La régression sociale «négociée»
l'accord sur la formation professionnelle signé par la CGT et la CGT-FOPour la première fois depuis 1970, la direction CGT a signé un grand accord interprofessionnel.Un peu d'histoire
Le dernier grand accord interpro signé par la CGT portait déjà sur la formation professionnelle. Cet accord, conclu le 9 juillet 1970, reconnaissait le droit à tout salarié d'obtenir un congé individuel de formation de 1 an, au cours duquel le salarié touchait son salaire à 100%. Les salariés pouvaient utiliser ce congé pour passer un diplôme national de l'enseignement technologique ou pour apprendre un nouveau métier de leur choix. Mais, ce droit était la contrepartie à la création des centres de formation d'apprentis, concurrents aux collèges d'enseignement techniques (ancêtres des actuels Lycées professionnels), qui ouvrait la voie à la mainmise du patronat sur l'enseignement technique et à l'alternance école- entreprise, propices à la déqualification des jeunes travailleurs.
l'accord interpro de 1991
En 1991, sous prétexte de réactualiser un accord qui a vingt ans d'âge, le patronat profite de sa renégociation pour imposer le co-investissement.
A ce titre, 25% du temps de formation peut être réalisé en dehors du temps de travail lorsque le stage dépasse 300 heures
S'agissant du congé individuel de formation, la rémunération des stagiaires subit un abattement de 10 à 20% selon que la formation suivie corresponde ou non aux types de formation préconisées par le Copacif (comité paritaire du congé individuel de formation). Précédemment, leur rémunération était maintenue intégralement, à la charge de l'employeur.
Dénonçant ce "co-investissement", la CGT a refusé de parapher cet accord "dont la caractéristique majeure est une amputation importante des droits des salariés " [communiqué CGT du 3 juillet 1991]
Accord formation 2003 : ce qui change
Périodes de formation "hors travail" : dans un argumentaire adressé aux membres du CCN de la CGT avant de décider la "signature" (NDLR : comité confédéral national, organisme de direction entre deux congrès), la " négociatrice " Maryse Dumas écrit : "l'Appel au "hors temps de travail " n'est pas assorti des garanties et contreparties demandées par la CGT ( initiative du salarié, formation débouchant sur un diplôme ou une certification transférable). Il peut de fait conduire à un allongement de la durée du travail". Comment Maryse Dumas peut-elle écrire (dans la NVO) que l'accord formation 2003 n'est pas "la régression sociale qui caractérise d'autres accords" ? On a bien lu l'argumentaire de la "négociatrice" : elle était prête à accepter ce qu'elle a refusé en 1991, à savoir le "hors-travail". Hélas, "hors-travail" n'est pas "assorti des garanties demandées" mais, de surcroît, par rapport à 1991, les possibilités de formation hors-travail sont étendues. En effet, jusqu'à présent, seul 25% du temps de formation peut être effectué "hors travail" et la formation considérée doit être supérieure à 300 heures et "être sanctionnée par un titre ou un diplôme de l'enseignement technologique". Désormais "des actions de formation" de toute nature pourront être "réalisées pendant ou, tout ou partie, en dehors du temps de travail" (Article 5). Par exemple : une formation indispensable à l'entreprise pour donner une charge de travail supplémentaire à une catégorie de salariés, à la suite d'un dégraissage des effectifs, dans une entreprise, à salaire identique bien sûr ! De même, "bilans de compétences" et "validations des acquis de l'expérience " pourront être réalisés hors-travail. Les salariés toucheront alors une allocation de formation égale à 50% du salaire, en "hors travail", exonérées de toutes cotisations sociales ! Ces heures sup déguisées ne donnent pas droit à repos compensateurs.
Le congé individuel de formation
Désormais, les "compte épargne temps" (issus de l'ARTT et du cumul d'heures sup non payées) peuvent être utilisés par chaque stagiaire en CIF (congé-formation) pour "compléter" les 90% pris en charge par le Fongecif (organisme paritaire payeur).
Après quoi nous lisons dans l'accord : "Les parties signataires rappellent que le CIF a pour objet de permettre à chaque salarié de suivre, à son initiative et à titre individuel la formation de son choix." Mais, cette perspective s'assombrit dès le paragraphe suivant : " Chaque salarié qui souhaite élaborer un projet professionnel individuel peut bénéficier de l'aide du Fongecif compétent ". Ca se complique : il faut préalablement confectionner un "projet professionnel". Ce projet professionnel commence par un entretien individuel avec la hiérarchie. Ensuite, il faut se soumettre à "un bilan de compétences", ou par une VAE (validation des acquis de l'expérience). Le texte de l'accord est formel : "Ces actions de bilan ou de validation contribuent à l'élaboration, par le salarié, d'un projet professionnel". Mais; on n'est encore qu'à "mi-parcours" des démarches pour obtenir un CIF : " Après avoir élaboré son projet, le salarié peut déposer ( ...) une demande de prise en charge du coût pédagogique ainsi que des frais (...) liés à une action de formation et une demande de prise en charge de sa rémunération pendant la durée de l'action de formation. Ces coûts pédagogiques et frais annexes sont pris en charge par le Fongecif dans le cadre des priorités et critères définis par ses instances". Moralité : le CIF n'est plus un droit collectif mais une faveur.
