Mélenchon, un cheval de Troie

Depuis le 5 mars 2016, Mélenchon est candidat. Il s’est auto-désigné, auto-tiré au sort. Puis, il a créé un mouvement, « la France insoumise ». Ni un parti, ni un cartel mais un rassemblement autour de lui, dans un mélange de posture et d’imposture et grâce à une importante couverture médiatique. Il dit ce qu’il veut, quand il veut, en dehors de tout contrôle collectif. Simple question de forme ? La forme, dit-on, caractérise le contenu des choses. Et, le contenu est à l’avenant.

Mélenchon, un cheval de Troie

Nous ne nous en cachons pas : nous sommes depuis fort longtemps anti-Mélenchon. Dans le Mélenchon, rien n’est bon. En ce sens, notre intervention contre Mélenchon n’est pas une intervention dans la campagne présidentielle en tant que telle, mais une intervention contre sa politique qui, comme l’a noté un ancien militant du Parti de gauche, est en rupture avec le mouvement ouvrier et ses principes élémentaires, y compris sur le terrain de la démocratie la plus formelle.

Le Tribun, d’abord !

Qu’il puisse faire illusion est une autre affaire. Tsipras et Iglesias aussi ont fait illusion. Avec le résultat que l’on sait. Chez Mélenchon, tout est dans la formulation délibérément équivoque, pouvant donc donner prise aux interprétations les plus contradictoires et ainsi sceller un malentendu. Marine Le Pen, dans le registre qui est le sien, sait aussi en jouer.

Sortir des traités Européens

Que veut dire, par exemple, sortir des traités européens ? La droite primaire a son idée là-dessus : cela veut dire pour elle, de nouveaux traités. Mais, du côté de Mélenchon, c’est une énigme. En effet, sortir des traités ne veut pas dire sortir de l’Union européenne et encore moins, rompre avec l’Union européenne, ses institutions et directives. Dans la même veine, Mélenchon, paraphrasant une phrase particulièrement glauque, s’est exclamé : « l’Europe, on la change ou on la quitte ». Il entretient volontairement la confusion entre le continent européen et l’Union européenne. Ce faisant, il nourrit l’illusion que l’on pourrait changer l’UE. Autant demander à la vache stérile de donner du lait ! L’Union européenne est un vaste consortium, c’est l’Union Européenne des capitalistes et des banquiers et on ne voit pas par quelle alchimie ce vil plomb pourrait être changé en or. C’est de ce type d’illusionnisme que s’est nourri Tsipras.

Ah mais, Mélenchon est plus fort que tous les indignés. Il n’est pas seulement indigné, il est carrément insoumis. Tellement insoumis qu’il demande que l’on se soumette à lui. En fait, Mélenchon a les couleurs de l’insoumission, le goût de l’insoumission mais son combat n’est en rien celui de l’insoumission

Cet histrion produit ainsi sa propre légende, son propre mythe, jamais mieux servi que par lui-même. L’histoire, une nouvelle fois, repasse les plats. Comme le notait Marx, elle se répète, la première fois sous forme de tragédie, la seconde sous forme de farce : La France insoumise pour La France Libre créée par de Gaulle en 1940. « Ère du peuple » autour de JLM2017 pour « Rassemblement du peuple français » autour du « Général » (1947-1953) Mélenchon, rompu à l’art de faire passer sa camelote en contrebande, recycle le gaullisme en douce.

La négation des partis politiques : une vieille rengaine gaulliste

Que les choses soient claires : la négation des partis politiques, en tant que tels, a quelque chose de viscéralement anti-démocratique. Cette négation des partis en général et par principe n’a strictement rien à voir avec l’aversion des gens à l’égard des partis actuels. Les partis actuels ont lié leur sort, librement et volontairement avec le vieux régime de la Ve République. Un régime dont Mélenchon est un pur produit, soulignons-le.

L’existence de partis politiques permet à la lutte politique de se donner libre court. Vouloir plier des partis aux exigences d’un seul, placé « au-dessus d’eux », c’est remettre en cause un principe démocratique élémentaire : le principe du pluralisme.

À cette étape, la France Insoumise se charge de soumettre le Parti de gauche et le PCF. Pendant que la Belle alliance populaire de Cambadélis s’occupe de liquider le PS (sous couvert de le « dépasser »).

Le marché des élections

Il est peu probable que Mélenchon pense être élu en mai prochain. Pour reprendre l’expression de Montebourg, son frère siamois, JLM veut prendre des parts sur « le marché des élections » et devenir le chef de l’opposition, à l’instar de Mitterrand en 1965. Or, sans les médias, JLM ne pouvait s’imposer. Celui-ci met donc en scène sa « France libre » à lui, comme un couvercle sur le mouvement ouvrier et démocratique, l’embrasser pour l’étouffer.

