La révolte paysanne s'amplifie

ArgentineLe gouvernement de Cristina Kirchner, pour payer la dette auprès du Fonds Monétaire International, dirigé aujourd'hui par le socialiste Dominique Strauss-Kahn, a décidé d'augmenter les taxes à l'exportation sur les produits agricoles, taxes que doivent payer de manière indifférenciée les petits paysans comme les gros propriétaires terriens. Cette mesure inique, qui étrangle les petits paysans est à la base d'une révolte paysanne qui enflamme le pays depuis plusieurs semaines. Rappelons que la production agricole de l'Argentine peut nourrir 400 millions de personnes, mais que l'immense majorité des 34 millions d'Argentins ne mange plus à sa faim.Le 25 mai, le gouvernement argentin a subi une cuisante défaite en opposant son propre rassemblement à Salta en concurrence à celui de Rosario, à l'appel des organisations paysannes. Les petits et moyens producteurs n'arrêtent pas de faire des démonstrations de force qui soulignent la faiblesse du gouvernement. Près de 300 000 personnes ont submergé, à Rosario, les alentours du Monument au drapeau qui commémore le jour de l'indépendance de l'Argentine, le 25 mai 1808. Des dizaines de milliers de petits et moyens producteurs, un vaste éventail d'organisations politiques et de personnalités indépendantes sont venues de tout le pays, de dizaines de villes et de villages pour exprimer leur soutien aux paysans et leur opposition au gouvernement de Cristina Kirchner. De Angeli, le premier orateur, reçut un tonnerre d'applaudissements quand il s'exclama : " S'il n'y a pas de solution nous retournons à l'action ". Le discours de Buzzi, Président de la Fédération agraire argentine, dernier orateur de ce rassemblement, fut une dénonciation du modèle économique principal responsable des maux dont souffre la population argentine. Son attaque contre le couple présidentiel : " Les Kirchner sont l'obstacle pour la croissance du pays " fut ovationnée. Les deux orateurs n'ont fait qu'exprimer les positions les plus radicales entendues dans toutes les assemblées réunies à travers tout le pays. Ce n'est pas par hasard que le gouvernement les a pris comme cible de ses provocations. Ce rassemblement est un des plus grands dont on se souvienne dans les dernières décades dans la vie politique de l'Argentine. Ce fut une démonstration indiscutable de ce que reflètent les sondages d'opinion et que l'on entend dans les rues : un soutien énorme de la population à la paysannerie accompagné de slogans anti-gouvernementaux. Dans la " compétition " ouverte entre les deux rassemblements, le gouvernement sort vaincu sans contestation possible avec 20 000 personnes à Salta face aux 300 000 de Rosario. Un rassemblement typique du Parti justicialiste (le parti péroniste), 20 000 personnes amenées par la machine bureaucratique de l'appareil des gouverneurs et des maires, des hommes de main progouvernementaux de D'Elia, des bureaucrates de la CGT, presque aucun participant venu volontairement et librement.

Répression

Au lendemain du rassemblement de Rosario, Cristina Kirchner et son gouvernement ont rompu le dialogue. Deux jours plus tard, sans consulter ni les paysans ni personne, le ministre Fernandez a annoncé de nouvelles mesures. Résultat : une flambée de colère et aucune solution, seulement quelques promesses qui ne verront jamais le jour comme celle d'une baisse des taxes à l'exportation si dans l'avenir les prix grimpent. Pour faire bonne mesure, gendarmerie et préfecture jettent en prison de nombreux dirigeants paysans et la justice en rend responsables les dirigeants politiques qui sont venus exprimer leur soutien aux barrages routiers. Le gouvernement qui cherche désespérément à en finir avec ce conflit a produit l'effet inverse. Face à la répression les paysans ont répondu par une multiplication des barrages routiers et plus de 20 000 personnes rassemblées à Armstrong. Ce jour là, le comité de liaison des collectivités agraires n'a pu faire la sourde oreille aux sentiments des assemblées de base et a du annoncer la poursuite de la grève jusqu'au dimanche 8 juin, tandis que se prépare un nouveau rassemblement de masse pour le 20 juin. Dans le même temps, la popularité de Cristina Kirchner est tombée à moins de 25% et la population s'oppose à sa politique pour régler la crise.

Vers l'affrontement

Les Kirchner ont permis et impulsé la concentration des terres entre les mains des grands propriétaires terriens et des multinationales de l'agro-alimentaire par l'octroi de subventions et d'aides en tout genre. Le couple présidentiel, présenté comme de " gauche " dans les médias internationaux, pratique une politique de droite. Leur situation est de plus en plus critique et ils vont s'efforcer d'en sortir. Les dizaines de milliers de petits et moyens paysans défendent, quant à eux leur droit de vivre et de travailler sur leurs terres. Deux destins qui s'opposent.

Modifié le mardi 10 juin 2008
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