Sauvons les Archives !

France : en défense du PatrimoineDans le cadre de la RGPP (révision générale des politiques publiques) qui suppose le dégraissage de pans entier de l'administration de la Fonction publique d'Etat et la suppression de milliers d'emplois, la ministre de la Culture, Christine Albanel, a décidé de supprimer la Direction des Archives de France (DAF). l'intersyndicale CGT-CFDT-CFTC a, dès les premiers instants, lancé un appel national pour SAUVER LES ARCHIVES et s'opposer à ce démantèlement programmé. Cet appel a recueilli plus de 5000 signatures. Une campagne nationale dans laquelle les militants du NPA prennent une large place.

Le 24 mars 2009, une délégation composée d'historiens (Arlette Farge, Jean-Pierre Babelon, Robert Fossier, Maurice Rajsfus), de syndicalistes (Jean-Marc Canon, secrétaire général de l'UGFF-CGT, Nicolas Monquaut, secrétaire général de la CGT-Culture, Michèle Ducret, secrétaire générale adjointe de la CFDT-Culture, Wladimir Susanj, secrétaire général de la CGT-Archives) et d'élus, dont Aurélie Filippetti, députée de Moselle, porte-parole du groupe PS à l'Assemblée Nationale - et Marie-George Buffet, députée de Seine-Saint-Denis, secrétaire nationale du PCF présente le jeudi 26 mars lors de la conférence de presse - a été reçue par Jean-François Hébert, directeur de cabinet de la ministre Albanel.

Au coeur de cette rencontre, la RGPP, les suppressions d'emplois et l'obstination de Christine Albanel de vouloir supprimer la DAF, dès cet été, pour la transformer en un simple service au sein d'une " direction générale des patrimoines " regroupant aussi musées, architecture, archéologie et patrimoine monumental.

Problème : loin d'être seulement un objet patrimonial, les archives sont un élément essentiel de la mémoire individuelle et collective. Elles constituent une source fondamentale pour la recherche, notamment historique. Mais elles sont aussi une preuve pour les citoyens, dont elles justifient et garantissent les droits, parfois sur le très long terme dans des domaines tels que l'Etat civil, le droit de la nationalité, le droit de succession, ou le droit de la famille... Elles contribuent à l'exercice de la démocratie. C'est pour cette raison que, dès le début de la Révolution française, a été affirmé le principe de leur accès libre et gratuit pour tous (en 1790, l'Assemblée nationale constituante a fondé les Archives nationales et en 1796, la Convention a établi les archives départementales). C'est pour garantir la cohérence d'une politique nationale, qu'en 1897, la tutelle des Archives nationales, des archives départementales et communales a été regroupée au sein d'une direction des Archives de France.

Au nom des 5 000 signataires de l'appel pour " Sauver les Archives ", (voir ci-contre) les membres de la délégation ont exposé les arguments en faveur du maintien de la DAF, du maintien de l'organisation actuelle du réseau des services publics d'archives et du renforcement de son personnel statutaire :

Jean-Pierre Babelon a ainsi rappelé l'importance du processus historique issu de la Révolution française : " les archives étaient la base même de la nation, le ciment de la réunion de l'Ancien Régime et du nouveau ".

Robert Fossier, professeur émérite, a expliqué que " la disparition de la DAF, c'est la disparition d'un des gages de l'unité dans l' enseignement de l'histoire. "

Aurélie Filippetti a dénoncé " les objectifs financiers poursuivis par le Ministère alors que la préservation de la DAF est un enjeu démocratique en matière de transparence, en matière d'accessibilité aux sources, tant pour les historiens que pour les généalogistes".Pour elle," la disparition de la DAF et son assimilation à un patrimoine sanctuarisé s'oppose à une vision vivante de ce que sont les archives, de ce que sera l'avenir. "

Arlette Farge a souligné qu'en effet " les archives ne sont pas qu'un patrimoine, qu'une archive ne peut rester immobile, qu'elle est un flux incessant : l'archive n'est pas un musée ".

Et Maurice Rajsfus de rappeler qu' "avec les archives, on touche au problème du vivant ", de revenir sur la réunion des 27 ministres de l'Intégration de l'Union européenne, le 3 novembre, à Vichy, et les déclarations faites par Hortefeux à cette occasion :" On n'en peut plus de cette histoire du passé. On ne peut pas condamner une ville parce qu'il y a 60 ans il y a eu Pétain. Maintenant, ça suffit ! ".Puis Maurice Rajsfus d'évoquer l'affaire du 93 de la rue Lauriston, siège de la gestapo française durant l'occupation, dont certains voudraient changer le numéro en 91 bis, à cause du symbole négatif que représente l'actuelle adresse ... La communication des archives reste un aspect essentiel car " les livres ne suffisent pas. " a rappelé cet historien.

En guise de réponse :

Le directeur de cabinet d'Albanel a déclaré qu'il se retrouvait " dans le fond " de ce que la délégation exprimait et affirmait que " l'objectif était partagé ". De son point de vue, la création d'un service dédié aux Archives dans la DG des Patrimoines était une réponse adéquat. Il a rappelé que le gouvernement avait fait des Archives une priorité par : la loi (15 juillet 2008, qui restera une occasion manquée d'ouverture) ; la construction du nouveau centre de Pierrefitte-sur-Seine (dont l'appel d'offre pour la construction a échoué en novembre 2008 et le coût est passé de 120 à 194 millions d'euros et sans que 20 postes sur les 125 promis par la ministre pour ce projet ne soient honorés) ; le plan de relance (dont Œ de la somme ira aux collectivités territoriales donc aux Archives, [cqfd])...

Sur le front de l'emploi, le directeur de cabinet d'Albanel estime que " cela fait longtemps que le ministère fonctionne avec de trop petites directions, fragilisées, car trop d'emplois ont été supprimés à l'aveugle. " et de justifier cinq minutes après le contraire : " l'objectif de la RGPP au ministère de la Culture est de supprimer des emplois en administration centrale ". D'ailleurs Albanel a reconnu vouloir supprimer 250 emplois en administration centrale (soit 17 % des effectifs ) grâce à la RGPP. La directrice des Archives de France a cherché à nous convaincre que de passer de 115 agents toutes filières, toutes catégories à 56 n'était pas une preuve du désengagement de l'Etat. D'après elle, " le coeur de métier serait préserver ". Balivernes...

Le directeur de cabinet explique que " la ministre a des discussions serrées " avec Bercy pour avoir à la tête du " service interministériel des archives de France " - " interministériel " et " Archives de France " étant des termes ajoutés et gagnés après arbitrages " un responsable de rang directorial. La question actuelle est : est-ce un chef de service ou un directeur nommé en conseil des ministres ? "

Il s'agissait pour le directeur de cabinet de nous expliquer que Bercy voit d'un mauvais oeil la reconduction à la tête d'un simple service l'équivalent d'un directeur d'administration centrale (il en existe 200 en France).

A la question de savoir ce qui sera mieux après la réforme, le directeur de cabinet déclare sans vergogne que " ce ne sera pas moins ". Tout un programme ! Pourtant, une direction dirige, un service sert : les mots ont un sens.

Conclusion : Aucune réponse n'ayant été apportée par la ministre de la Culture aux revendications de la délégation, c'est maintenant vers Nicolas Sarkozy et l'Elysée que l'intersyndicale a décidé de se tourner.

Wladimir Susanj

Modifié le lundi 13 avril 2009
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