2005 : année cruciale
Venezuela - Union Nationale des TravailleursÀ peine moins de deux ans après sa création et face à la réalisation de son premier congrès et à l'élection de sa direction, l'Union Nationale des Travailleurs - UNT - représente, et de loin, la première organisation ouvrière du pays. Aujourd'hui a lieu une âpre bataille pour sa direction. La croissance de l'UNT est fulgurante : elle dépasse en quantité et en qualité la vieille CTV (Centrale des Travailleurs Vénézuéliens), ses sections sont présentes dans tous les États du pays [Le Venezuela est un État fédéral, NdT], et cela explique bien des convoitises.A la tête de toutes les négociations sur les contrats de travail dans le secteur public et le secteur privé, vivant des expériences de cogestion enrichissantes dans le secteur de production de l'électricité et dans celui du pétrole, à la tête des luttes pour l'expropriation et la nationalisation des entreprises fermées arbitrairement par leurs propriétaires, l'UNT est l'organisation ouvrière la plus importante et la plus prometteuse construite au feu du processus révolutionnaire vénézuelien.Deux années intenses ont passé pendant lesquelles les militants de la nouvelle centrale ont livré d'importants combats contre les patrons et la bureaucratie syndicale au plan national et international, pendant lesquelles l'UNT s'est organisée comme une centrale autonome prenant position par rapport aux différents événements de la vie politique du pays. Il n'y a aucune exagération à dire qu'il n'existe pas un seul travailleur au Venezuela qui ignore l'existence de cette nouvelle Centrale et qui ne fasse pas les efforts nécessaires pour y adhérer, commençant ainsi son processus de syndicalisation. Pour synthétiser, on peut dire que l'UNT, en tant que fille de la révolution contre la bureaucratie syndicale, condense les sympathies et les espoirs de millions de travailleurs vénézuéliens qui souhaitent construire une Centrale distincte dans sa politique et ses méthodes de la vieille Centrale des Travailleurs du Venezuela.
Qu'y a-t-il de nouveau ?
Jusqu'au référendum du 15 août 2004, ce qui a primé entre les courants qui font la vie de l'UNT, c'est l'unité d'action pour combattre l'impérialisme et l'opposition putschiste et consolider dans toutes les régions la Centrale naissante. Mais ce qui est, aujourd'hui, nouveau et qualitativement différent, c'est que les changements opérés dans la politique du gouvernement Chávez commencent à se refléter de manière dramatique au sein de la nouvelle centrale syndicale.
Depuis l'extraordinaire triomphe populaire du 15 août, l'orientation politique du gouvernement se définit clairement par sa volonté de donner la plus grande importance à la recherche d'accords avec les chefs d'entreprises et l'opposition, afin qu'ils s'intègrent ou soutiennent ses orientations. Ce changement dans le gouvernement se reflète, de manière automatique pouurait-on dire, avec une grande intensité et de différentes manière dans les structures de l'UNT.
D'un côté, il y a les secteurs provenant de la vieille bureaucratie syndicale, liée aux anciens partis Action Démocratique et Copei, enracinés dans quelques syndicats du secteur public, dirigés par Franklin Rondon (employé public), Machuca (Sidor - Sidérurgie de l'Orénoque) et Torrealba (syndicat du métro de Caracas). Ils sentent que c'est le moment d'essayer de prendre la direction de l'UNT pour jouer le rôle d'" intermédiaires et négociateurs " entre le gouvernement et les entrepreneurs, pour en tirer des bénéfices personnels et se consolider comme la nouvelle couche bureaucratique de droite de la centrale.
De l'autre côté, et dans le même temps, les dirigeants syndicaux les plus liés au gouvernement et qu'on pourrait qualifier de " germes " de la nouvelle bureaucratie cháviste à l'intérieur du mouvement syndical commencent également à jouer leur rôle à l'intérieur de l'UNT. Pour ce secteur minoritaire, la défense des intérêts des travailleurs est soumise aux nécessités et à la politique du gouvernement.
Ils qualifient d'ultra gauche le mot d'ordre de châtiment des responsables du putsch du 11 avril 2002 et du lockout pétrolier patronal, ou encore l'exigence faite au gouvernement Chávez d'exproprier et de nationaliser les entreprises fermées par les patrons. Ils s'opposent à la dénonciation des méthodes bureaucratiques et à la politique opportuniste de Machuca et Franklin Rondon ; ils veulent que les élections dans la Centrale aient lieu sous le contrôle des institutions de l'État et du gouvernement, ainsi que le propose le Conseil national électoral (CNE).
