Les journées de mai
Les journées de mai | Grèves de masse, syndicats et « journées d'action»Il est encore trop tôt pour tirer un bilan des grèves et des manifestations qui ont marqué le mois écoulé. Mais, dès à présent, une chose est sûre : leur ampleur bat en brèche tous les scénarios préconçus, tous les " échéanciers " qui devaient baliser le terrain d'une " réforme " jugée inévitable. "En mai, Raffarin joue son va-tout ", annonçait en ce début de mois le quotidien Le Parisien-Aujourd'hui. Les météorologues spécialisés dans le " climat social " mesuraient le mécontentement grandissant à l'approche de la décision finale présentée le 24 avril par le ministre Fillon. Ce ne serait pas sans risque pour ce gouvernement.Cependant, ce dernier ne se serait pas engagé dans la " dernière ligne droite " avant l'adoption de son projet sans avoir pris quelques assurances.
Tout d'abord, le congrès de la CGT, réuni en mars, avait purement et simplement retiré la revendication du retour aux " 37,5 annuités " dans le privé. Ensuite, le gouvernement avait veillé à ne pas inclure directement dans son projet le régime spécial des cheminots, de façon à neutraliser une force capable de paralyser le pays.
D'autre part, le front syndical commun intégrait Chérèque, porte-parole de la CFDT, clé de voûte d'un consensus au sommet pour " sauver l'avenir des retraites " par les remèdes que l'on sait.
Enfin, aucun porte-parole parlant au nom des salariés ne s'était hasardé à suggérer le retrait du projet, bien au contraire. Thibault en tête, le son de cloche syndical était partout le même : " Une réforme est nécessaire ". Tant et si bien que Blondel, qui jusque-là faisait figure de gardien orthodoxe des retraites ouvrières, reprendra ouvertement cette idée de réforme à la veille de la manifestation du dimanche 25 mai.
Ainsi était planté le décor qui servirait d'antichambre à l'adoption du projet Raffarin-Fillon. Il y aurait une grande journée le 13 mai, suivie d'une dernière séance de négociations en trompe-l'oeil que viendrait couronner une manifestation dominicale le jour de la fête des mères... Entre deux, une journée d'action " spécifique " pour les fonctionnaires. Et vogue la galère.
Pourtant, le 25 mai, tous les journaux rivalisent à la " une " sur le " bras de fer " qui est engagé depuis plusieurs jours. A mille lieues de toutes les tractations au sommet, les salariés, et parmi eux les syndiqués, se concertent et " conspirent " même depuis plusieurs semaines. La généralisation des grèves par le bas dans les établissements scolaires les y encourage. " Il faut un nouveau 95 ", pas moins. " Nous n'avons que trop attendu ". " Une course de vitesse est engagée, c'est le moment ". Voilà le son de cloche que les syndicats recueillent, entendent (et parfois étouffent) dans toutes les réunions d'information syndicale, dans toutes les assemblées générales du personnel. Pour des centaines de milliers de salariés, l'heure de la grève générale est venue. Dans leur tête, l'objectif est clair : retrait total du projet, " il ne doit pas en rester une miette ". Chassée par la porte d'un congrès ficelé d'avance, la revendication des 37,5 revient en force dans toutes les manifestations qui, elles, tournent au déferlement. Les 37,5, c'est le symbole de la solidarité public-privé, une solidarité qui n'a rien de platonique.
Dans cette atmosphère, la journée du 13 mai est perçue par " la base " comme un signal de départ. Dans des manifestations d'une ampleur jamais vue, même en 68, même en 95, preuve est faite que, contrairement aux allégations de certains responsables syndicaux bien pensants, les salariés du privé sont prêts comme ceux du public et que tous veulent en découdreavec les " raffarinades " et les " fillonades ". Si bras de fer il y a, il a commence au soir du 13 mai. Si bras de fer il y a, il a commencé comme une confrontation entre les travailleurs et les porte-voix des directions syndicales.
