Comment et pourquoi le lock-out patronal a été vaincu

VenezuelaLe 6 et le 7 septembre 2002, dans une réunion nationale plus de 1 500 dirigeants syndicaux ont pris une décision historique : occuper et contrôler les entreprises bases d'actions putschistes. Orientés sur cette politique, les travailleurs organisés syndicalement ont été les principaux protagonistes entre décembre et janvier de la désintégration du lock-out patronal, de l'expropriation de l'oligarchie sur le contrôle de la PDVSA, contribuant ainsi à la défaite de la "Coordination démocratique".Ayant partiellement récupéré de la défaite du 13 avril, le secteur de la bourgeoisie opposé au gouvernement Chavez et l'impérialisme ont essayé à nouveau de passer à l'offensive sous la forme d'un lock-out patronal qui a duré presque deux mois. Pendant tout ce temps le pays s'est trouvé au bord de la faillite économique plongeant les travailleurs, le peuple et le propre gouvernement Chavez dans une dure épreuve.

l'action patronale s'est concentrée dans le sabotage de l'industrie pétrolière, le boycott des industries de l'aluminium et du fer dans l'est du pays et dans la paralysie d'une bonne partie du commerce de la majorité des villes. La production de pétrole est tombée à 10% de la normale (3 millions de barils par jour) ; le manque d'approvisionnement en combustible a obligé les habitants à faire des kilomètres de queue aux stations service ; l'industrie sidérurgique concentrée dans l'état de Guyana, pour ne pas s'arrêter, a contingenté sa production pour éviter la paralysie par manque de gaz ; tandis que les fêtes de fin d'année passaient totalement inaperçues.

Deux mois intenses pendant lesquels les rues des principales villes du pays ont été le théâtre de puissantes manifestations pro ou anti-patronales. Il n'est pas exagéré de dire qu'environ un quart des 25 millions d'habitants que compte le pays, a participé de manière active aux différentes manifestations de rue qui se sont déroulées entre décembre et le mois de janvier de cette année.

Pourquoi Chavez n'est pas tombé ?

Il est difficile, pour ne pas dire impossible, pour un quelconque gouvernement d'Amérique latine ou du reste du monde, de résister à une action patronale d'une telle envergure comme celle qui vient d'avoir lieu au Venezuela. Pourtant le peuple et le gouvernement Chavez ont non seulement résisté à l'épreuve, mais l'opposition putchiste a été vaincue et désarticulée par la perte de contrôle de son plus important bastion : la PDVSA dont 13 000 fonctionnaires ont été licenciés, alors que ses principaux dirigeants fuient pour échapper aux mandats d'emprisonnement.

Il n'y a aucun doute. Tout fut possible grâce au rôle joué par la classe ouvrière, organisée syndicalement, qui s'est convertie en direction indiscutée du mouvement des masses, empêchant que le lock-out affecte les principales industries du pays et, qui plus est, aboutissant à récupérer l'administration d'une entreprise qui durant plus d'un siècle a été sous le féroce contrôle de l'oligarchie venezuelienne. Tel est le véritable secret du triomphe du peuple venezuelien, et l'explication de fond du pourquoi le gouvernement Chavez n'est pas tombé, dans ce nouvel épisode contre révolutionnaire.

Ce sont les ouvriers des principales raffineries, qui à travers l'occupation de leurs entreprises, ont posé les bases pour réorganiser la production. Ce sont les marches des ouvriers de l'état de Guayana jusqu'au complexe gazier d'Anaco, pour empêcher l'interruption de la livraison de gaz. Ce sont les travailleurs organisés syndicalement qui ont pris la décision de s'emparer des principaux centres de distribution, d'organiser la population ouvrière autour des usines pour empêcher toute attaque de bandes armées fascistes.

Jusqu'à maintenant, le gouvernement Chavez débordé a procédé à l'occupation des entreprises pour réorganiser la production, en s'appuyant sur les travailleurs et un corps spécialisé d'ingénieurs et de techniciens, qui ont permis à l'industrie pétrolière de revenir à 80% de sa production normale. l'initiative d'occupation et de contrôle des entreprises, bien qu'elle n'est pas été généralisée à l'ensemble du secteur productif et commercial, a montré aux patrons, jusqu'où le mouvement ouvrier est capable d'aller pour défendre ses conquêtes.

Et maintenant ?

En aucun cas, cette victoire ne peut-être considérée comme une défaite définitive de la bourgeoisie et de l'impérialisme. Ce qui a été défait c'est l'acharnement de la bourgeoisie à faire plier les masses et le gouvernement par la voie du boycott économique. Mais elle conserve quelques espoirs en ce que les conditions économiques dans lesquelles se retrouve le pays ainsi que la campagne électorale du mois d'août, date à laquelle a été avancé le référendum consultatif, puissent lui offrir une nouvelle opportunité de victoire et un nouveau tournant dans la situation politique nationale.

