, le crâne enfoncé. Effet des grenades de désencerclement. Le tapage hystérique des médias sur la « haine anti-flic » couvre les coups, les arrestations arbitraires, les peines de prison « à l’arrache ». Ainsi, bien qu’aucun soupçon ne pèse sur eux, trois personnes sont poursuivies pour « tentative d’homicide » à la suite de l’incendie d’une voiture de police, expression d’un état d’urgence permanent. Ses partisans s’en prennent au fait syndical, au droit de grève, avec autant de véhémence que d’ignorance des rapports sociaux réels et des rapports de force. Ce faisant, Valls ne croit pas que « le mouvement va s’amplifier ». Puisque Martinez, pourtant vilipendé de toute part, déploie tout un dispositif pour empêcher le surgissement de la grève générale et met tout en œuvre pour que l’intersyndicale n’y appelle pas. Et, maintenant, le voilà disposé à discuter de « l’amélioration » de cette loi abjecte et perverse.
L’hystérie médiatique
La mort dans l’âme, Martinez avait dû renoncer provisoirement au « syndicalisme rassemblé » avec la CFDT, aile marchante de la loi « travail ». Il avait dû, à son corps défendant, exiger le retrait. Par médias interposés, l’État lui a « mis la pression », une pression maximale et hystérique. S’il avait appelé, avec l’intersyndicale, à la grève générale, il n’aurait pas eu à subir ce dénigrement stupide. Nous ne pouvons citer tous les commentaires médiatiques. A sa façon, le tweet de J.-M. Apathie, les résume tous : « la CGT veut étendre le mouvement aux centrales nucléaires et à l’électricité. Prochaine étape, la guerre civile ? L’appel aux armes ? ». « Philippe Martinez, l’homme qui veut mettre la France à genoux » renchérit en grand titre Le Figaro. En pareilles circonstances, il est toujours difficile de faire la part de l’intox et de l’affolement. Le sol se dérobe sous leurs pieds. Et Valls, après les avoir déchaînés, se doit de les calmer, après s’être aperçu qu’il y a « de la radicalité dans la société », il déclare « respecter la CGT ». Martinez venait d’annoncer que « pour la première fois depuis deux mois, Valls m’a téléphoné ». Cette annonce a force d’aveu : ces deux-là se téléphonaient, avant que la loi El Khomri ne mette le feu aux poudres.
Or, il n’y a rien à négocier, rien à débattre. Pas touche au Code du travail. Et s’ils s’obstinent à faire passer cette loi haïe, ils verront bientôt se lever bien haut l’étendard de la révolte, dans tout le pays. Comme en juin 1936, comme en mai 1968, comme en novembre 1995.
Daniel Petri,
02-06-2016
Sources :
- Valls face aux lecteurs – Le Parisien. 28-05-2016.
- http://www.bastamag.net/L-editocratie-unanime-haro-sur-les-greves-Quand-la-presse-tire-a-boulets-rouges
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