Qu'est ce que le DIF ?
La principale innovation de l'accord résiderait dans le DIF (droit individuel à la formation) : chaque salarié aura "droit" à 20 heures de formation par an (deux jours et demi, donc), cumulables sur 6 ans. Il peut s'agir d'action de promotion, de formation pour obtenir un diplôme ou une qualification professionnelle reconnue dans les classifications d'une convention collective de branche (voir article 6) ou encore "d'actions d'acquisition, d'entretien ou de perfectionnement des connaissances". Et, là encore : tout ou partie de ce quota d'heures peut être "réalisé" en dehors du temps de travail. Le "DIF" inclut le bilan de compétence et la VAE. Selon la direction CGT, ce serait néanmoins l'amorce d'une "nouvelle conquête" puisque ce droit est "transférable" d'une entreprise à l'autre, en cas de licenciement. Maryse Dumas appelle les salariés à être "offensifs" pour "faire entrer le DIF et dans la vie en veillant à ce qu'ils débouchent vraiment sur des qualifications transférables". [NDLR: professionnalisation = dispositif concernant les jeunes travailleurs qui fusionne toutes les formules de contrats en alternance, et de stages précaires concurrents à la formation initiale dans le cadre de l'enseignement technologique]. Dans le meilleur des cas, le DIF peut déboucher sur des qualifications-maison, ce qui accentue la remise en cause de la reconnaissance des qualifications dans la branche professionnelle où l'on travaille, basée sur les diplômes et l'ancienneté dans un métier. Dans les faits, le DIF amorce le retour progressif vers le contrat individuel de travail, c'est à dire la négation des garanties collectives, droits égaux acquis par les salariés et leurs syndicats.
Une signature à la demande de Chirac
Dans la Tribune (30 09 03), Maryse Dumas annonce "nous voulons, par tous les moyens, atténuer les conséquences pour les salariés des récentes décisions gouvernementales", les "atténuer" et non les combattre, ce qui revient à accepter a priori comme matrice des "grands accords" à venir et accepter la "régression sociale" comme base de négociation. "La CGT veut se mettre en situation de signer de grands accords" assure-t-elle. S'apprête t-elle déjà à conclure les prochains accords sur "le maintien dans l'emploi des travailleurs âgés", "le traitement social des restructurations", les retraites complémentaires ?
Comment la CGT a été " mise en situation " de signer cet accord-là ?
Le 16 septembre, dans son allocution télévisée, Chirac s'est étalé sur le thème de la "sécurisation des parcours professionnels", les salariés devant être "préparés à changer de poste" au gré des restructurations. Le Chef de l'Etat a revendiqué par avance la mise en place du DIF. S'adressant aux "partenaires sociaux", Chirac a prévenu : " l'Etat attend des résultats à la hauteur des enjeux. Il en tirera toutes les conséquences". La direction CGT a obtempéré à cette injonction après s'être assurée que la direction FO avait signé. Blondel a donc tendu la perche à Thibault - Dumas.
Aux yeux de certains syndicalistes, la direction CGT ne "pouvait pas faire autrement" puisque toutes les confédérations ont "signé " avant elle. Un syndicat doit effectivement être en mesure de négocier, mais sur un mandat revendicatif et non comme l'écrivait Thibault dans la NVO, le 12 septembre, sur "des propositions alternatives constituant un mandat pour la négociation". Evidemment, il y avait un chantage à la clé de ces négociations : un syndicat qui ne signe pas est écarté des organismes paritaires qui supervisent l'ensemble du dispositif de "formation". Mais, en signant, il se lie les mains dans la cogestion de fonds et dans l'organisation d'un dispositif d'intérêt patronal.
En signant cet accord de régression sociale, Thibault - Le Duigou - Dumas viennent de perpétrer un véritable coup de force dans la CGT contre ses bases fondatrices. Ainsi, Thibault et sa suite ont imposé à la CGT un virage historique qui risque de l'entraîner dans la spirale de l'association capital-travail, de l'intégration des syndicats à l'Etat.
Mais, comme le note Le Monde (1.10 03) "le pari du leader de la CGT n'est pas gagné pour autant. Parmi les opposants à la signature (16 unions départementales et les fédérations de la métallurgie, de la chimie, des PTT et de l'agro-alimentaire) restent hostiles à cette mue". Le bras de fer dans la CGT, loin de se calmer, va redoubler d'intensité. Son enjeu est l'indépendance du syndicalisme confédéré, incarné par la CGT et la CGT-FO, sur le terrain de la défense des conquêtes sociales des travailleurs et de la " feuille de paie "
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