Crise politique au Brésil

Le 18 avril, la Chambre des députés du Brésil a voté en faveur de la destitution de Dilma Roussef, au pouvoir depuis 2010 et réélue en 2014. Une large majorité a voté la destitution, à commencer par les députés du PMDB (centriste) et du PP (droite), membres, avec le PT, de la coalition gouvernementale. À cette occasion, un député du PP, Jair Bolsonaro a même fait l’éloge d’un tortionnaire de la dictature militaire, Carlos Albert Brilhante Ustra. Le Sénat qui doit se prononcer à son tour dans la deuxième semaine de mai voit la moitié de ses quatre-vingt-un membres sous enquête judiciaire ou en procès. Analyse de la situation présente par nos camarades du Movimiento Socialista de los Trabajadores (MST) argentin.

Crise politique au Brésil

Les forces politiques de la droite brésilienne essayent de prendre le pouvoir à partir de la procédure de destitution que nous dénonçons. C’est une manœuvre de leur part et de celle du patronat, qui veut appliquer directement un plan d’austérité que la présidente affaiblie ne peut mettre en œuvre. Une politique en faveur des travailleurs et de la jeunesse ne peut que s’opposer aux plans de la droite, dirigée au Parlement par le mafieux Eduardo Cunha, avec Temer comme probable exécuteur des mesures contre le peuple.

Repousser ces plans ne signifie pas défendre le gouvernement ni le projet de Dilma Roussef et du PT qui, depuis des années, s’est transformé en gérant de grandes entreprises et a été impliqué dans des affaires de corruption à grande échelle, avec de grandes entreprises de travaux publics comme Odebrecht ou avec l’entreprise de médias O Globo qui a reçu sous le gouvernement « PéTiste » plus de six milliards de réales. Il ne reste rien des mots d’ordre du PT des origines ; ils ont disparu avec les mesures d’austérité, les accords avec le grand capital et la corruption du pouvoir d’État. La chute du PT a commencé en 2013 avec les énormes manifestations de la jeunesse et les grèves exprimant le mécontentement social qui se combine maintenant avec cette crise politique.

Cette situation fait que la grande majorité du peuple brésilien rejette le gouvernement de Dilma sans pour autant soutenir un possible gouvernement de son vice-président Temer ; c’est pour cela que nous nous prononçons pour une troisième option venant de gauche, du PSOL, à travers des élections générales.

Un coup d’État ?

Pour tenter de se défendre, Dilma et le PT ont lancé l’idée d’un « coup d’État » pour essayer d’insuffler une campagne de peur parmi la population. En vérité il n’y a aucun coup d’État en préparation : même si le vice-président Temer assume la présidence, il n’y aura pas de changement de régime. Dans tous les cas, la présidente sera remplacée par quelqu’un provenant des institutions et par les mécanismes institutionnels du régime politique actuel qu’elle défend, pas par un autre régime. Comme l’affirme les camarades du MES-PSOL, « La démocratie précaire que nous avons continuera, bourgeoise et précaire ». Avec le vote du Sénat peut surgir un gouvernement Temer fragile, illégitime, qu’il faudra combattre. Il s'agira du sous-produit d’une crise politique profitable conjoncturellement à droite, pas d'un coup d’État. C’est une manœuvre politique de courants de la droite, à l’intérieur de la Chambre des députés et du Sénat, à partir d’un mécanisme accepté par le PT lui-même.

Notre politique, qui est de proposer des élections générales pour que le peuple décide, va à l'encontre de toute la caste politique, de la droite qui a impulsé la destitution et du gouvernement qui a accepté que ce soit le Parlement corrompu qui décide. Aucun ne veut une issue démocratique et ils sont co-responsables du désastre. Un gouvernement surgi de la destitution ne sera pas démocratique, pas plus que ne l’est celui actuel de Dilma qui, depuis son élection, applique un plan de mesures anti-populaires, opposé à ses promesses de campagne. Nous, qui croyons en une démocratie réelle, dénonçons aussi cela et proposons que toutes les charges soient révocables, que soient emprisonnés ceux qui s’enrichissent dans la fonction publique, que les grandes orientations se décident avec la participation souveraine du peuple. Les organisations qui ont laissé de côté cette réalité très évidente, parlent seulement de lutte « contre le coup d’État », soutiennent de manière erronée un gouvernement qui s’effondre entre austérité et corruption. Il n’y a pas au Brésil deux camps, un de droite et l’autre progressiste. Il y a un affrontement politique entre un gouvernement qui s’est converti en agent des grandes entreprises, perdant tout son soutien populaire et la grande bourgeoisie qui n’a pas confiance en son utilité et préfère appliquer son plan avec d’autres hommes en charge.

Sergio Garcia,
Dirigeant du MST,
04-05-2016

Larges extraits traduits par Jean-Baptiste Carrier,
06-05-2016.

PMDB : Parti du mouvement démocratique brésilien
PP
: Parti progressiste
PT : Parti des Travailleurs
PSOL : Parti socialisme et liberté (issu de l'aile gauche du PT)
MES -PSOL: Mouvement de gauche socialiste, tendance du PSOL

Modifié le samedi 07 mai 2016
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