Crise ouverte de la monarchie
La crise de la monarchie franchit une nouvelle étape. Quatre mois de tractations des partis loyaux à la couronne n'ont pas suffi à la formation d'un gouvernement, forçant ainsi le roi à décréter la dissolution du parlement croupion espagnol et la tenue de nouvelles élections le 26 juin prochain qui, compte tenu de tous les sondages, ne parviendront pas, non plus, à faire sortir le régime de l'impasse.
Comme le signale le journal El País : « aucun des problèmes existants n'a disparu, bien au contraire, ils se sont aggravés avec le temps. La convalescence économique, la crise institutionnelle, la marginalisation de certaines couches sociales, la précarité du travail [...] Tout cela continue en suspens ».
Les partis frappés de plein fouet
Ce blocage institutionnel n'a fait que détériorer encore plus la situation de tous les partis concernés - Partido Popular (PP), Partido Socialista Obrero Español (PSOE), Izquierda Unida - Unidad Popular (IU-UP), Podemos, crédités de scores en baisse dans les sondages -. Tout porte à croire que le 27 juin aucun des partis en lice n'aura la force, à lui seul, de former un gouvernement et à faire face à la catastrophique situation sociale : la dernière enquête de la population active montre que 1,6 million de foyers ont tous leurs membres au chômage - 6 millions de personnes -, ce taux est remonté à 21%. Sur les dix régions européennes qui comptent le plus de chômeurs, six sont espagnoles, les quatre restantes grecques. De cette situation sont comptables tous les gouvernements de la monarchie qui ont légiféré pour que le capital restaure son taux de profit. Ces partis, le PSOE et le PP, payent aujourd'hui le prix de leur collaboration à cette entreprise de destruction massive des forces productives commencée il y a quatre décennies et leurs résultats électoraux n'en sont qu'un pâle reflet. La couronne gangrenée par la corruption, à nouveau, par l'affaire des paradis fiscaux, ne survit que grâce à leur soutien et ne peut donc que constater les dégâts, n'ayant d'autre issue que de les utiliser le plus longtemps possible, espérant que de nouveaux outsiders réussissent à les remplacer avant leur effondrement. C'est ce rôle que jouent aujourd'hui à droite Ciudadanos (C's) 1 et à gauche Podemos et ses alliés catalans, valenciens ou galiciens.
Où va Podemos ?
La compétition est donc engagée entre les anciennes formations que représentent le PP et le PSOE flanqué de l’IU-UP qui avaient participé à la survie du régime héritier du franquisme et ces nouvelles formations - C's et Podemos - elles-mêmes issues de leurs crises successives, ces dernières ayant comme objectif de succéder aux premières. Pablo Iglesias, le dirigeant de Podemos, est le candidat le plus à même de réussir cette opération pour l'instant. Il le déclare ouvertement: « le Partit Socialista Unificat de Catalunya (PSUC) 2 est le parti historique catalan que j'admire le plus. Si je pouvais voyager dans le temps je serais sûrement au PSUC ». Ada Colau, la maire de Barcelone et dirigeante de En Comú Podem 3 , ne dit pas autre chose lorsqu’elle déclare sa volonté de construire un parti de gauche en Catalogne, une confluence qui rappelle la naissance du PSUC.
Podemos : accords avec le PSOE et C's
Le 4 mars M. Iglesias a proposé au PSOE que leurs respectifs associés du Partit dels Socialistes de Catalunya (PSC) et En Comú Podemélaborent ensemble une proposition pour résoudre la question catalane, basée sur l'approfondissement d'un gouvernement autonome au moyen d'une réforme constitutionnelle, indispensable pour la tenue d'un référendum comme le propose Podemos. Une initiative à laquelle C's, la formation de droite, ne s'oppose pas puisqu'elle a déclaré: « les trois partis partage[nt] un même but: résoudre la crise catalane et soutenir la réforme constitutionnelle. C'est le dénominateur commun ». Dans l'attente des résultats le régime devra donc patienter, espérant, comme le dit l'éditorial d’El País déjà cité: « la décision des électeurs et d'une administration plus intelligente des résultats électoraux. Dans le cas contraire le problème de la gouvernance se posera de nouveau avec toute son âpreté ».
Domingo Blaya,
4 mai 2016
1. Partido de la Ciudadania – parti de la citoyenneté.
2. Le PSUC est né en juillet 1936 de la fusion des staliniens du Parti communiste catalan avec la fédération catalane du PSOE. En mai 1937, ce parti participa à la répression des journées révolutionnaires de mai 1937 en Catalogne.
3. La coalition En Comù Podem (en français, En commun nous pouvons) est composée de Podemos , d'Initiative pour la Catalogne Verts (ICV), de la Gauche unie et alternative (EUiA), d'EQUO et de la plateforme citoyenne Barcelone en commun.
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