Pactes et alliances contre la classe ouvrière

La suspension des discussions de Podemos avec le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) suite au pacte conclut avec le parti de droite Ciudadanos (C's) accentue la crise de la monarchie acculée à convoquer de nouvelles élections si le blocage institutionnel persiste. Une situation inédite depuis 1977.

Pactes et alliances contre la classe ouvrière

L'alliance, que le PSOE a scellée avec C's, s'oriente vers une nouvelle transition, celle qui a débuté en 1978 - Pacte de la Moncloa entre franquistes, PSOE et Parti communiste d'Espagne (PCE). Ce pacte PSOE- C's prétend sauver la monarchie affectée par la corruption qui la gangrène. Les points essentiels de ce programme revalident la Constitution puisque les rares promesses de réformes annoncées ont disparu au cours des négociations pour faciliter l'entente avec le Parti populaire (PP) de Mariano Rajoy, qui gouverne le pays, en fonction depuis deux mois et demi. Ont donc disparu, la réforme de la loi sur la sécurité nationale à laquelle le PSOE voulait déroger, ainsi que celle sur la privatisation de la Sécurité sociale ou encore la réforme du travail instituant un contrat unique.

Divisions au sein de l'appareil du PSOE

L'accord avec C's a ravivé les tensions dans les rangs du PSOE, en particulier à cause de la mention sur la suppression des députations (conseils généraux) des organes de pouvoir que les barons du PSOE comme Susana Díaz, présidente de l'autonomie andalouse, la plus nombreuse en poids militant, et les présidents de presque toutes les autres régions, considèrent vitaux pour leurs intérêts. Le PSOE contrôle, en effet, 18 députations provinciales actuellement.

Par ailleurs, le Parti des socialistes de Catalogne (PSC), le deuxième en nombre de militants, se prépare à faire campagne pour un référendum en Catalogne si le candidat du PSOE, Pedro Sánchez, n'est pas investi, ce qui mènerait, sans doute, à l'explosion du PSOE. Les difficultés de M. Sánchez à faire passer ses alliances avec Podemos d'abord, puis avec C's, ont précipité la crise du parti et l'ont contraint à convoquer un référendum interne qui a, en définitive, contribué à mettre en évidence sa division : la moitie seulement des militants se sont rendus aux urnes ou ont voté sur internet, 31% en Catalogne. Près de 10.000 ont quitté le parti, rapporte le journal El País.

Podemos à la manœuvre

Podemos qui essaye de prendre la relève d'un PSOE défaillant, aux méthodes dignes d'un opportunisme éculé, ne fait que désorienter davantage un électorat volatil, qui a voté pour lui par dépit, par rapport au PSOE et à Izquierda Unida (IU). Les directions de Podemos au Pays Basque, en Catalogne et en Galice ont été dissoutes et remplacées par des administrateurs, dès le début de la campagne électorale du 20 décembre. Elles avaient exprimé des divergences politiques, particulièrement sur le droit à l'autodétermination et le programme social.

Ces méthodes staliniennes de l'appareil de Podemos qui se revendique de « la défense du peuple contre la caste » ne peuvent, à terme, que conduire cette coalition hétérogène à l'éclatement.

Unité nationale autour de la monarchie

Pour l'instant, Podemos, le parti de Pablo Iglesias, n'a fait que suspendre les négociations menées conjointement avec IU et se propose de les reprendre si M. Sánchez n'est pas investi. Le maire de Madrid, Manuela Carmena, ancienne militante du PCE de Santiago Carrillo (secrétaire général du PCE et artisan de l'actuelle Constitution monarchique) et juge à la retraite, vient de déclarer son soutien à l'investiture de M. Sánchez. Cette figure de la coalition Podemos, qui gouverne avec l'appui du PSOE, ouvre bien la voie à une prochaine union nationale pour le sauvetage de la monarchie.

L'équipe de négociateurs avec le PSOE est d'ailleurs composée, entre autre, par un général et deux magistrats, pour mieux étayer sans doute la capacité virtuelle de Podemos à reprendre en main les institutions issues du franquisme, donnant ainsi des gages de fidélité à la couronne espagnole. M. Iglesias a-t-il l'intention d’être l’émule du PCE qui a repris en main l'appareil répressif de la République espagnole dirigée par l'ombre de la bourgeoisie1 ? L'équipe négociatrice propose le plus grand consensus pour débloquer le conflit entre la Generalitat catalane2 et le gouvernement central de Madrid. Pour cela et ne pas heurter celui-ci, Podemos prévoit une « consultation non contraignante » (article 92 de la Constitution). Podemos insiste justement sur sa « coïncidence » avec la feuille de route du PSOE et envisage des solutions alternatives à l'autodétermination de la Catalogne:« nous devons tous céder » avertit M. Iglesias dans un élan de patriotisme espagnol, ajoutant « ce qui est fondamental c'est que le gouvernement soit pluriel ». Au même moment, PSOE et C's consignaient leur alliance avec ce même désir de pluralité et surtout d'unité nationale.

Tout cela alors que l'autre figure de Podemos, le maire de Barcelone Ada Colau (En Comú Podem) se prononçait contre les travailleurs des transports publics de la capitale catalane, en grève contre les conditions de travail précaires, montrant ainsi le véritable programme de Podemos, celui de l'allégeance au capital et à son représentant espagnol : la monarchie de Felipe VI.

Domingo Blaya,
le 4 mars 2016

1 Leon Trotsky appelait ainsi le gouvernement républicain espagnol .

2 Organisation politique de la communauté autonome de Catalogne.

Modifié le jeudi 10 mars 2016
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