Pour aboutir à cet objectif, ils n'hésitent pas à lancer de fausses accusations et à tisser des liens d'unité avec la bureaucratie syndicale de droite, afin d'empêcher que les courants lutte de classes et révolutionnaires s'imposent comme le courant majoritaire à l'intérieur de la Force Bolivarienne des Travailleurs Structure politico-syndicale créée en 2000 dans laquelle se retrouvent des courants pro-Chávez et des militants lutte de classe et révolutionnaires. et de l'UNT.
Une bataille féroce pour la direction
Comme chacun peut le comprendre, l'UNT est aujourd'hui le théâtre d'une bataille féroce pour sa direction, dans laquelle combattent trois grands courants, deux de caractère bureaucratique et un troisième qui, malgré sa fragmentation et son manque d'organisation et de cohésion politique, est clairement majoritaire sur une orientation de syndicalisme indépendant, démocratique, autonome, de lutte de classes, solidaire et internationaliste.
Dans cette bataille décisive, le secteur lutte de classes et révolutionnaire se distingue comme le meilleur constructeur de la Centrale et de ses sections au niveau des États. Ce courant est le plus à même de faire aboutir l'unité syndicale dans le secteur pétrolier, de s'opposer à la politique de privatisations et d'exclusions développée aujourd'hui par l'administration de Cadafe (entreprise publique du secteur de l'électricité). Il est celui qui se mobilise de la manière la plus résolue et se solidarise avec les travailleurs de l'entreprise Vénépal, exigeant sa nationalisation, son contrôle et son administration par les travailleurs. C'est lui encore qui combat quotidiennement pour construire un nouveau syndicalisme libéré des vices et de l'arriération de la IVe République [celle qui existait avant l'accession de Chávez à la présidence, NdT] dans le secteur public, celui qui exige des augmentations de salaires en compensation de la baisse du pouvoir d'achat et qui s'oppose de manière absolue à ce que l'autonomie de la Centrale soit hypothéquée par le contrôle du CNE ou d'autres organismes gouvernementaux en ce qui concerne la préparation de son congrès et l'élection de sa direction.
à l'opposé, les secteurs bureaucratiques ne font rien, ou très peu, pour la consolidation de l'UNT, et c'est l'une des différences fondamentales. Ils vivent des faveurs gouvernementales et croient qu'il suffit de mettre une chemisette rouge et se faire prendre en photo avec Chávez pour être reconnu comme la direction de la Centrale.
Bataille pour la direction
Dès aujourd'hui, on peut prévoir que l'année 2005 sera une année cruciale pour la vie de l'UNT. Les prochains mois, pendant lesquels va se préparer et se tenir le Congrès National qui adoptera les statuts et mettra en place les modalités de l'élection de sa direction, vont être marqués par une intense bataille pour la direction de la Centrale.
Pour le moment, les secteurs bureaucratiques ont fait le vide et de cette façon ont empêché la réalisation du Congrès National et la Rencontre Syndicale Internationale convoqués en décembre 2004. Mais la dynamique de discussion qui s'est ouverte, dans l'ensemble des organisations syndicales qui se réclament aujourd'hui de l'UNT, sur la situation vécue dans la direction provisoire de la Centrale, est si riche qu'il va leur être difficile de réussir à reporter la réalisation du Congrès ou prétendre hypothéquer l'autonomie de la Centrale avec leur proposition de contrôle de l'élection par le CNE.
Les victoires politiques successives obtenues par le peuple et les travailleurs continuent d'être un grand encouragement pour des millions de travailleurs qui, de plus en plus, sont convaincus que les temps anciens sont révolus, que la bureaucratie ne peut pas faire vivre les structures syndicales et que le temps est venu pour le mouvement ouvrier et syndical organisé dans l'UNT de proposer ses propres solutions de gouvernement, sur le plan économique et celui de l'organisation de la société, nécessaires au Venezuela pour en finir une fois pour toutes avec le système d'exploitation capitaliste qui plonge dans la misère et le désespoir des millions de Vénézueliens.
Ricardo Acevedo et Emilio Bastidas Coordinateurs de l'UNT dans l'État d'Aragua et membres de la Coordination nationale d'OIR (Option de Gauche Révolutionnaire).
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