49-3, le dernier recours

le dernier recours | Chronique d'une fin de régimeA l'exception de l'UMP, mais qui cela peut étonner, la plupart des partis politiques s'élèvent contre le projet de loi adopté par le gouvernement, portant sur la réforme des modes de scrutin aux élections régionales et européennes, qui auront lieu en 2004. Immédiatement le front des "anti" cherche à se constituer.Tout d'abord, le 30 janvier, au siège du PS et à l'invitation de celui-ci, l'AGR (un morceau de ce qui reste des chevénementistes), le PCF, le PRG et les Verts se fendent d'une déclaration commune. Le lendemain, au siège du PCF, se retrouvent les mêmes avec le renfort de la LCR et du MRC (l'autre morceau - cf plus haut) qui rédigent un appel de personnalités. Enfin, le 5 février, répondent présents à François Bayrou, les Verts, le MRC et le MPF de Philippe de Villiers. La LCR, le PCF et le PS ne sont pas présents, ils refusent de "servir de marche-pied à M.Bayrou", selon Bruno Le Roux, secrétaire national du PS chargé des élections. Cela n'empêchera pas le PCF, le PS et l'UDF de se répartir leurs interventions à l'Assemblée nationale. "La pièce est inédite, la distribution surprenante. Jeudi 6 février, cinq candidats à l'élection présidentielle, François Bayrou, Jean-Pierre Chevènement, Corinne Lepage, Noël Mamère et Jean Saint-Josse, ont pris le chemin de l'Assemblée nationale pour une conférence de presse commune. Etaient aussi présents...Philippe de Villiers...un représentant du Parti radical de gauche et le député communiste, Maxime Gremetz. (...) Les personnalités présentes ont rendu public un appel "pour le pluralisme" qui circule dans les partis concernés. Les signataires "revendiquent" leur "diversité" et précisent qu'ils ont appelé à voter pour M.Chirac, le 5 mai." rapporte le journal Le Monde. Seul absent de marque le PS qui, bien qu'il ait lui aussi appelé à voter Chirac, précise, par la bouche de François Hollande, ne pas vouloir "se retrouver avec Chevènement et les chasseurs".

Les raisons d'une réforme

Mais qu'est ce qui agite tout ce beau monde ? Il serait désormais nécessaire, pour qu'une liste se maintienne au second tour d'une élection régionale, qu'elle obtienne un nombre de voix au moins égal à 10 % des électeurs inscrits. Cette "réforme" qui interdit à toute liste ayant rallié moins de 10 % des électeurs inscrits d'avoir un élu, s'inscrit totalement dans la logique des institutions antidémocratiques de la V° République que ceux qui protestent ne songent à remettre en cause.
Le fond de l'affaire tient de plus à un élément capital, que les déclarations indignées des uns et des autres omettent aussi soigneusement de souligner : le niveau de l'abstention, c'est-à-dire du rejet, qui touche sans exception tous les partis gouvernementaux de ces vingt dernières années. Les élections législatives partielles de la fin janvier le soulignent avec force : 5e circonscription du Val-d'Oise - où Robert Hue avait été battu au second tour en juin 2002 - l'abstention passe de 39,24 % à 55,04 %; 17° circonscription de Paris, l'abstention passe de 33,08 % à 63,09 %. La candidate du PS, qui a été élue, passe de 22, 08% des inscrits à 16,15 %. Pour faire face à cette situation qui selon Les Echos, " finit, à chaque élection, par saper la crédibilité des grands partis", il faut tenter de redonner un peu de stabilité à un système miné par l'abstention grandissante et pour ce faire les partis de gouvernements ne cherchent pas les raisons de la fièvre - ils en sont tous responsables et coupables - mais ils changent de thermomètre. Rien de nouveau, sous le titre "Le projet inachevé de Lionel Jospin", Le Monde rappelle fort opportunément que "le projet de réforme des modes de scrutin reprend plusieurs dispositions qu'avait souhaité mettre en oeuvre Lionel Jospin".

