Parti et lutte des classes

30 novembre | Venezuela : 28, 29, 30 novembre, rencontre internationaleLes 28, 29 et 30 novembre 2007 aura lieu à Caracas, au Venezuela, une rencontre internationale organisée par le regroupement international qui s'est constitué autour de la revue Revista de América. Dans le cadre de la préparation des débats, nous publions dans ces colonnes des extraits d'un article signé de Sergio García, un responsable vénézuelien, consacré aux questions du parti, et en particulier à celle la construction d'un parti des travailleurs indépendant de masse. Les intertitres sont de la rédaction.Quatre-vingt-dix ans après la révolution russe se développe un débat sur la construction du parti révolutionnaire. Pendant des années, le trotskysme a pratiqué un type de centralisme démocratique utile d'un côté pour agir de manière centralisée dans la lutte des classes mais caricatural de l'autre, occasionnant scission après scission sur chaque débat important ou d'autres qui l'étaient moins. Avec des minorités qui ne veulent pas se reconnaître comme telles et décident rapidement de construire " un autre parti " ou des majorités qui demandent le silence et la discipline aux minorités du moment. Était-ce cela le centralisme démocratique des bolcheviques ? Nous ne le croyons pas, les formes organisationnelles et le régime interne d'un parti dépendent de la lutte des classes et des rapports de force et les conditions d'existence des révolutionnaires à une étape déterminée et sont conditionnés par eux. Le centralisme bolchevique sous la répression de 1905 ou 1906 n'était pas le même que celui d'août et septembre 1917 dans une situation convulsive et bouillonnante, ni semblable à celui du temps de la guerre civile deux ou trois ans après. De la même manière la forme organisationnelle et le régime interne des partis révolutionnaires construits sous les régimes dictatoriaux des années 70 ne peuvent être identiques à ceux d'aujourd'hui.

Continuer de croire que des groupes fermés sur eux-mêmes et auto-proclamatoires, qui dans la majorité des cas ne regroupent pas plus de 200, 300 ou 400 militants, sont " le parti ", est se condamner à l'échec. Le défi que doit résoudre le trotskysme dans ce siècle est d'être capable de se dépasser, de converger avec d'autres secteurs et de faire la démonstration dans la lutte des classes d'un projet révolutionnaire, parce que c'est la lutte des classes qui en dernière instance définit la validité ou non d'une stratégie et des tactiques mises en oeuvre à cette fin. Si on ne part pas d'un parti consolidé et enraciné au moins dans quelques secteurs, il existe aussi la possibilité de construire des courants ou des mouvements politiques larges ou d'autres formes transitoires, toutes tactiques possibles et valides dans le but de construire de grandes organisations révolutionnaires.

Une voie de convergence sur le terrain international

Devant le défi de construire des organisations internationales, et faisant partie de ceux qui se revendiquent de l'héritage d'Octobre, nous devons résoudre l'état actuel de dispersion et de fragmentation de l'avant-garde révolutionnaire. Pour certains petits courants du trotskysme sectaire, l'objectif continue d'être de consolider de petites tendances internationales sans prise sur la réalité avec un programme et un mode de pensée monolithiques. D'autres parfois, continuent de croire qu'ils sont " la IVe ", méconnaissant que ceux qui se revendiquent de cette lutte sont plus nombreux à travers le monde.

Il s'agit de réfléchir à un projet de regroupement et de convergence des secteurs révolutionnaires qui veulent construire un projet international loin du culte de la marginalité, du sectarisme stérile et auto-complaisant. Chercher un espace politique commun sur le terrain international, pour ceux qui sont convaincus de se tourner vers le mouvement de masses, et y faire la démonstration d'une politique ouverte au travail avec des courants ne provenant pas du trotskysme, voilà la tâche d'aujourd'hui, léniniste et profondément nécessaire. Si déjà Trotsky voulait une Internationale où les trotskystes auraient été une minorité, à quoi d'autre pouvons-nous nous-mêmes prétendre quand nous considérons l'ampleur des nouveaux phénomènes, les nouvelles avant-gardes, et la faiblesse de nos organisations.

Le défi consiste à comprendre dans toute son ampleur l'opportunité qui s'offre à nous si nous aspirons à être - comme le fut Lénine - capables de nous appuyer sur une stratégie révolutionnaire, avec la plus grande souplesse tactique et organisationnelle, ouverts à travailler en commun avec ceux qui même confusément empruntent un chemin similaire. Revista de América en tant que publication du projet de " Regroupement International des Révolutionnaires ", essaie avec des opinions communes et d'autres divergentes ou nuancées, de différents pays du continent et aux côtés de camarades et d'amis d'Europe, d'ouvrir la voie à cette convergence. Il s'agit de l'un des meilleurs et des plus nécessaires hommages que nous puissions rendre aux 90 ans d'Octobre, et à la recherche de nouvelles victoires socialistes.