Cette confrontation vire au quasi-affrontement dans les dépôts, ateliers et chantiers SNCF qui veulent " reconduire ", le 14 mai, alors que les émissaires de la puissante fédé CGT des cheminots se mettent en travers de la voie. Pour le compte de qui ?
A Villeneuve-Saint-Georges, des agents de conduite seront stupéfaits d'entendre un représentant de la fédé CGT déclarer, à propos de la reconduction de la grève dans le métro : "La CGT RATP va dans le mur."
Dans le même temps, les personnels de l'Education nationale finissent par crever l'écran après des mois de grève passée sous silence non seulement par les médias mais aussi par les dirigeants de la FSU et de la CGT. La dynamique est créée. Et rien, désormais, ne semble pouvoir l'arrêter.
Pour l'enrayer, un calendrier de journées d'action à répétition est mis au point par de savants stratèges syndicaux. Mais le 19, la journée " spécial Fonction publique " est à nouveau le théâtre de manifestations géantes. Et le lendemain, n'y tenant plus, la grève sera reconduite en maints endroits. Les premiers comités de grève apparaissent. Reconduction, suspension provisoire alternent dans un seul but : la grève générale jusqu'au retrait total. De partout, affluent les appels aux fédérations et confédérations exigeant qu'elles appellent enfin à la grève générale jusqu'à satisfaction. Le 25 mai, les manifestations dominicales tournent à la radicalisation. Dans tous les cortèges, le mot d'ordre de grève générale, de retrait total du projet se propage comme une traînée de poudre.
Pendant ce temps, Bernard Thibault supplie le gouvernement d'ouvrir une ultime séance de négociations. Malheureusement, il n'y a rien à négocier. En haut, le gouvernement a lié son sort à son projet. En bas, les gens le rejettent en bloc et en détail.
Le 27, un nouveau tournant se produit, comparable au 13 mai, dans des manifestations monstres. En Corse, dans l'agglomération de Marseille, l'état de grève générale est d'ores et déjà manifeste. Dans les établissements scolaires, la détermination est plus qu'intacte.
Le 3 juin, il n'y aura qu'une seule issue : grève générale jusqu'au retrait total !
Du 16 au 18 mai, un non-évènement : le congrès du Parti socialiste
56% des personnes interrogées considèrent que le PS n'est pas une véritable force d'opposition au gouvernement Raffarin et 62% considèrent même qu'il ne présente pas de véritable projet pour l'avenir, tel est le résultat d'un sondage de l'institut Louis-Harris publié par Libération le jour de l'ouverture du congrès du PS.
Comme quoi les salariés n'ont pas la mémoire courte. Ce qu'ils ont d'ailleurs déjà prouvé le 26 novembre dernier en éjectant de leur manifestation Elisabeth Guigou, Ségolène Royal et Daniel Vaillant, tous anciens ministres de Lionel Jospin, aux cris de " Dehors, vous n'avez rien à faire ici ! "
De 1997 à 2002, Lionel Jospin et son gouvernement ont eu cinq ans pour abroger la réforme Balladur et le plan Juppé et qu'ont-ils fait ? Au mois de mars 2002, ils ont signé à Barcelone, avec Chirac, l'allongement de cinq ans de la durée du travail ouvrant droit à la retraite !
La résolution sur les retraites, votée à l'unanimité par le congrès, diffusée sous le titre " Non, la droite et la gauche ce n'est pas pareil ", éclaire s'il le fallait la prétendue " opposition " du PS au gouvernement Chirac-Raffarin : pas un mot sur l'abrogation de la loi Balladur-Veil de 1993, pas une ligne sur les 37,5 pour tous public-privé qui sont au centre de la formidable mobilisation des salariés de ce pays contre le gouvernement et sa " réforme " des retraites.
Dès lors, on comprend mieux l'hommage ému rendu à Lionel Jospin par François Hollande dans son discours de clôture et les applaudissements qui ont accueilli la présence de Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT qui a, contre le sentiment de la majorité des militants, abandonné l'exigence des 37,5 pour tous.
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