À la recherche du temps perdu
Chronique d'une fin de RégimeC'est clair, le gouvernement Villepin cherche à frapper de plus en plus vite, de plus en plus fort. Objectif : faire passer, de gré ou de force, des mesures susceptibles de lui permettre enfin de démanteler le Code du travail, la Fonction publique et ce qu'il reste du droit des étrangers, au moment où la fameuse directive Bolkestein revient en force. Voilà qui, pourtant, ressemble à une fuite en avant qui n'est pas sans rappeler la formule : " nous étions au bord de l'abîme et nous avons fait un grand pas en avant " ...Et pourtant, Villepin est paraît-il bien déterminé à faire passer le CPE et à réussir là où, en 1994, Balladur avait échoué, lorsqu'il avait tenté d'imposer un SMIC jeunes, c'est-à-dire au rabais, à tous les jeunes qui sortaient de l'école, sous le fallacieux couvert de la " formation " ... après la formation ! Ainsi donc, Villepin se sentirait fort du succès mitigé des manifestations du 7 février contre le CPE, manifestations, flanquées des présidentiables du PS, dont la planche avait été savonnée par une nouvelle série de journées d'action sans queue ni tête imposées par les directions syndicales : 31 janvier dans le " privé " ; 2 février dans la seule fonction publique et " gardez vos forces " pour les initiatives dispersées contre le retour de la directive Bolkestein. Qui plus est, le " 7 février " était encore bridé par les vacances scolaires dans la zone C, soit les quatre académies de Paris, Créteil, Versailles et Bordeaux, rien que ça. Dès lors, il n'est pas étonnant que Villepin cherche à " pousser l'avantage ", selon Le Monde (9 février). Le Monde ? C'est, comme son ancêtre Le Temps (qui sévissait dans les années 30), " la bourgeoisie faite journal " (Trotsky). Et dans son éditorial non signé du 9 février, ce quotidien rappelle tout de même Villepin à l'ordre, en l'invitant à la " nécessaire prudence ". En effet, si la mobilisation du 7 n'a pas été probante, en revanche, les sondages basculent nettement contre le CPE. Et cela à l'heure où Villepin tente de mobiliser toutes les ressources anti-démocratiques de la Ve République pour faire passer cette loi scélérate sans vote, à la hussarde, au moyen de l'article 49.3, qui permet, rappelons-le, au Premier ministre " après délibération du Conseil des ministres, [d'] engager la responsabilité du gouvernement sur le vote d'un texte. Dans ce cas, ce texte est considéré comme adopté, sauf si une motion de censure, déposée dans les vingt-quatre heures qui suivent, est votée " [Source : Constitution - lois organiques et ordonnances relatives aux Pouvoirs publics, Éditions Journaux officiels]. Mais le recours à cet article antiparlementaire serait une preuve de manque de confiance à l'égard des députés de sa " majorité ", suspects de ne pas voter ce texte en l'état autrement que sous la menace d'une démission du gouvernement suivie d'une dissolution de l'Assemblée nationale. C'est ça, la Ve République et son parlement croupion.Le spectre de Balladur
C'est alors qu'intervient, une fois n'est pas coutume, Balladur, qui cherche à passer pour le Mendès-France de la droite, c'est-à-dire un sage en retrait, au dessus des clans et conseilleur ... Balladur estimant qu'un ministre de l'Interieur devrait démissionner dès qu'il sera candidat aux présidentielles (voir Le Monde du 9 février) et considérant que " nos institutions [...] sont devenues instables et déséquilibrées ". Mais dès avant que le sage Balladur à tête de Louis XVI ne livre son diagnostic sur l'État de la Crise, c'est le bouillant Christian Blanc qui est monté au créneau, réclamant, quant à lui, la tête de Chirac.
Mission impossible
À l'adresse de Chirac, dont il exige le départ, Christian Blanc, l'ex-patron d'Air France aujourd'hui député des Yvelines apparenté UDF, clame : " La France ne vous écoute plus. Elle n'entend pas davantage votre gouvernement, confronté à la mission impossible de réaliser en quelques mois ce qui n'a pas été fait en quelques années ". Il insiste : " La déception est immense. l'échec du référendum sur la Constitution européenne vous a fourni une occasion d'en tirer toutes les conséquences. Vous ne l'avez pas fait, accélérant ainsi la fin d'un cycle politique durant lequel les Français auront perdu leur fierté, mais aussi leur niveau de vie. Ce sont seize mois à risque social grave, dans un climat d'attentisme et d'intrigues, que le pays va devoir affronter ". Ce diagnostic est sans appel, à l'heure où tout un chacun, dans l'arène politique, feint d'oublier le triomphe du non le 29 mai 2005, à l'heure où les partisans du oui, qui juraient que la directive Bolkestein serait retirée, en particulier François Hollande, sont pris en flagrant délit de mensonge sur ce point-clé de la Constitution européenne. Non seulement cette funeste directive n'a pas été retirée, mais elle s'applique sur les chantiers EDF de Porcheville (à côté de Mantes-la-jolie), où des ouvriers polonais d'une entreprise sous-traitante d'Alsthom, elle-même sous-traitante d'EDF, sont payés au lance-pierre (400 euros par mois).
Une situation proche de celle que connaît l'Argentine
" C'est probablement, Monsieur le Président, la fin d'un système politique dont vous êtes le chef ", surenchérit encore Christian Blanc. Après le diagnostic, le pronostic : " Une attente insupportable émaillée de discours sans légitimité politique, et donc sans effets réels, peut conduire notre pays à une situation proche de celle qu'a connue l'Argentine ". On ne le lui pas envoyé dire !
D'une certaine manière, cette intervention d'un homme revendiquant haut et clair son " libéralisme " fait honte à la gauche, qui a fait réélire Chirac en 2002 et ne lui demande rien, surtout pas son départ anticipé au nom de la plus élémentaire démocratie.
Certes, la gauche institutionnelle prend des airs d'opposante résolue à Villepin et au CPE. Bras dessus, bras dessous, les présidentiables du PS manifestent contre le CPE et participent à la fondation d'un enième cartel des gauches avec le PC. Mais cela sent la mystification à plein nez car la divergence des présidentiables PS sur le CPE est de l'épaisseur d'un cheveu coupé en quatre dans le sens de la longueur. Comme le relate Le Monde (9 février) : " Tous, à l'exception peut-être de Jack Lang, ont cependant intégré l'idée que pour les jeunes sans qualification, le contrat à durée indéterminée, le CDI, n'était plus la norme ". Ainsi, Ségolène Royal, qui chante les louanges de Tony Blair, a déjà mis en place dans sa Région, sous couvert d'expérimentation, des " emplois tremplins ", réplique des emplois-jeunes dans le privé, dont Balladur pourrait réclamer les droits d'auteur.
En 2002, lors de sa tournée en France, la Députée du MST argentin Liliana Olivero prédisait : " l'Argentine est le miroir dans lequel la France peut se regarder ". On s'en rapproche à une vitesse toujours plus grande ... La population, les salariés, les chômeurs, les mal-logés, les jeunes, eux, ne peuvent attendre 2007.
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