Le paradoxe de la révolution

VenezuelaC'est par Paris, le 9 mars, qu'Hugo Chávez, Président de la République bolivarienne du Venezuela, a terminé un périple diplomatique de neuf jours. À cette occasion, il a signé un accord avec le PDG de Total pour accroître la participation du groupe dans l'exploitation pétrolière et gazière du Venezuela et avec l'entreprise Alstom, qui poursuivra les travaux du métro de Caracas. La réunion publique prévue avec lui a été annulée au profit d'une rencontre avec une trentaine de personnalités choisies par son ambassade.La Commune a traduit pour ses lecteurs quelques articles du dernier numéro de la revue OIR a los trabajadores pour qu'ils puissent juger des forces à l'oeuvre dans la révolution bolivarienne et des contradictions qui la traversent. Les militants de l'UIT (IVe Internationale) sont membres d'Opción de Izquierda Revolucionaria [Option de Gauche Révolutionnaire, NdT], qui édite ce mensuel. l'OIR est l'organisation soeur de La Commune au Venezuela.

" Quelle ironie ! l'an passé, l'économie a connu un taux de croissance de 17,3 %, un chiffre record sur tout le continent, et le gouvernement annonce une dévaluation, qui se traduira par davantage d'inflation et une hausse du coût de la vie.

Contradictions à résoudre

" C'est le grand paradoxe de cette révolution. Tandis que nous, peuple d'en bas, faisons les plus grands sacrifices, perdons nos emplois, cachons nos blessés et nos morts, une infime minorité, liée aux banquiers, aux propriétaires fonciers, aux multinationales, va voir se multiplier, sans aucun effort, par 15 ou 20 ses bénéfices en une année.

" La " justice " s'acharne contre ceux qui n'ont rien, alors que les putschistes sont libres comme le vent. Le traître à la classe ouvrière Ortega,Carlos Ortega : dirigeant de la Confédération des Travailleurs du Venezuela (CTV) qui a organisé et dirigé le lock-out patronal pétrolier fin 2002-début 2003 pour renverser Chávez. avant même le début de son procès, est blanchi de 50 % des accusations pesant sur lui.
" Dans le secteur automobile, entre janvier et février de cette année, les ventes ont progressé de 107 %, mais cinquante travailleurs de la General Motors n'ont pas été réintégrés, malgré les jugements favorables de l'Inspection du travail. Dans tout le pays, ce sont 60 000 travailleurs qui connaissent le même sort.

" Les réserves de devises dépassent 24 milliards de dollars ; le niveau de recouvrement des impôts présente des chiffres positifs, et déjà on annonce que le prix du baril atteindrait les 50 dollars cette année, et l'augmentation du salaire minimum ne compense même pas celle du coût de la vie pour 2004.


Un tournant radical

" Nous avons obtenu des victoires et des conquêtes importantes, mais cette révolution ne sert à rien si ceux qui en bénéficient sont les exploiteurs ou ceux qui se déguisent en militants de la révolution pour faire leurs trafics.

" Il faut faire prendre un tournant radical au processus révolutionnaire : la croissance de l'économie doit se traduire par un bien-être accru pour le peuple.

" Au lieu de dévaluer, le gouvernement doit maintenir le contrôle des prix, décréter une augmentation générale des salaires, mettre en place l'échelle mobile des salaires pour faire face aux augmentations de prix annoncées.

" Pour garantir l'emploi, un projet de décret doit être proposé en urgence pour traduire en justice les patrons qui refusent de réintégrer les travailleurs licenciés, permettre l'expropriation des entreprises qui violent les droits des travailleurs, ordonner la réduction de la journée de travail sans diminution des salaires..

" Il faut transformer la justice pour que le peuple et les travailleurs jugent et condamnent directement les ennemis de la nation et du peuple. [...]

" Nous avons besoin, en urgence, d'un programme de transition qui nous conduise au socialisme. Sinon, nous, les travailleurs et les pauvres, nous continuerons de souffrir des méfaits de ce système capitaliste d'exploitation. "




Une rencontre historique

" Entre le 18 et le 20 février s'est tenue la rencontre syndicale des courants révolutionnaires et de classe de l'UNT. Notre organisation, OIR, a participé activement, avec ses dirigeants syndicaux membres de la Centrale, à sa promotion et à sa préparation.

