Guerre en Irak : carnage, partage et guerre économique mondiale

Europe - Etats-Unis : divergences et conflit d'intérêtsl'impérialisme US est parti en guerre dans une région qu'il lui faut mettre sous coupe réglée direct, dès lors que ses vassaux, Israël et les Etats arabes alliés, n'y suffisent plus. Cette préoccupation est particulièrement flagrante s'agissant de la question palestinienne. Dans le même temps, cette guerre est un avertissement aux impérialismes secondaires pour leur rappeler qui est le maître.

La maîtrise du pétrole, dans ce cadre, n'est qu'un objectif secondaire quoique bien réel. Il suffit de rappeler que, indirectement, par le biais de l'OPEP qu'ils dirigent (d'autant que le prix du baril brut se fixe à Wall street) et par l'entremise de l'opération de racket " pétrole contre nourriture ", les Etats-Unis contrôlaient déjà les ressources irakiennes. Par ailleurs, le baril de pétrole se paye en dollars, ce qui marque la suprématie US à l'échelle mondiale sur cette matière première. C'est bien là un des drames des bourgeoisies française et allemande.

Economie de guerre

Les Etats-Unis consacreront en 2004 399,8 milliards de dollars pour leur " défense ", soit une considérable hausse de 5,3% par rapport à 2002. Il faut y ajouter les dépenses des opérations en Afghanistan et dans le Golfe pour lesquelles Bush vient de demander une rallonge de 99 milliards. Ces crédits échoient à quelques grands groupes : Lockeed Martin, Boeing, Raytheon, General Dynamics, Northrop Grumman, qui reçoivent la moitié des commandes du Pentagone. Entre le 11 septembre 2001 et la fin août 2002, l'indice des 500 plus grandes valeurs de Wall Street a perdu 20% tandis que les valeurs de ces grands groupes de la défense ont gagné près de 10%. Les impérialismes européens sont contraints de subir et la France va aligner ses dépenses militaires sur celles de l'Angleterre, soit +35% par habitant ou +73,5% par militaire !

Le déficit budgétaire US pour 2003 est de 375 milliards de dollars. Il pourrait, selon la banque US Goldman Sachs, s'élever à 425 milliards l'an prochain. Le déficit extérieur a dépassé les 500 milliards de dollars l'an dernier, faisant des Etats-Unis le pays le plus endetté du monde.

Michael Moore, le scénariste qui vient de recevoir un oscar pour son film Bowling for Columbine, montre dans une lettre ouverte à George Bush les conséquences de la politique de guerre pour la classe ouvrière américaine : le budget fédéral a réduit de 86% le programme d'aide médicale aux indigents, de 39 millions de dollars le budget des bibliothèques fédérales, de 35 millions la formation en pédiatrie, de 60 millions le budget du logement social d'aide à l'enfance, de 200 millions le budget des crèches pour les ménages salariés, de 700 millions le budget de réhabilitation des logements sociaux...

La guerre a un coût... nécessaire aux capitalistes

Ceci éclaire les manifestations de masse qui ont parcouru dès avant le début de la guerre les principales villes des Etats-Unis, de New-York à San Francisco, les résolutions votées par les ouvriers des ports de la côte Ouest en grève pour leurs revendications contre la guerre, la constitution à l'initiative du syndicat des teamsters de Chicago (le deuxième du pays) du mouvement USLAW qui regroupe des centaines de sections syndicales et a récolté 4 millions de signatures sur son appel contre la guerre. Les économistes " bourgeois " notent que la guerre a un coût exorbitant, environ 200 milliards de dollars. Ils en concluent que ce coût risque d'aggraver les déséquilibres de l'économie US.

Or c'est l'inverse qui est vrai : ce coût est un besoin, une nécessité absolue pour la survie du système ! Le spectre de la récession plane déjà sur l'économie mondiale depuis plusieurs années. l'économie US est encore plus vulnérable qu'en 1991 lorsque les marchés mondiaux étaient déjà saturés et que les marchandises de " l'économie réelle " ne trouvent plus d'acheteurs. l'économie US est encore sous le choc de l'éclatement, il y a trois ans, de la bulle spéculative et de trois trimestres consécutifs de récession (officielle) en 2001.

