SNCM : Bilan d'une grève brisée

Grève de la SNCMAprès 24 jours de grève, les salariés de la Société nationale maritime Corse Méditerranée (SNCM) ont voté l'arrêt de la grève le 13 octobre. Que s'est-il passé durant ces 24 jours de grève avec occupation, et surtout, entre l'assemblée générale du lundi 10 octobre, où la poursuite de la grève avait été votée, dans l'enthousiasme et au chant de l'Internationale, et ce jeudi noir où a eu lieu le vote de fin de grève ? Le gouvernement est si fort qu'il peut mettre en déroute les grévistes ? Les salariés de la SNCM n'étaient pas assez motivés contre la privatisation ? Les salariés du reste du pays n'étaient pas solidaires ?Bien sûr l'explication est ailleurs, tout entière, exclusivement, dans l'attitude des directions syndicales et en particulier (mais pas seulement) de la CGT, Thibault, Le Duigou et Israël en tête, qui ont, eux, au bout de 24 jours, brisé cette grève.

À quoi a-t-on assisté ?

Les salariés de la SNCM ont voté dès le premier jour de la grève, contre la privatisation, totale ou partielle de la SNCM, objectif du gouvernement. Rappelons que cette opération s'accompagnait d'un " plan social " de 600 licenciements (sur 2400 salariés). Face à la fermeté des grévistes, lors de la première semaine de grève, le gouvernement opère une première manoeuvre (que les dirigeants s'empressent de qualifier de recul) en annonçant le maintien de l'État en tant qu'actionnaire minoritaire et 400 suppressions d'emploi sans licenciement sec.

Aussitôt, la direction de la CGT, Jean- Paul Israël (pour la CGT-Marins) en tête, répond : " Nous pourrons discuter d'une ouverture de capital au privé, très minoritaire ". Le tabou est levé. La CGT propose même le chiffre de 51 % de parts de l'État.

Pourtant, la journée d'action du 4 octobre à Marseille est un succès éclatant, les traminots de Marseille s'engagent même dans la grève (qui se poursuit encore à l'heure où cet article est écrit) eux aussi contre la privatisation. l'élan de solidarité des travailleurs et de la population est puissant et incontestable, unissant cheminots, salariés d'EDF, fonction publique, travailleurs des docks, public et privé.

C'est alors que Thibault demande à être reçu à Matignon pour " négocier " par-dessus les grévistes, sans le moindre représentant de ceux-ci, même pas Israël. Et, dimanche 9 octobre, juste alors que les ministres Perben et Breton s'apprêtent à aller à Marseille pour rencontrer sur place les syndicats, il envoie une lettre à Villepin indiquant que les syndicats ont accepté la perspective d'une présence de capitaux privés et l'hypothèse d'un plan social.

Même la " revendication " que l'État reste majoritaire à 51 % dans le capital n'y figure plus. Et Jean-Christophe Le Duigou, secrétaire confédéral de la CGT, insiste : " l'avenir de la SNCM ne se résume pas fondamentalement à la question de la part de capital de l'État actionnaire. "

Autant de manoeuvres dans le dos des grévistes, de nature à casser les pattes et le moral des salariés.

Division et chantage

À partir de là, il suffisait de parachever le dispositif de division. Le jeudi 13 octobre, à l'assemblée générale des grévistes, le choix donné était le suivant : " NON à la reprise du travail = dépôt de bilan " ou " OUI à la reprise du travail, pour éviter le dépôt de bilan ". Le chantage exercé par le gouvernement, la menace du dépôt de bilan étaient repris au mot près dans les bulletins de vote par la CGT. Comment ne pas comprendre que, dans ces conditions, les salariés, trahis par ceux qui étaient censés les représenter, baissent les bras ?

Alors, qui donc a vaincu les grévistes ? Villepin ou les directions syndicales, au premier rang celle de la CGT ?

On nous dit : les salariés des autres entreprises n'étaient pas prêts. Ah bon ? La puissante mobilisation du 4 octobre à Marseille, la forte journée d'action nationale le même jour, à l'appel des 7 confédérations prouvent le contraire. D'ailleurs, a-t-on seulement essayé d'en appeler à la mobilisation régionale et nationale en solidarité avec les grévistes de la SNCM ? Tout au plus y-a-t-il eu, ici et là, des motions et de l'argent collecté, toutes ces initiatives étant laissées à l'appréciation de chaque section, de chaque syndicat.

Chacun a joué sa partition dans l'affaire. FO et la CFDT ont retiré le tapis, afin de laisser la direction de la CGT majoritaire faire son oeuvre de division, pendant que le Syndicat des Travailleurs Corses n'a rompu le silence des derniers jours qu'une fois la reprise votée.

À l'heure où les traminots marseillais poursuivent leur grève, dans l'unité syndicale, contre la privatisation, la question de la responsabilité des directions syndicales, prenant fait et cause pour l'économie de marché et donc pour les privatisations, doit être posée, dans toute sa brutalité et sans fard. Vérité et clarté sont plus que jamais des ingrédients décisifs de l'action ouvrière.

C'est la condition première pour aider les travailleurs à se frayer eux-mêmes la voie du " tous ensemble ".
Modifié le mardi 19 septembre 2006
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