Le léninisme et la révolution bolivarienne

La révolution bolivarienne est aujourd'hui sans aucun doute la pointe la plus avancée du continent, par ses conquêtes, dans l'affrontement avec l'impérialisme, et aussi dans ses contradictions et ses problèmes internes. Elle combine des conquêtes sociales, un discours socialiste et dans le même temps une forte structure bureaucratique de l'État qui limite et met en péril l'avenir du processus en agissant en interaction avec les groupes économiques qui survivent. Sans vouloir copier mécaniquement la Russie révolutionnaire, il y a sans aucun doute de ses éléments et de ses expériences qui pourraient être mis en oeuvre. Le droit à la nourriture, au travail, l'accès au crédit et au logement, peuvent être résolus rapidement si d'autres nouvelles mesures de nationalisation, de contrôle ouvrier et populaire, étaient prises dans ces branches de l'économie et de la vie sociale. Tel va être l'enjeu à travers le référendum de décembre.

Aujourd'hui nous sommes au milieu d'un affrontement entre le oui et le non à la réformeIl s'agit de la réforme constitutionnelle soumise au référendum du 2 décembre 2007. présentée par Chávez. D'un côté le peuple pauvre et bolivarien, de l'autre les grands groupes économiques, les médias privés, la hiérarchie ecclésiastique et les États-Unis d'Amérique. Nous les révolutionnaires, les léninistes, les trotskystes, ne pouvons être étrangers à cette terrible confrontation politique et sociale. Bien qu'avec des différences sur certains aspects et articles de la réforme, nous devons prendre parti dans la lutte des classes. Nous soutenons tous les points positifs et tous ceux qui peuvent être le moteur à partir du référendum pour de nouvelles avancées, sans cesser pour cela de souligner ce que nous ne partageons pas. Car la critique révolutionnaire est précisément indissociable des révolutions.

Mais notre critique, aussi dure soit-elle, est éloignée de cette croyance - selon nous peu trotskyste - qui met au centre ces jours-ci l'attaque contre Chávez et au processus, perdant de vue le cadre et la place politique occupés entre révolution et contre-révolution au Venezuela. Trotsky, quand le Mexique sous le gouvernement de Cárdenas nationalisait le pétrole, disait au groupe trotskyste de ce pays : " Dans la lutte contre le capital étranger au Mexique, la direction de la LCI, au lieu de centrer son agitation principale con­tre les bandits britanniques et nord-américains, l'a dirigé beaucoup plus contre le régime nationaliste bourgeois de Cárdenas, l'attaquant de manière sectaire, partiale et, compte tenu des circonstances, objectivement réactionnaire ".

Ne pas répéter les erreurs du passé

Nous autres prétendons au Venezuela ne pas répéter ces erreurs de petits groupes sectaires, nous sommes quotidiennement partie prenante dans la lutte actuelle, nous sommes critiques des actions du gouvernement. Nous sommes des léninistes convaincus qu'il peut y avoir de nouveaux Octobres si, appuyés sur nos expériences et nos succès, nous gagnons les défis actuels, enrichissant la théorie et renforçant la pratique. Pour cela, en Amérique latine, il est indispensable que la révolution bolivarienne ne soit pas défaite en ce moment par la conspiration putschiste, par la bourgeoisie impérialiste, ni par le cheval de Troie de la bureaucratie complice et enrichie par son pouvoir d'État. Et pour l'éviter, le premier pas consiste dans l'union et le travail en commun des révolutionnaires avec la masse du peuple et de ses organisations sociales les plus engagées dans un cours socialiste.

Dans le PSUV, il y a aussi des débats sur la question du parti et sur la nécessité ou non de prendre en compte l'expérience bolchevique. En premier lieu, l'appel de Chávez à sa construction confirme la nécessité d'une solide organisation politique pour affronter de si nombreux ennemis puissants et la grande participation des masses pour s'y inscrire montre l'envie d'être partie prenante d'un outil politique. l'élection des porte-parole et des délégués pour son premier congrès fut une expérience démocratique dans de nombreux endroits, bien que dans de grands secteurs la machine du pouvoir d'État, régional ou communal ait été utilisée pour contrôler le vote. Nous posons des questions au milieu de tant de contradictions : comment seront élus les futurs candidats du PSUV aux postes de gouverneurs, dans les mairies ou à l'Assemblée nationale ? Et la direction du parti ? Comme on peut le constater, dans cette nouvelle construction il y aura des débats importants et des contradictions, nous devrons proposer, et dénoncer si c'est nécessaire.

À 90 ans de la révolution russe, nous réaffirmons l'importance stratégique de construire de grandes organisations politiques, de travailler en profondeur dans les mouvements sociaux et les organisations ouvrières, populaires, paysannes et étudiantes. Nous continuons de considérer les travailleurs comme le moteur fondamental des processus révolutionnaires, dans l'unité avec l'ensemble des masses pauvres et populaires, comme le 13 avril l'a montré. Construire un nouveau projet socialiste peut se faire en s'appuyant sur le meilleur de l'expérience léniniste du XXe siècle et en balayant tout ce qui subsiste de la bureaucratie soviétique et chinoise, en s'appuyant sur des principes théoriques et politiques toujours valides, en réactualisant ces théories, en essayant de comprendre les nouveaux phénomènes et en nous dotant des formes politiques et organisationnelles qui nous aideront pour de nouvelles victoires.

Sergio García, membre des comités de rédaction du journal MAREA Clasista y socialista du Venezuela et de la revue internationale Revista de América.
Modifié le lundi 03 décembre 2007
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