Le spectre de la récession

l'investissement n'est pas reparti et les " consommateurs " qui tiennent, comme disent ces économistes, l'économie US à bout de bras, donnent des signes croissants d'essoufflement. La réserve fédérale a abaissé le loyer de l'argent à son plus bas niveau depuis quarante-deux ans. Cela a tout juste permis aux ménages de supporter plus facilement un endettement record, mais l'activité industrielle ne redémarre pas pour autant. La croissance est retombée à 1% en rythme annuel au dernier trimestre 2002 et le chômage a atteint en novembre 6% de la population active, au plus haut niveau depuis huit ans. On comprend mieux pourquoi les soldats US en Irak ont une moyenne d'âge de 21 ans et que c'est d'une armée professionnelle dont il s'agit.

La guerre en Irak a certes un coût, mais celui-ci n'est pas un handicap pour l'économie capitaliste, il est devenu un besoin.

l'essentiel de l'industrie tourne désormais directement ou indirectement pour l'économie de guerre : aviation, tanks, camions, armes, fourniture de l'armée en équipement, habillement, alimentation, industrie chimique, arsenal " guerre des étoiles ", équipement informatique etc. Sans oublier les 600 000 hommes entretenus par l'armée auxquels s'ajoutent les millions de salariés qui dépendent directement ou indirectement de la Défense, donc aujourd'hui de la guerre.

Bush rackette le monde

La guerre permet également aux Etats-Unis de pomper la plus grande partie de " l'épargne " mondiale. Actuellement, les USA empruntent plus de 2 milliards de dollars par jour sur le marché des capitaux. A titre de comparaison, le total des prêts contractés l'an dernier par l'ensemble des pays du tiers-monde n'a pas dépassé 180 milliards par an, ce qui représente environ quatre fois moins.

Comment les USA rembourseront-ils ? Grâce à la puissance du dollar et à la technique de baisse des taux d'intérêt (loyer de l'argent) qui se traduira par une baisse accrue du dollar par rapport à l'euro. Cette baisse permettra accessoirement aux USA de réduire leur déficit commercial - " mon dollar baisse, ma dette globale par conséquent aussi " - et d'offrir par la même occasion des exportations plus compétitives. " Mais du coup, la compétitivité de l'Europe et du Japon se trouverait affectée. Je n'exclus donc pas que cette guerre puisse, à terme, déboucher sur une récession mondiale. " (Henri Bourguinat, chercheur en économie, professeur d'université.) Autrement dit, l'impérialisme va chercher à accentuer ses attaques contre la classe ouvrière et les peuples opprimés pour reporter sur eux les conséquences de sa crise. Mais là encore intervient la lutte des classes et, à la lumière des événements actuels, celle-ci n'a pas dit son dernier mot, bien au contraire.

Pour ceux qui douteraient encore de la situation révolutionnaire à l'échelle mondiale, ce qui se joue sous nos yeux est un nouveau camouflet.

l'Europe n'est pas épargnée par le tremblement de terre et en premier lieu, les gouvernements qui se sont vendus sans vergogne à l'Administration Bush : Blair et Aznar.

Blair et Aznar isolés

Les jours de Blair sont désormais comptés. Il paye d'une crise politique profonde, et d'abord de son propre parti, le Labour, son engagement aux côtés de l'impérialisme US. Il n'est que de voir la démission de Robin Cook, ministre des Relations avec le Parlement. Blair ne doit sa majorité pro-guerre au Parlement qu'aux voix des conservateurs et il est minoritaire dans le pays. Le début d'enlisement sur le terrain, la plupart des morts britanniques dus à des tirs " amis " (!) ne sont pas de nature à arranger ses problèmes.