« Esclaves et nigauds »

Mélenchon représente un danger sournois, pernicieux qui impose, par touche successives, un discours des plus réactionnaires : contre les travailleurs détachés, contre la liberté d’installation des étrangers, contre les femmes voilées, pour « l’extrême-république » en matière de sécurité (légitimant ainsi l’état d’urgence, en douce), pour l’apprentissage en entreprise et ainsi de suite… Quitte à se répandre en dénégations ensuite, pour mieux reprendre de plus belle sa liturgie chauvine et viscéralement xénophobe. Sans oublier ses bouffées de haine face aux « bonnets rouges », salariés et petits patrons, qui manifestaient contre l’écotaxe et les licenciements (il les traita « d’esclaves et de nigauds »).

Le laboratoire mélenchonien de Grenoble

Mieux que les mots, les actes. Mélenchon soutient la municipalité de Grenoble tenue par les élus EELV et PG. Cette municipalité a en effet décidé de liquider des bibliothèques et centres de soins de proximité afin de supprimer 150 emplois d’agents de la Ville. De quoi satisfaire Fillon ! Lorsque les agents ont manifesté avec leur Intersyndicale CGT-FO-SUD, cette municipalité « insoumise et verte » a fait donner la police. De quoi satisfaire Cazeneuve !

Quant aux nombreux militants du PG, mécontents de ces mesures, ils ont été mis sous tutelle par la direction nationale du PG.

Une « Constituante » anti-démocratique

La supercherie se révèle plus nettement encore dans cette affaire de VIe République et de Constituante. De prime abord, nous sommes tentés de croire que, lui, président, la constitution de la Ve république sera abrogée, qu’une assemblée constituante sera élue au suffrage universel. On se dit : peut-être commencera-t-il par un référendum pour le maintien de la cinquième ou pour une nouvelle république. Eh bien, non. La Constituante mélenchonienne cohabitera avec l’assemblée nationale, le Sénat et tous le fatras de la vieille « république ». Et, elle ne sera pas élue mais ses membres seront « tirés au sort ». Une assemblée chargée d’élaborer un ensemble de lois inabrogeables, ne pouvant être contredites par aucune autre loi, serait le fruit d’un tirage au sort ! Rien n’est plus antidémocratique. Cette assemblée n’ayant aucune légitimité, tirée au sort sur des critères énigmatiques, n’aura donc pas plus de poids qu’une commission des sages. Moralité : la Constituante de JLM, c’est du pipeau !

De la mauvaise politique-fiction

En réalité, JLM a en vue une simple réforme constitutionnelle introduisant les referendums révocatoires, qui sont la nouvelle appellation contrôlée des plébiscites. Plus préoccupant encore, l’idée de votations populaires sur les questions qui relèvent des négociations entre les syndicats et les employeurs, c’est à dire, sur des questions qui concernent exclusivement les salariés (chômeurs compris) voire les étudiants, en tant que travailleurs en formation. Sur ces questions, se prononceraient donc les agriculteurs, les rentiers, les ecclésiastiques, les militaires, les huissiers, les buralistes, les avocats, les traders et toute une foule bigarrée, hétéroclite. Façon de fondre la classe ouvrière dans le peuple ! Tout en sachant qu’une partie importante des salariés, qui n’ont pas la nationalité française, seraient exclus de ce type de votation. En Suisse, cette « démocratouille » a fait des ravages sociaux considérables, rendant impossible la semaine de 40 heures ou des jours de congés supplémentaires selon le principe « vox populi, vox dei ».

Se soumettre à « La France insoumise » ?

Heureusement, toutes ces constructions ne sont que politique-fiction. Ce qui l’est moins, c’est cette tentative de faire main basse sur le mouvement ouvrier, de l’enchaîner au char de la France Insoumise et de la « nation française », avec son « récit national » et tout le saint frusquin. JLM pense qu’il pourra, sur les débris du PS et du PCF, soumettre les travailleurs et leurs organisations à sa France Insoumise et … néo-gaulliste.

Dans les périodes orageuses, les illusions sont des feux de paille dont les masses s’émancipent par élimination successive. La population travailleuse n’a pas besoin de tribuns, elle apprend à compter d’abord sur ses propres forces et cherche l’issue dans l’action autour de ses revendications vitales.

Mélenchon est la dernière invention retorse du vieux monde, pur produit du système politique qui sévit en France, faisant face à des journalistes patentés qui se laissent complaisamment rabrouer par ce bonimenteur. Devant les médias, Mélenchon joue sans cesse les offensés, s’offusquant au lieu de s’indigner. Et ensuite, il se met au garde à vous devant les forces de l’ordre et les forces armées. Lui et « la France insoumise » sont un cheval de Troie dans le mouvement ouvrier et démocratique. Mélenchon ? Pas en notre nom !

Daniel Petri et Wladimir Susanj,
04-12-2016

Dans nos prochains numéros, nous reviendrons sur le programme économique et social, la « transition écologique » et la politique étrangère de Mélenchon.

Modifié le samedi 10 décembre 2016
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