Lettre ouverte à Nicolas Sarkozy

Archives NationalesLes organisations syndicales

CFDT CFTC CGC CGT

des Archives de France

56, rue des Francs-Bourgeois

75141 Paris Cedex 03



Monsieur le Président de la République,

Lors de votre déplacement aux Eyzies le 12 septembre 2010, vous annonciez votre décision de créer une Maison de l'histoire de France et reteniez comme siège de cette nouvelle institution le site des Archives nationales, à Paris dans le Marais.

Cette annonce, faite sans consultation ni information préalable, a créé un émoi et une incompréhension considérables tant dans la communauté des archivistes, universitaires, historiens, usagers, que chez les simples citoyens, amateurs ou professionnels.

De très nombreuses personnalités, issues de tous horizons, ont depuis fait état publiquement de leur réserve sur le fond mais également sur la forme que revêt votre projet.

Ce n'est d'ailleurs qu'après un laborieux travail de terrain que le comité d'orientation scientifique de la Maison de l'Histoire de France a été installé par M. le ministre de la Culture et de la Communication le 13 janvier 2011.

Cependant, notre propos n'est pas ici de revenir sur le bien-fondé ou non de ce projet. Il est bien plutôt de constater qu'au-delà des positions, des clivages, une même analyse est partagée par tous : le projet de Maison de l'Histoire de France ne doit pas se faire " au détriment, voire au mépris, des Archives nationales, comme le laissent craindre les procédés à l'oeuvre depuis près de six mois ". Ce constat que nous partageons est aussi celui de grands intellectuels qui ont fait paraître leur point de vue il y a quelques jours dans un quotidien du soir.

Aux Archives nationales, l'émoi a vite cédé le pas à une crise sociale sans précédent.

Du personnel technique au conservateur, les agents y voient la remise en cause d'un autre grand projet présidentiel, pourtant très avancé, celui consistant à doter enfin les Archives nationales, qui conservent des éléments essentiels de notre patrimoine et de notre histoire, des moyens nécessaires leur permettant de remplir normalement leurs missions.

Le projet de rénovation des Archives nationales s'appuie dès l'origine sur un fonctionnement entre les sites actuels de Paris et de Fontainebleau, et le nouveau site en construction de Pierrefitte-sur-Seine, tant pour les besoins de conservation et d'accroissement des archives pour les trente ans à venir, que pour l'accueil des différents publics. Les sites de Pierrefitte-sur-Seine et Fontainebleau doivent accueillir les archives postérieures à 1790, le site de Paris sera dédié aux archives de l'Ancien Régime et aux minutes notariales.

Après une grève et l'occupation pacifique d'une partie de l'Hôtel de Soubise durant 134 nuits, les négociations menées avec le ministère de la Culture et de la Communication ont permis, le 27 janvier 2011, d'aboutir à une série d'engagements écrits actés par M. le directeur de cabinet du ministre de la Culture et de la Communication.

Il s'agit du " maintien du fonds du Minutier central des notaires de Paris sur le site parisien des Archives nationales, la résorption de l'arriéré de la collecte des minutes, puis la poursuite de cette collecte également sur ce même site conformément à la législation en vigueur ; le maintien des fonds antérieurs à 1790 sur le site de Paris, la réalisation de travaux de mise aux normes des magasins ainsi que l'amélioration des conditions de leur conservation ; le maintien dans le quadrilatère, notamment dans l'Hôtel de Soubise, du coeur des activités scientifiques, culturelles, éducatives et muséographiques des Archives nationales, s'appuyant sur leur lien historique avec cet Hôtel et les Grands Dépôts ".

Au vu de ces garanties ministérielles, la levée de l'occupation a immédiatement été votée par le personnel.

Ces engagements ont pour conséquence concrète que 75 kilomètres linéaires de capacité de stockage sont indispensables aux Archives nationales pour assumer toutes leurs missions sur le site de Paris. Cela correspond à la totalité des espaces composant l'actuel quadrilatère historique des Archives nationales. Tous ces chiffres sont tirés du projet scientifique et culturel et éducatif des Archives nationales.

Or, contre toute attente, les membres du cabinet de M. le ministre de la Culture et de la Communication nous ont informés le 2 mars dernier de la poursuite de votre projet d'implanter la Maison de l'histoire de France sur le site des Archives nationales de Paris. Cela est en totale contradiction avec le projet scientifique culturel et éducatif des Archives nationales, les besoins de l'institution, mais aussi avec les engagements actés le 27 janvier 2011.

Nous ne pouvons comprendre un tel revirement, pas plus que nous ne saurions l'accepter. Nous avions pourtant cru démontrer notre détermination sans faille dans la défense d'une institution patrimoniale à laquelle les citoyens ont montré leur attachement. Nous sommes persuadés que vous avez pleine conscience qu'aucun projet, quel qu'il soit, ne peut voir le jour s'il ne rencontre un tant soit peu l'accord de ceux qui ont la charge de sa mise en oeuvre. Permettez-nous d'insister : la grande majorité du personnel est opposée à l'implantation de cette maison sur le quadrilatère du site des Archives nationales. Vous vous honoreriez en le reconnaissant et en cherchant un autre lieu. Il ne manque pourtant pas de lieux évocateurs de notre passé dans lesquels la Maison de l'histoire de France pourrait naître, comme par exemple l'hôtel de la Marine.

Ajoutons enfin que nul n'a intérêt à entretenir un conflit qui est dommageable pour les relations sociales que nous pensions apaisées au lendemain de la lettre du 27 janvier dernier.

C'est pourquoi, Monsieur le Président de la République, nous vous demandons de bien vouloir confirmer que la Maison de l'Histoire de France ne s'implantera pas sur le site parisien des Archives nationales.

En ce sens, nous nous permettons de solliciter de votre bienveillance une entrevue afin de vous entretenir de ces questions de vive voix. Nous sommes en effet persuadés que vous portez un grand intérêt à une institution de la République telle que la nôtre et que vous êtes homme de conviction et de dialogue.

En terminant ce courrier, Monsieur le Président de la République, nous voulons vous redire notre attachement à notre mission, son objet et ses locaux.

Dans l'attente d'une réponse favorable de votre part, nous reprenons ce mardi 8 mars 2011 l'occupation de l'Hôtel de Soubise.

Nous vous prions de bien vouloir croire, Monsieur le Président de la République, à l'assurance de notre profond respect.




|La CFDT Archives : Nadine Gastaldi|La CFTC Archives : Béatrice Hérold|La CGC Archives : Claire Béchu|La CGT Archives : Wladimir Susanj|

Modifié le mercredi 09 mars 2011
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