Le drapeau de l’Internationale flottait sur la Commune
Ce sont les oublié.e.s des combattant.e.s de la Commune de Paris. Des hommes et femmes ont combattu et péri comme leurs frères et sœurs de combat français.e.s ; des étranger.e.s ont lutté sous le drapeau de la révolte des Parisien.e.s contre les troupes ennemies et les Versaillais. Leur accordant les mêmes droits sociaux que les Français.es, la Commune a permis à des étranger.e.s de prendre des responsabilités dans ses organes de direction, civils ou militaires.
Très peu de travaux ont été consacrés à l’immmigration étrangère à Paris avant la fin du XIXe siècle. Un nombre important d’étranger.e.s ont participé à la Commune. Le rapport du général Appert fait état de 1 725 de ces combattant.e.s arrêté.e.s : soit 5% des arrestations. Pour la plupart des hommes dont 757 Belges, 215 Italiens, 201 Suisses, 154 Hollandais, 110 Polonais, 100 Allemands dont 19 Autrichiens pour ne retenir que les communautés les plus importantes. De tous ces combattant.e.s arrêté.e.s, 1 236 ont fait l’objet d’un non-lieu (1 205 hommes, 19 femmes et 12 enfants), 62 ont été expulsé.e.s du territoire français et 436 retenu.e.s pour jugement, ce qui ne comprend pas les condamné.e.s par contumace.
Les communards allemands
Si les Allemands semblent si peu nombreux par rapport aux autres communautés, c’est que dès le début de la guerre, la très grande majorité des travailleurs d’origine allemande a été expulsée, alors que le recensement de 1866 en dénombrait 34 273 dans la Seine. Ceux qui combattirent furent pour la plupart fusillés.
Les communards belges
Les Belges sont au nombre de 40 à 45 000. Ils sont dans leur immense majorité salariés de l’industrie, et, pour une part importante, ouvriers typographes et comme tels, particulièrement réputés. Parmi ces combattants, citons Michel Chrétien et Georges Melotte. Michel Chrétien, né en 1832 à Thulin (Belgique), est ouvrier tanneur puis musicien. Pendant le siège de Paris, il s’engage comme musicien dans la 1ère compagnie du 243e bataillon de la Garde nationale. Il est écroué à Versailles, s’enfuit, mais est repris. Il passe alors en conseil de guerre et est condamné à la déportation. Il arrive à Nouméa le 28 février 1874. Il est finalement expulsé du territoire français le 15 janvier 1879. Georges Melotte, né à Bruxelles, arrive en France où il vit pauvrement comme professeur de mathématiques à Paris. Pendant la Commune, il préside des séances du club Notre-Dame-des Victoires. Au début de mai, au nom du « Comité belge », il lance avec d’autres un appel à la constitution d’une légion fédérale belge au service de la Commune. Le 14 décembre 1872, le 10e conseil de guerre le condamne par contumace à la déportation ; il finit en exil à Londres.
Les communards italiens
Les Italiens sont peu nombreux ; ils sont 7 398 en 1866. Ils pratiquent des métiers divers tels que vitriers, ramoneurs, fumistes piémontais ou musiciens ambulants (3 000 en 1870). Malgré l’auréole garibaldienne, peu d’Italiens combattent au sein des troupes de la Commune. Garibaldi refuse en effet le commandement de la Garde nationale offert par le Comité central le 18 mars, estimant qu’il s’agit d’une guerre entre Français. Toutefois d’anciens garibaldiens servent la Commune avec bravoure. Parmi eux, se trouvent Napoléon La Cécilia qui est d’origine italienne, et Gagliemo Biffi qui tente de ressusciter la Légion italienne sans succès. En fait, la plupart des Italiens sont disséminés dans des corps de Francs Tireurs. Quelques-uns occupent des postes de responsabilité, notamment le peintre Noro commandant le 22e bataillon fédéré.
Les communards polonais
La colonie polonaise est composée d’au moins deux strates : les exilés de l’insurrection 1830-1831, plutôt conservateurs, et ceux de l’insurrection de 1863, plus radicaux. Ces expatriés vivent en nombre dans le XIXe arrondissement. Ce regroupement est un pôle politique important. Ils travaillent en majorité comme ouvriers peu spécialisés et vivent assez misérablement. Leur engagement dans le combat de la Commune est la suite logique de leur premier engagement aux côtés des troupes françaises contre la Prusse qui occupait une partie de leur pays d’origine. A noter : nombre de ces Polonais sont d’anciens officiers de l’armée russe qui ont acquis une expérience de la guerre insurrectionnelle de 1863. Parmi tous les étrangers qui combattent pour la Commune, les Polonais sont les seuls à constituer un noyau homogène et les seuls à qui l’on confie des responsabilités militaires. C’est quand la Commune est installée qu’un grand nombre de Polonais accède à des postes importants dans la hiérarchie de la Garde nationale. Parmi ces combattants polonais, il faut noter l’importance de certains d’entre eux dans le développement de la Commune. Jaroslaw Dombrowski, arrêté avant l’insurrection de 1863, s’évade pour rejoindre la France où il prend la tête de l’Union de l’émigration polonaise. Il est également membre de l’Internationale. Il réussit à faire libérer des prisonniers et déserteurs prussiens d’origine polonaise, pour la plupart natifs de la province de Posnanie annexée par la Prusse. Ils s’enrôlent au sein des unités communardes ainsi qu’au sein de l’état-major. Dombrowski, nommé général, est sur tous les fronts au péril de sa vie. Il est mortellement atteint le 23 mai rue Myrha et succombe de ses blessures. Les frères Okolowicz participent tous à la Commune. L’aîné, Auguste, plante un drapeau rouge sur la colonne de la Bastille le 18 mars. Après s’être battu aux côtés de Dombrowski à Asnières, il est promu général. Après avoir été fait prisonnier, il s’évade de Satory et se réfugie en Belgique. Il meurt le 5 septembre 1891 en France. Un autre Polonais joue un rôle remarquable : Walery Wroblewski. Après 1864, il se réfugie en France et vit chichement à Paris comme allumeur de réverbères et compositeur d’imprimerie. Il est membre du Conseil Général de l’Internationale. Au début d’avril 1871, Cluseret lui confie le commandement des forts du Sud. A l’entrée des Versaillais dans Paris, il organise la résistance du XIIIe arrondissement. Selon Lissagaray, il mène une résistance acharnée qui permet à ses hommes et lui-même de se replier sur la rive droite de la Seine. Il tente de résister jusqu’à la fin près du Château-d’Eau avant de se réfugier au Père-Lachaise et de trouver refuge chez une concierge. Il gagne l’Angleterre et est condamné par contumace à la peine de mort par le 17e conseil de guerre en 1872. Bon nombre de Polonais moins « célèbres » périrent en défendant la Commune ou furent condamnés et fusillés.
