Le PCF face à l'état d'urgence

Au lendemain des attentats du 13 novembre 2015, Hollande-Valls décrétaient l'état d'urgence. Ce dernier fut prolongé de trois mois avec l'assentiment des parlementaires PCF. Depuis l'adhésion à ce « front national » pro État d'exception, le Parti communiste ne sait plus trop comment sortir de ce bourbier, qui n'est que le reflet d'une décomposition déjà bien entamée.

Pour avoir un bel aperçu de la schizophrénie politique qui règne Place du colonel Fabien, revenons un instant sur ce que déclarait Pierre Laurent, secrétaire national du PCF, à sa sortie de l’Élysée le 15 novembre 2015 1 :

« […] Nous avons demandé au président de la république d'agir dans trois directions. D'abord évidemment la sécurité des Français. Nous avons compris la décision du président de la république de déclarer l'état d'urgence […] le président de la république nous a annoncé qu'une proposition de loi serait soumise au vote pour prolonger l'état d'urgence pour trois mois […] deuxième axe de travail c'est la protection de la république […] nous devons protéger la république […] enfin et c'est pour nous le cœur du problème, nous avons demandé […] de changer les objectifs de l'action internationale de la France. La France doit retrouver sa pleine liberté de parole et doit prendre de nouvelles initiatives pour construire une coalition internationale qui permette de combattre Daesh et tous les terrorismes, mais qui permette de le faire pour construire la paix et des solutions politiques [...] »

Premières contorsions rhétoriques pour réaffirmer le soutien total du PCF à l’État bourgeois en vue de mater la classe ouvrière… Ce serait risible si les circonstances étaient moins dramatiques.

La suite, on la connaît : le 19 novembre, les 7 députés communistes votent pour l'état d'urgence « de longue durée », imités le lendemain par leurs camarades du palais du Luxembourg. Notons tout de même que 11 sénateurs PCF sur 19… se sont abstenus, dont un certain Pierre Laurent (!).

Le grand écart, sport favori du PCF

Depuis ces votes, dont on a du mal à distinguer toutes les subtilités, la boussole du PCF ne semble toujours pas indiquer grand-chose. Alors quelle stratégie adopter pour se rattraper ? C'est simple : le grand écart.

Il faut dire que les communistes possèdent des alliés de poids pour ce genre de manœuvres.

D'un côté leur ami Mélenchon qui feint de se réveiller au lendemain de la manifestation autour de la COP 21, sévèrement réprimée :« L’état d’urgence c’était donc bien ça : un instrument de plus pour criminaliser les mouvements sociaux ! » Pauvre oisillon tombé du nid…

De l'autre Besancenot, fidèle à lui-même et mangeant à tous les râteliers. Alors que le NPA peste contre un « état d'urgence permanent », notre célèbre facteur signe les pétitions à tour de bras. Tantôt l' A ppel des 333 pour la levée de l'état d'urgence , tantôt la déclaration Nous manifesterons pendant l'état d'urgence . Alors camarade ? Contre l'état d'urgence ? Ni pour ni contre ? Pour un état d'urgence « light », pas trop long et qui autorise les manifs ? Nous ne savons pas trop.

L’art de noyer le poisson

Mais tout ce beau monde a trouvé des contre-feux pour faire oublier des contradictions devenues trop voyantes. Belle aubaine que la déchéance de nationalité pour les binationaux ! On peut en faire de belles et grandes phrases sur les droits de l'Homme, contre la xénophobie, pour l'égalité, tout cela après avoir approuvé l'état d'urgence (enfin, pour le NPA, c’est plus compliqué puisqu’à lire leur presse : « l'état d'urgence est l'arbre qui cache la forêt de l’État policier » : relativiser et « globaliser » pour mieux couvrir le front de gauche, à gauche).

Le PCF est un habitué de ce genre d'attitudes délibérément équivoques qui n'ont d'autre conséquence que d'embrouiller les travailleurs. Ses élus sont capables d'exiger le matin le droit de vote pour les résidents étrangers et de faire virer manu-militari un camp de Roms en soirée.

Au chevet du Vieillard malade (PG et NPA)

Lors du meeting du 23 janvier dernier, pour la levée immédiate de l'état d'urgence, ils ont même réussi à s'incruster. Personne n'oubliera la fabuleuse, l'historique déclaration de Nicolas Bonnet Oulaldj, élu PCF du 12ème arrondissement de Paris, qui a réussi le tour de force de nous parler de tout, absolument tout… sauf de l'état d'urgence. Ne nous y trompons pas, ce n'est plus du culot, c'est de l'art.

Le Parti communiste français est moribond. Parti de gauche et NPA semblent vouloir épauler jusqu'au bout le vieillard malade, comme attendant un hypothétique héritage. Mais d'héritage il n'y a plus, le PCF s'accroche à ses quelques fiefs électoraux, de moins en moins nombreux, dont le PS lui fait l'aumône.

Il est temps d’aller vers un parti des travailleurs, en rupture avec le gouvernement, en rupture avec la Ve République, en rupture avec l’Union européenne.

Jérôme Lefaure,
5 février 2016

1 Consultation par Hollande des partis politiques français suite aux attentats.

Modifié le samedi 06 février 2016
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