Kirchner en équilibre instable

ArgentineEn ces vingt premiers jours de 2004, le président Kirchner s'est réuni avec les chefs de gouvernements des Etats-Unis et d'Espagne. En ces deux occasions, il a fait des déclarations publiques essayant de démontrer son indépendance par rapport à eux. Mais chaque fois ces déclarations ont masqué les nouveaux accords de soumission dans lesquels s'est engagé le président de l'Argentine. Pendant ce temps, les problèmes urgents de la population argentine restent sans solution.Une manifestation de milliers de victimes d'inondations catastrophiques s'est terminé par l'assaut du siège du gouvernement de la province, mis à sac et en partie détruit, et la demande de démission du nouveau gouverneur élu depuis un mois à peine.La photo qui a parcouru le monde montre un souper détendu entre le président argentin, Kirchner, son épouse, la sénatrice Cristina Fernandez, et la famille Aznar. Cependant dans ce qui apparaissait comme une conversation cordiale on a pu entendre Aznaz s'exclamer : "On ne peut demander notre aide pour ensuite devant la presse se répandre en déclarations critiques", une claire allusion aux critiques émises par Kirchner contre les entreprises privatisées et les banques, dont nombre d'entre elles reposent sur d'importants capitaux espagnols, et surtout contre les courts-circuits médiatiques aux mains des fonctionnaires du FMI et du propre gouvernement des Etats-Unis. Pour se justifier le mandataire argentin a répondu : "Je suis populaire dans mon pays, mais je n'ai aucun pouvoir". Ce à quoi Aznar lui a répliqué : "Si tu ne profites pas de cette année tout va te devenir encore plus difficile", c'est ainsi que le journal de Buenos Aires Ambito Financiero (Milieu financier) a rendu compte de cette rencontre en couverture de son numéro du vendredi 29 janvier. Quelque chose de semblable était arrivé quelques jours avant dans l'entrevue de K. - c'est ainsi qu'on le nomme de manière populaire en Argentine - avec Bush au sommet inter américains qui s'est tenu dans la ville de Monterrey au Mexique. De Buenos Aires, Kirchner avait pronostiqué une fin par KO dans sa prétendue dispute avec les fonctionnaires nord-américains. En fin de compte, le match s'est terminé par un engagement clair à payer la dette privée et à satisfaire les exigences des multinationales.

Dette, tarifs, subventions et mensonges

La confession faite par Kirchner à Aznar sur son manque "de pouvoir" ne lui empêche pas de faire tous les efforts possibles pour suivre les préceptes dictés par les gouvernements impérialistes, les organismes financiers internationaux et les grands groupes économiques nord-américains et européens. C'est ainsi que l'énorme excédent budgétaire, obtenu grâce à la dévaluation et au prix du soja dans une conjoncture extrêmement favorable, est et sera utilisé fondamentalement pour combler les exigences de l'impérialisme. Payer les accords passés avec le FMI, la Banque Mondiale et la BID, subventionner des banques étrangères, comme la banque de Biscaye, qui ont organisé la fugue de milliards de dollars du pays, s'engager à une augmentation des tarifs des entreprises des services publics, même de manière graduelle et garantissant partiellement les bénéfices des entreprises, tels sont les résultats de ces rencontres. Et l'on peut deviner sans aucun doute les sourires des chefs d'entreprises qui se réunissent avec Kirchner. Au même moment il persiste dans un discours que les médias argentins amplifient en le qualifiant de gauche et il prend quelques mesures illusionistes par rapport à des revendications issues du soulèvement des 19/20 décembre 2001 (l'Argentinazo) ou même de bien avant. Tout ceci pour maintenir un semblant d'équilibre entre les exigences de ses véritables mandataires et celles du peuple qui réclame chaque jour la solution aux graves problèmes du chômage, de la faim, des bas salaires et de beaucoup d'autres. "Les mensonges" médiatiques de Kirchner sont nécessaires à l'accomplissement de sa véritable politique : l'exécution des engagements contractés avec ses mandataires internationaux.

Le temps se raccourcit

Le président argentin fait de l'équilibre entre les revendications populaires et les exigences de l'impérialisme. C'est un équilibre instable qui se rompra quand il va falloir agir fermement dans le sens que lui ont indiqué pendant ces vingt jours Bush et Aznar : Aller plus vite dans l'accomplissement des accords conclus et mettre en relation son discours et ses actes.

Alors nous verrons à nouveau en Argentine des affrontements d'une ampleur similaire à ceux de 2001.
Au moment même où Kirchner se réunissait avec Aznar pour lui dire qu'il n'y avait rien au monde pour lui de plus important que de s'acquitter de ses obligations envers les grands chefs d'entreprises, dans la ville de Santa Fe, des milliers de manifestants s'affrontent avec la police à coup de pierres, projettent à terre les grilles de protection et font irruption au siège du gouvernement de la province, exigeant la démission du gouverneur Obeid, membre du Parti Justicialiste, le parti du président, élu il y a trois mois et en charge depuis seulement quatre semaines. Au même moment, dans les rues et sur les routes de tous le pays le puissant mouvement des piqueteros combatifs continue de réclamer des solutions de fonds pour les plus de 5 millions d'argentins sans emploi ou qui ne travaillent que quelques heures par mois, les travailleurs exigent des augmentations de salaire et le maintien de leurs emplois.

Les travailleurs, les militants ne sont pas effrayés par les persécutions judiciaires dont ils sont victimes comme c'est le cas pour Ruben "Pollo" Sobrero, dirigeant syndical cheminot, ni par les attentats à la bombe qui ont fait 27 blessés parmi les rangs du Mouvement des Sans Travail - Teresa Vive pendant la manifestation de commémoration de l'Argentinazodu 20 décembre dernier. Le temps pour Kirchner l'équilibriste se raccourcit car la faim, le chômage, les bas salaires et la misère ne se résolvent pas par des discours.
Modifié le mercredi 22 juin 2005
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