Un communard incontournable
Il est impossible de passer sous silence Léo Frankel. Né le 28 février 1844 à Budapest, il est orfèvre, membre de l’Internationale et élu du Conseil de la Commune. En 1867, il s’établit à Lyon où il adhère à l’Internationale en s’affiliant « directement à Londres ». Il vient vivre et travailler à Paris où il est correspondant du Social-Demokrat. Il est impliqué dans le troisième procès de l’Internationale. Il déclare à ses juges « L’Association Internationale n’a pas pour but une augmentation du salaire des travailleurs, mais bien l’abolition complète du salariat, qui n’est qu’un esclavage déguisé ». Le 28 mars 1871, il est élu membre de la Commune dans le XIIIe arrondissement. Dans une lettre écrite à Karl Marx, il se réjouit de son élection « non pour des raisons personnelles » mais « pour son importance internationale ». Il ajoute : « Si nous réussissons à transformer radicalement le régime social, la révolution du 18 mars serait la plus efficace de celles qui ont eu lieu jusqu’à ce jour. Ce faisant, nous arriverons à résoudre les problèmes cruciaux des révolutions sociales à venir. Dès lors, il nous faut tout faire pour atteindre notre but ». Il prend une part active dans la Commune, en particulier en devenant délégué au Travail et à l'Échange. Il est blessé le 25 mai à la barricade de la rue du Faubourg-Saint-Antoine où il est sauvé par la militante russe de l’Internationale Elisabeth Dmitrieff. Le 6e conseil de guerre le condamne à la peine de mort. Il fuit, passe par la Suise et rejoint Londres où il donne tout son temps à la construction de l'Internationale. Il meurt à Paris et ses derniers vœux sont :« Mon enterrement doit être aussi simple que celui des derniers crève-de-faim. La seule distinction que je demande c’est d’envelopper mon corps dans un drapeau rouge, le drapeau du prolétariat international, pour l’émancipation duquel j’ai donné la meilleure part de ma vie et pour laquelle j’ai toujours été prêt à la sacrifier ».
Les communardes étrangères
Ce résumé de l’histoire des étrangers dans la Commune ne saurait se terminer sans parler de ces femmes étrangères qui offrirent leur vie à la cause des Communard.e.s, à l’instar de Louise Michel et des femmes de Paris. Tout comme pour les hommes, les ressources biographiques sur ces étrangères sont trop succinctes. Ici nous nous contenterons de citer Elisabeth Dmitrieff et Anna Jaclard. Elisabeth Dmtrieff est née en 1851 en Russie ; elle contracte un mariage blanc avec le colonel Toumanovski ce qui lui permet de partir de Russie, pour la Suisse d’abord, puis à Londres à la fin de l’année 1870. Elle fréquente Marx qui l'envoie à Paris. Elle cofonde l’Union des Femmes pour la défense de Paris et travaille avec Frankel. Elisabeth prend part au combat ; le 25 mai elle soigne Frankel blessé. Le 6e conseil de guerre la condamne par contumace le 26 octobre 1872 à la déportation. Elle arrive à fuir en Russie où elle termine sa vie. Anna Jaclard, née Korvin-Krukovskaja Anna Vassilievna, voit le jour à Saint-Pétersbourg le 18 octobre 1844. Avec sa sœur Sonia, elles décident de partir à Paris. Elle y rencontre Jaclard qui devient son mari. Elle le suit à Genève où il doit s’exiler. En 1870, elle fait partie du groupe russe adhérent de l’Internationale. En septembre, elle rentre à Paris avec Jaclard. Durant la Commune, elle appartient au Comité de Vigilance des citoyennes du XIIIe arrondissement et à la commission pour organiser et surveiller l’enseignement dans les écoles de filles. Le 5e conseil de guerre la condamne par contumace aux travaux forcés à perpétuité. Graciée en 1879, elle revient à Paris où elle meurt le 12 octobre 1887.
Ces femmes et hommes venu.e.s de loin pour se battre contre les envahisseurs et les Versaillais ont donné tout leur sens à l’internationalisme prolétarien. Nous, trotskistes et internationalistes, en sommes les héritier.e.s L’exemple de ces communard.e.s étranger.e.s doit nous donner la voie et la force de construire l’Internationale dont les prolétaires en lutte ont besoin.
Vive la Commune et ses combattant.e.s, vive l’internationalisme prolétarien !
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