" Plus de 400 dirigeants syndicaux de différents secteurs de la production et des services, venus de tous les états du pays, s'étaient rassemblés pour discuter de la situation politique nationale, de la dynamique actuelle de l'UNT et du processus électoral interne prochain.

" Cette réunion a constitué un fait historique et qualitativement significatif pour la classe ouvrière vénézuélienne, engagée aujourd'hui dans la construction d'une centrale syndicale de classe indépendante, démocratique, solidaire et internationaliste. Sans exagérer, cet évènement a eu autant d'importance pour le syndicalisme de classe révolutionnaire que la rencontre des travailleurs de septembre 2002 au Théâtre Municipal, ou que le Congrès de fondation de l'UNT célébré en avril 2003 au Théâtre National.


Révolution anti-bureaucratique

" La composition de cette réunion et la présence massive de dirigeants syndicaux venant de tout le pays sont un reflet clair du processus profond de lutte qui impulse la transformation progressive du mouvement syndical vénézuélien.

" La classe ouvrière du pays, soumise pendant des décennies à une dictature bureaucratique exercée ces dernières années par la caste parasitaire et putschiste de la CTV, et avec encore plus de force depuis le lock-out patronal et le sabotage de PDVSA [entreprise pétrolière nationale du Venezuela, NdT], a engagé une lutte féroce contre cette caste syndicale. Ceci s'exprime dans une puissante " révolution anti-bureaucratique ", qui prend corps dans le surgissement d'une jeune avant-garde ouvrière qui s'est ouvert le chemin à travers la constitution de nouveaux syndicats de classe et la concrétisation d'élections internes dans tout le pays.


Interventions de la classe ouvrière

" Ce mouvement s'est mis en évidence dans la lutte des travailleurs pour les contrats collectifs et pour de meilleures conditions de travail, ainsi que dans la défense du droit au travail. Une manifestation de ce processus réside dans l'occupation par les travailleurs de nombreuses entreprises et la récente expropriation de " Venepal ", exemple de lutte qui doit à l'avenir être suivi par les travailleurs des entreprises de la Construction Nationale de Valves, de l'industrie des parfums Cristine Carol, des textiles Phénix, etc.

" Cette " révolution démocratique " en cours au sein de la classe ouvrière et du syndicalisme vénézuélien s'est concrétisée aussi, dramatiquement, dans le rôle décisif joué par les travailleurs du pétrole dans l'affrontement contre le sabotage patronal de PDVSA, dans le sauvetage et le contrôle de notre principale industrie et la liquidation de la bureaucratie syndicale liée au parti bourgeois Action Démocratique. Il est urgent d'aboutir à l'unité syndicale des travailleurs du pétrole et de les incorporer à l'UNT.
" à San Antonio de los Altos,Les "Altos Mirandinos" se trouvent dans l'État de Miranda, État limitrophe à l'est du district fédéral de Caracas. une grande partie de cette nouvelle avant-garde était présente. Les dirigeants syndicaux réunis à cette occasion montrent le développement d'un large courant de classe, révolutionnaire, au sein de l'UNT, qui est, sans aucun doute, la clef de la constitution d'une centrale ouvrière véritablement démocratique, indépendante, internationaliste et solidaire.


Un outil de lutte

" Ce courant est la garantie du caractère de classe de l'UNT ; c'est l'antidote contre les tendances bureaucratiques, conservatrices, corrompues, maquillées de bolivarisme qui survivent encore dans notre Centrale. C'est la base sociale sur laquelle se construit un véritable outil de lutte pour les travailleurs, qui doit jouer un rôle de premier plan dans l'approfondissement du processus révolutionnaire et l'accompagnement des luttes de l'ensemble du peuple et de tous les secteurs opprimés par cette société capitaliste qui prévaut encore. "


Pour le " bond en avant "

Nous reproduisons ci-dessous la déclaration de la rencontre de San Antonio de Los Altos.