La bourgeoisie d'opposition, aux mains de l'impérialisme, cherche un point d'appui autour de la table du dialogue et continue d'exercer sa pression à travers le "Groupe des pays amis", dans lequel l'impérialisme nord-américain joue le rôle principal. Ils sont aidés en cela par la politique du gouvernement qui ne veut pas rompre avec la logique de négociation imposée par l'OEA.

Mais ce qui est le plus préoccupant dans cette nouvelle situation, c'est que le gouvernement ne fait aucun pas dans la voie de la rupture avec les grands consortiums nationaux, ni avec le FMI, qui sont les sponsors de toutes les tentatives de coups politiques, économiques, sociaux et militaires. Les mesures de contrôle des prix et des changes, bien que nécessaires, sont insuffisantes. l'unique possibilité de garantir un réel plan de contrôle des prix des articles de base du panier de la ménagère passe par la nationalisation des entreprises alimentaires, par la distribution des terres et le crédit à bas prix pour les paysans afin de ne pas avoir à recourrir à l'importation de 80% des produits agricoles consommés dans le pays ; tout ceci accompagné d'un véritable processus de contrôle fiscal par les travailleurs et les associations de consommateurs, sur les entreprises, sur les comptes et les dépôts des grands consortiums économiques tels le groupe Polar et le groupe Cisneros.

Il serait ingénu de penser qu'une mesure de contrôle bureaucratique des changes, peut effectivement empêcher la fuite des capitaux. La principale source pour la fuite des capitaux est représentée par le paiement de la dette extérieure que le pays a déjà payée très largement. Il faut suspendre immédiatement le paiement de la dette extérieure pour mettre en place un plan vigoureux d'investissement social et à travers un plébiscite ou un référendum consulter le peuple sur : "que faire avec la dette". Cette décision doit s'accompagner de la nationalisation du système bancaire, pour empêcher que les buveurs de sang de la BBV (Banque de Viscaye) et de la Banque de Santander, toutes les deux espagnoles, continuent d'accumuler des millions de bénéfices, tandis que le peuple se meurt de faim.

Telles sont les véritables mesures de fond qui doivent être prises de manière urgente dans le pays et que Chavez n'impulse pas. Il revient aux travailleurs, à leur initiative et de manière indépendante comme ils l'ont fait durant le lock-out patronal, d'en prendre la direction et de l'imposer. C'est seulement ainsi que de nouvelles souffrances pourront être évitées pour les travailleurs et le peuple.

Les acquis de cette victoire

Cette réussite du peuple venezuelien conforte la lutte des travailleurs et des peuples du monde. C'est un revers politique pour l'impérialisme en Amérique latine, dans une conjoncture marquée par les préparatifs de l'agression militaire des USA et de ses alliés contre l'Irak. Elle a déjà eu une répercussion positive en Bolivie où le 12 février le peuple s'est soulevé contre le gouvernement de Sanchez Lozada, le mettant en échec et le faisant reculer sur son plan d'austérité.

Mais le plus important dans cette victoire ouvrière et populaire, c'est qu'elle ouvre une nouvelle étape de la révolution venezuelienne. Cette nouvelle étape se caractérise par une situation propice pour que les travailleurs, le peuple et leurs organisations, se posent la nécessité de lutter pour l'occupation, pas seulement de la PDVSA, mais aussi pour le contrôle et l'administration de toute l'industrie pétrolière, des mines, de la terre, des entreprises et du système financier, ce qui sera possible seulement avec un gouvernement des travailleurs eux-mêmes, indépendant de toute tutelle de la bourgeoisie et de l'impérialisme.

l'autre aspect positif de la nouvelle étape que vit aujourd'hui le Vénézuela, c'est que face à la débâcle des partis politiques de la bourgeoisie et du MVR, parti du gouvernement Chavez, les travailleurs se retrouvent devant le défi et la possibilité de construire leurs propres outils pour la lutte pour leur propre pouvoir. l'initiative de construire une nouvelle centrale syndicale, qui regroupe l'ensemble de la population, incluant l'armée et la police, basée sur un programme d'indépendance de classe, internationaliste, démocratique, qui s'appuie sur la mobilisation permanente posant la stratégie de conquête du pouvoir, est un de ces instruments.

Mais l'autre leçon, certainement la plus importante, est la nécessité de se doter d'un instrument politique, un parti révolutionnaire des travailleurs, pour aider l'ensemble de la classe ouvrière et du peuple jusqu'à la conquête du pouvoir. Les innombrables efforts de milliers de militants pour construire de nouvelles organisations politiques révolutionnaires doivent se conjuguer et se coordonner comme viennent de le faire, aujourd'hui, diverses organisations politiques qui se sont regroupées pour former l'OIR (Opcion de Izquierda Revolucionaria) à laquelle participe Voz de los Trabajadores (Voix des Travailleurs, section de l'UIT - IVème Internationale).
Modifié le samedi 25 juin 2005
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