Blair était chargé dans cette " coalition " de présenter la guerre comme " humanitaire " et libératrice. Face aux faits, cette présentation s'effondre. Tous les efforts, toutes les falsifications pour trouver un quelconque soulèvement de la population du sud de l'Irak en faveur de l'envahisseur ont fait long feu. Blair s'est vendu pour un plat de lentilles.
Pour Aznar, la situation est encore plus difficile, si c'est possible. Depuis le début de la guerre, sans discontinuer, des manifestations d'une ampleur sans précédent depuis la chute du franquisme se déroulent dans tout l'Etat espagnol : 250 000 à Madrid, 750 000 à Barcelone, 100 000 à Valence, 100 000 à Bilbao etc. indiquent à quel point la classe ouvrière et les peuples de l'Etat espagnol sont face au régime d'Aznar.

La moindre ville, le moindre village, la quasi-totalité de la presse (sauf l'ABC, journal ouvertement néo-franquiste), les médias, les commerçants - jusqu'à la Chambre syndicale des patrons de bar à Madrid qui placardait les affiches contre la guerre - la classe ouvrière, tout le monde s'insurge ouvertement contre la guerre, avec un mot d'ordre " supplémentaire " massivement repris : " Aznar, démission ! "

La crise politique est flagrante. Il n'est pas aujourd'hui jusqu'au rôle du Roi qui ne soit remis en question !

Chirac veut sa part du gâteau

La bourgeoisie européenne a parfaitement compris que le pétrole est loin d'être la seule raison de la guerre en Irak. Elle sait que les USA veulent, par ce biais, renforcer leur hégémonie et, si possible, s'installer durablement dans cette région pour, progressivement, resserrer leur étau sur l'Europe même. Ce qui explique les " divergences " que la France et l'Allemagne opposent aux Etats-Unis et, pour les premiers, leurs appels incessants à l'ONU.

Et c'est ainsi que Chirac a réussi le tour de force de passer pour le leader du " camp de la paix". Rappelons à ce sujetquelques évidences.

Chirac n'est pas contre la guerre en Irak, il est pour la guerre avec l'ONU et il a aidé au désarmement de l'Irak avec sa stratégie des inspections. Il est pour une " guerre courte ", c'est-à-dire pour écraser le peuple irakien le plus vite possible afin que le tremblement de terre mondial déclenché par l'offensive s'arrête aussi le plus vite possible. Il défend, d'ores et déjà, la participation de la France à la " reconstruction " de l'Irak, c'est-à-dire les intérêts de la bourgeoisie française dans le dépeçage de l'Irak et le partage du gâteau. Il n'est pas neutre. Avant le déclenchement de la guerre, il avait affirmé à la télévision US que l'espace aérien français serait ouvert aux avions américains et britanniques. De Villepin a confirmé qu'il y a " des usages entre amis et alliés (...). Aucun membre de l'OTAN, quelle que soit sa position par rapport à la guerre, n'a remis en cause cet usage. " C'est ainsi que, depuis les premiers jours, les bombardiers survolent la France en direction de Bagdad et de l'Irak pour lâcher leurs bombes meurtrières.

Europe : l'explosion révolutionnaire qui vient

La France, comme l'Allemagne, sont entrées en récession économique selon l'aveu même des économistes officiels et la guerre accentue la crise économique. Le gouvernement de " gauche " en Allemagne, comme le gouvernement de droite en France, entendent faire payer aux salariés, à toutes les couches de la population laborieuse, le fardeau de leur crise.

En France, le gouvernement Chirac-Raffarin profite de la guerre pour accentuer ses attaques contre les masses : réforme des retraites, licenciements par milliers (pour le seul mois de février le chômage a augmenté de 0,8%), décentralisation dans l'enseignement, la culture, l'équipement, privatisation d'Air France.

La riposte ne s'est pas fait attendre. Le succès incontestable de la grève et des manifestations du 3 avril dernier le prouvent.

Les contradictions Europe-USA sont là, qui déterminent le cours de la période prochaine avec en toile de fond la terreur des bourgeoisies européennes face à la montée des masses et une situation qui confine à l'explosion révolutionnaire, comme nous le montre l'Etat espagnol aujourd'hui.
Modifié le vendredi 24 juin 2005
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