Un débat vite clos

Près de 12 000 amendements sont présentés au projet de "réforme" des modes de scrutin aux élections régionales et européennes, un record, en décembre 1995 le projet de loi Juppé avait fait l'objet de 5 488 amendements ! La discussion parlementaire, qui s'ouvre le 11 février, tourne à la crise politique ouverte. Seule voix discordante - un éclair de lucidité ? - sur les bancs de l'UMP, celle de Nicolas Dupont-Aignant qui se dit "convaincu que les réformes des scrutins nuiront à l'UMP et à l'action gouvernementale". Tard dans la nuit, François Bayrou s'exclame : "Que je sache, M. Chirac, pour lequel nous avons tous voté au second tour, n'avait pas inscrit le bipartisme à son programme", applaudi sur les bancs de "gauche", on entend sur ceux de l'UMP : "il est pire que les socialistes !" ."Dès lors, la rupture est consommée. M.Sarkozy met sèchement un terme à l'échange." - Le Monde. Le lendemain, Jean-Pierre Raffarin annonce qu'il engage "la responsabilité du gouvernement" par le biais de l'article 49-3 de la Constitution. A 16 h 25, Jean-Louis Debré, président de l'Assemblée nationale, annonce alors aux députés "Le débat est immédiatement suspendu". La motion de censure, que François Bayrou n'a pas votée, est rejetée le 15 février. Le texte de la réforme électorale est "considéré comme adopté". Début mars, c'est au tour du Sénat de l'adopter. "Si on croit que l'enseignement du 21 avril, c'est de verrouiller le pouvoir, alors on n'a rien compris", cet avertissement du président de l'UDF n'a pas été entendu et les propos suivants, tenus par Hervé Morin, président du groupe de l'UDF à l'Assemblée nationale, "Le premier ministre disait être l'homme du pragmatisme et du consensus. Il a montré aujourd'hui un autre visage à l'égard de François Bayrou. Nous ne l'oublierons pas." manifestent la gravité de la rupture.

Sur le terrain

Le premier ministre descend dans les sondages, il est même au plus bas depuis sa nomination à la tête du gouvernement. D'aucuns attribuent cette situation aux réformes de l'impôt sur les grandes fortunes (ISF) et des modes de scrutin.
Mais foin des sondages, la réalité du terrain est beaucoup plus inquiétante pour le phénix du Poitou, Jean-Pierre Raffarin, qui se souviendra de sa visite à la Réunion, le vendredi 21 février. A peine descendu de l'avion, il est accueilli par la plus grande manifestation qu'ait jamais connu l'île. 8 000 salariés, chômeurs, emplois-jeunes scandent à son adresse des mots d'ordre pour la défense des retraites, contre la précarité et la régionalisation de la fonction publique. Triste tropique pour le premier ministre qui en dehors de ce jour n'a pas attiré les foules, au point que Libération rapporte ce mot d'une habitant e de Saint-Denis : "Au moins, avec lui, c'est plus facile qu'avec d'autres, on peut le prendre en photo sans être bousculée!".
Au moment même où Jean-Pierre Raffarin en termine avec son voyage, Pierre Méhaignerie, ex-centriste devenu UMP, président de la commission des finances, déclare au Parisien : "Le train de vie de l'Etat et le secteur public doivent être mis au régime minceur". Il reçoit le soutien d'Hervé Morin de l' UDF : "il faudra tenir aux français le langage de la vérité...ils dépensent trop...(il faut) prévoir des économies...en réduisant les effectifs des administrations centrales" et de Jean Artuis , Union centriste, "Ce qui conditionne le redressement, c'est l'allégement des charges sociales et une plus grande flexibilité pour les entreprises."
l'avant-veille de la première réunion du groupe confédéral de travail sur le dossier des retraites, François Fillon, ministre des affaires sociales, a dans un entretien au Parisien le 26 février, confirmé les projets gouvernementaux : alignement du public sur le privé, pas de retour sur la réforme Balladur (calcul des pensions sur les 25 meilleures années). Ce que tout naturellement a repris Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique qui a ajouté , in fine, qu' "il n'y avait pas de question tabou" concernant l'application de la réforme Balladur au public ! Drôle de négociations pour les organisations syndicales toutes présentes au groupe de travail confédéral, au point que la CFTC, pourtant favorable à "la réforme" a estimé que François Fillon "ne s'y prendrait pas autrement (s'il voulait) faire revivre à la France un mouvement social comparable à celui de décembre 1995".
Avec la régionalisation, des centaines de milliers de fonctionnaires d'Etat devraient être privés de leur statut dans les prochains mois ; les services publics devraient être "restructurés", privatisés ; l'essentiel des agences de la Banque de France devrait fermer. Le tout avec des dizaines de milliers de suppressions d'emplois à la clé et la désertification en prime.
C'est le moment choisi par l'Insee pour nous apprendre, ô divine surprise, que le moral des ménages est à son niveau le plus bas depuis 1997.

Dans l'hexagone comme dans le monde

Il en est de la guerre en Irak comme de l'élection présidentielle, tous derrière Chirac. A cet égard, Jean-Pierre Raffarin a déclaré en réponse aux intervenants dans le débat à l'Assemblée nationale, la position de son gouvernement : "Nous n'écartons pas la guerre".
Que ce soit contre la guerre en Irak , contre la politique de destruction des acquis menée par le gouvernement ou contre les plans de licenciements, la seule voie qui s'offre aux salariés, pour la résistance et la victoire, reste le combat en toute indépendance de classe.
Modifié le dimanche 19 juin 2005
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