" Réunis du 18 au 20 février 2005 à San Antonio de los Altos, nous, 400 dirigeants syndicaux venus de tout le pays et de tous les secteurs de production, avons discuté des conditions exceptionnelles dans lesquelles nous nous trouvons pour conquérir de meilleures conditions de vie. Nous sommes sortis de cette réunion renforcés dans notre conviction qu'il fallait approfondir cette révolution. Nous nous prononçons pour l'émancipation des travailleurs et pour un système social d'où soient bannies l'exploitation, l'oppression et la discrimination, pour la plus ample démocratie et l'égalité, pour un gouvernement des travailleurs, du peuple et de leurs organisations.

" Pour le peuple vénézuélien, il est clair que le vieux modèle capitaliste d'exploitation, de profits personnels, d'usure, de faim, de chômage et d'absence d'avenir pour des millions d'hommes et de femmes a démontré son incapacité à résoudre les graves problèmes de la société. Alors que le niveau de la productivité et les bénéfices des entreprises augmentent, nous, les travailleurs, voyons notre pouvoir d'achat baisser et des centaines de nos frères de classe rester au chômage.

" Les représentants de ce vieux modèle n'ont pas été complètement défaits. Aujourd'hui, ils se sont infiltrés au sein des forces qui soutiennent la révolution bolivarienne
[...] pour s'octroyer des pouvoirs politiques et économiques. Ils pratiquent la corruption, l'intolérance et l'immobilisme. Ainsi, dans certaines branches des institutions de l'État, ils s'opposent systématiquement aux revendications des syndicats de classe.[...]
" En plus du péril intérieur, le processus bolivarien est menacé d'une offensive de l'impérialisme, qui veut obtenir, à tout prix, la chute du président Chávez, et empêcher l'approfondissement de la révolution au Venezuela et son extension sur tout le continent. Les fonctionnaires du gouvernement US [...] cherchent des justifications à leur politique interventionniste de violation de notre souveraineté. Malgré ce, nous, travailleurs, avons l'inébranlable volonté de défendre, y compris avec notre propre vie, ce processus et l'approfondissement de la révolution.

l'UNT pour le " Bond en Avant "Expression employée par le président Hugo Chávez dans un de ses discours. de la révolution

" l'UNT est le plus important instrument construit par les travailleurs ces dernières années. Son renforcement peut nous permettre de dépasser le carrefour dans lequel se retrouve notre pays. Nous appelons tous les syndicats légitimement organisés à adhérer à l'UNT, qui représente les intérêts et les droits des travailleurs vénézuéliens. Aux quelques syndicats qui sont encore adhérents à la CTV, nous rappelons qu'elle a démontré largement son rôle de porte-voix de la FEDECAMARAS [l'équivalent du MEDEF, NdT] et ses liens avec l'impérialisme et les multinationales.
" Le processus d'affiliation à notre centrale comprend le développement d'une grande campagne de débats et de démocratisation. Nous nous orientons vers la réalisation d'un processus d'élections libres, universelles, directes et secrètes, pour donner à notre plus haute direction le socle d'une légitimité provenant de la base. l'affiliation des syndicats à notre centrale doit répondre à un degré de prise de conscience volontaire, non à une obligation ou à l'opportunisme.
[...]

La démocratie, pour l'UNT, est le droit des travailleurs syndiqués, et de ceux-là seuls, de discuter et de décider par eux-mêmes : personne ne doit décider à leur place. [...]

" Nous rejetons entièrement la proposition de certains que les élections soient organisées sur la base du registre de la sécurité sociale obligatoire. Il est en effet capital de poursuivre la campagne de large syndicalisation, et la nouvelle Coordination Nationale de l'UNT doit être élue à partir des listes des travailleurs affiliés aux syndicats de notre Organisation. "


Comité de rédaction de la revue OIR a los trabajadores : Armando Guerra, Miguel Hernández, Javier Arellano, Gonzalo Gómez, Stalín Pérez, Emilio Bastidas, Edwin Aguirre, José Boda, Orlando Chirino, Ismael Hernández, Ricardo Acevedo, Richard Gallardo, José Barreto, Américo Tabata, Nelson Gámez.
Modifié le samedi 25 juin 2005
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Nous reproduisons ici un article paru dans le numéro 663 de la revue Alternativa Socialista, sur les derniers développements au Venezuela.



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