Projet de loi pénale antiterroriste

Entre la prolongation le 29 février de l'état d'urgence jusqu'au 26 mai et sa future inscription dans la Constitution par le Congrès, le gouvernement a inséré sa nouvelle loi antiterroriste. Dans un seul but : mater la classe ouvrière et la population Ce projet de loi, qui vient renforcer un arsenal judiciaire antiterroriste déjà pléthorique et inscrit les principales mesures d'exception de l'état d'urgence dans le droit pénal, recueille déjà une belle unanimité contre lui, en premier lieu du monde judiciaire.

Projet de loi pénale antiterroriste

L'arsenal antiterroriste, érigé depuis 1986, date où les crimes terroristes échappent aux juridictions ordinaires, compte plus d'une vingtaine de lois promulguées ! Dans la compétition, Hollande, en moins de quatre ans, caracole en tête puisqu'il en est à son cinquième texte, après avoir déjà promulgué la loi relative à la sécurité et à la lutte antiterroriste (décembre 2012), la loi renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme (novembre 2014), la loi renseignement (juillet 2015) et la loi modifiant et prorogeant l'état d'urgence (20 novembre 2015) !

L’état d’urgence inscrit dans le droit pénal

Sans répit, ce gouvernement réaffirme sa rhétorique réactionnaire et sécuritaire. A peine votée la prorogation de l'état d'urgence, c'est le tout nouveau garde des sceaux Urvoas, spécialiste des questions de sécurité au PS qui a été chargé de transformer une réforme pénale censée être « de progrès » (elle devait accroître le caractère contradictoire de la procédure et instaurer de nouvelles garanties pour les prévenus) en une énième loi antiterroriste et même pire, en une loi inscrivant les mesures liberticides de l'état d'urgence dans le droit commun pénal. Ainsi que l'a très clairement énoncé le 3 février dernier Le Foll, porte-parole du gouvernement, cette loi est faite pour succéder/suppléer à l'état d'urgence : « L'état d'urgence sera prolongé jusqu'à ce que la nouvelle procédure pénale soit mise en œuvre »1.

La séparation des pouvoirs bafouée

L'ensemble des mesures de ce nouveau projet de loi est caractérisé par une mise à l'écart du juge d'instruction, un renforcement sans précédent du pouvoir du parquet (c'est-à-dire des procureurs, directement soumis au ministère de la Justice), des préfets (relevant du ministre de l'Intérieur) et des policiers, un recul des libertés individuelles et la remise en cause du principe démocratique de la séparation des pouvoirs. Ainsi :

  • le parquet se verrait confier certains pouvoirs d'investigation jusqu'ici dévolus au juge d'instruction : perquisitions de nuit, captation de parole et sonorisation des lieux d'habitation ;

  • le préfet prendrait lui les pouvoirs du parquet en autorisant les policiers, hors suspicion de délit, à une fouille des bagages et des véhicules pour une période de 12 heures en cas d'attaque terroriste aux abords des installations, établissements ou ouvrages sensibles ;

  • le recours par le préfet sans contrôle judiciaire aux assignations administratives à résidence serait pérennisé pour toutes les personnes soupçonnées de s'être rendues dans un pays étranger pour participer à des activités terroristes : elles pourraient y être soumises pendant un mois ;

  • les policiers pourraient retenir une personne pendant quatre heures au poste, même mineure et sans la présence d'un avocat, « lorsqu'il y a des raisons sérieuses de penser que son comportement est lié à des activités à caractère terroriste » 2, et même si la personne est munie de sa carte d'identité ;

  • les policiers seraient considérés comme irresponsables pénalement en cas d'acte terroriste : serait licite l'usage d'armes à feu « rendu absolument nécessaire pour mettre hors d'état de nuire une personne venant de commettre un ou plusieurs homicides volontaires et dont il existe des raisons sérieuses et actuelles de penser qu'elle est susceptible de réitérer ces crimes dans un temps très voisin des premiers actes »2.

L’Etat policier en marche

L'élément commun à toutes ces mesures est qu'elles se fondent non sur des actes terroristes avérés mais sur la présomption floue et dangereuse que les personnes interpellées, fouillées, assignées pourraient avoir commis ou vont commettre un acte terroriste. C'est pourquoi l'ensemble du monde judiciaire, avocats, magistrats et leurs syndicats ainsi que les associations de défense des droits de l'homme ont déjà dénoncé ce texte. C'est le cas du Syndicat des avocats de France (SAF), du Syndicat de la magistrature (SM) mais aussi de l'Union syndicale des magistrats (USM), majoritaire et en général très modérée, cette dernière allant même jusqu'à juger certaines dispositions « scandaleuses et dignes d'un Etat policier »3. Enfin, fait très rare, le président de la Cour de cassation et les premiers présidents de cours d'appel ont publié le 1er février un communiqué dénonçant l'affaiblissement de l'autorité judiciaire par ce projet de loi4.

Ce projet de loi antidémocratique, versant sécuritaire de la loi El Khomri, se dresse tout comme elle contre la classe ouvrière et doit être combattu comme tel.

LEVĖE DE L'ĖTAT D'URGENCE !

RETRAIT DU PROJET DE LOI PĖNALE !

Isabelle Foucher,
05-03-2016

1 Le Huffington Post du 3 février 2016

2 http://www.assemblee-nationale.fr/14/projets/pl3473.asp

3 Mediapart, Comment l’état d’urgence va entrer dans la procédure pénale, 7 janvier 2016

4 https://www.courdecassation.fr/venements_23/relations_juridictions_ordre_judiciaire_7108/presidents_cours_33535.html

Modifié le mardi 08 mars 2016
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