Des nouveaux dirigeants se lèvent

Buenos Aires | Rencontre latino-américaine d'organisations et militants Les vendredi 17 et samedi 18 septembre a eu lieu à Buenos Aires une rencontre d'organisations et de personnalités de la gauche latino-américaine. Elle a débuté par un meeting convoqué le vendredi dans la salle de la "Federación de Box" et s'est poursuivie le lendemain par un débat entre 150 dirigeants des organisations qui avaient pris l'initiative de la convocation, délégués et invités, dans l'imprimerie Chilavert récupérée par les travailleurs en 2002 et qui fonctionne aujourd'hui comme coopérative.Cette rencontre a été organisée par le MST (Mouvement Socialiste des Travailleurs), le MPL (Mouvement pour un Peuple Libre), le MAP (Mouvement Autonomie Populaire), l'association "Cimientos", la LSR (Ligue Socialiste Révolutionnaire) et le Parti Communiste. Les 2500 participants au meeting ont écouté avec attention et beaucoup d'enthousiasme les députés Luciana Genro, Babá et le responsable syndical Aguinaldo Fernandez représentant le P-SOL (Parti Socialisme et Liberté) du Brésil; Emilio Bastidas de l'Union Nationale des Travailleurs--cette nouvelle confédération qui compte aujourd'hui 1,5 millions d'adhérents--et Miguel Angel Hernandez de OIR (Option de Gauche Révolutionnaire) du Venezuela. La rencontre du lendemain, où furent discutés la nature et les perspectives des gouvernements de Lula et Chávez, la place et le rôle respectifs des nouvelles organisations syndicales et populaires, le programme et la construction du parti révolutionnaire en relation avec les tâches du moment, s'est conclue par un accord en trois points: organisation du soutien à la rencontre ouvrière internationale convoquée par l'UNT au début du mois de décembre à Caracas; organisation en commun d'une rencontre pendant le Forum social mondial de Porto Alegre au mois de janvier; publication sous la forme d'une revue des interventions de tous les orateurs.

Nous publions ici des extraits des interventions des militants brésiliens et vénézuéliens au meeting.

"Un saut qualitatif"

Je voudrais commencer mon intervention en parlant d'Orlando Chirino, qui n'a pu être présent aujourd'hui parmi nous. Le camarade Chirino, en raison du combat syndical et de la politique révolutionnaire qu'il mène depuis plus de 35 ans, est devenu un grand dirigeant chéri par les travailleurs du Venezuela, représentatif de la récente UNT.

Pour faire face au coup d'état, les travailleurs se sont massivement mobilisés à partir de leurs quartiers, comme fraction des masses populaires. Devant les casernes ils discutaient de la nécessité de créer des milices armées pour occuper les usines. Mais la rapide défaite des putschistes en 48 heures n'a pas permis de concrétiser l'occupation des usines.

C'est au moment du lock-out patronal de décembre 2002 que s'est produit un saut qualitatif. Les travailleurs se sont mis à l'avant-garde pour le défaire. Les ouvriers du pétrole ont continué la production avec le soutien de la population. C'est ainsi qu'a commencé un processus massif de combat contre la bureaucratie syndicale de la CTV (Centrale des Travailleurs Vénézuéliens) alliée des putschistes. C'est à ce moment que naît réellement l'UNT.

De nouveaux dirigeants ouvriers apparaissent. Ils ne savent rien du marxisme, mais ils chassent la bureaucratie par tous les moyens, par les élections ou à coups de poing.
Nous en avons un exemple récent à Maracay. Un dirigeant ouvrier est licencié d'une usine. Quand les ouvriers l'apprennent, ils se soulèvent, se dirigent vers l'usine, l'envahissent par la force, expulsant les vigiles qui s'y opposent. Ils mettent notre camarade à son poste de travail. Ils appellent les hommes de la maîtrise et les avertissent: "Si vous le touchez, nous viendrons vous chasser à coup de poings".

C'est un immense processus. Nous pouvons le comparer à celui de Solidarité dans la Pologne des années 80, ou à la naissance de la CUT au Brésil. Mais la grande différence, c'est qu'au Venezuela, ni l'église ni personne ne le contrôle. Qui plus est, nous, trotskystes et autres dirigeants ouvriers anti-impérialistes, avons un poids important dans ce processus. l'UNT a un programme révolutionnaire.

Nous savons qu'il va y avoir d'autres batailles. Les travailleurs ont besoin d'une UNT forte pour les nouvelles batailles. l'UNT peut se transformer en un axe de regroupement de tous les mouvements populaires. Nous construisons l'organisation pour que les travailleurs et le peuple puissent gouverner le Venezuela.

l'expérience de l'UNT doit être connue et étendue à l'Amérique Latine et à tous les autres pays. C'est pour cela que nous appelons à une rencontre internationale pour la première semaine de décembre.

"Nous vivons une situation révolutionnaire"

Nous vivons une profonde situation révolutionnaire. Depuis le putsch d'avril 2002, les masses ont défait systématiquement la bourgeoisie et l'impérialisme. La mobilisation contre les putschistes a été, peut-être, la plus grande dans l'histoire du Venezuela.

Et en décembre de cette année, avec le lock-out patronal, nous avons eu deux mois d'intenses affrontements sociaux et politiques dans toutes les villes du pays.

Plus tard survient le troisième moment, celui du référendum, la ratification des victoires populaires, la défaite écrasante de l'impérialisme et de la bourgeoisie.
A partir du 15 août s'ouvre une nouvelle étape. Une de ses caractéristiques est la grande combativité, la conscience anti-impérialiste et l'exigence de la participation populaire à l'élection des candidats aux élections locales et régionales. Il y a un grand discrédit des dirigeants des PPT, MVR et Podemos, les partis "chávistes" qui ont formé le "Comando Ayacucho", lequel a finit par être dissous par Chávez lui-même.

D'un côté, le triomphe s'identifie à la direction de Chávez, mais de l'autre, la masse sent que ce sont ses victoires remportées à travers ses actions et son organisation dans les "Unités de Bataille électorale" (UBE), les "Patrouilles", l'UNT...

Face à cette réalité, le président Chávez a dit que les candidats étaient déjà désignés et que ceux qui n'étaient pas d'accord n'avaient qu'à aller avec les candidats des partis bourgeois. Cette déclaration présidentielle est tombée comme une douche froide sur le mouvement populaire.
Dans le même temps, Chávez impulse le dialogue et la conciliation avec la bourgeoisie. Après le 15 août, il y a eu une réunion entre le Président et 1300 chefs d'entreprises, parmi lesquels se trouvaient les plus importants. Le porte-parole des patrons était le président de la "Ford Motors Andina". Chávez y a fait l'éloge public d'un chef d'entreprise du pétrole qui a été à la tête du lock-out patronal. Et déjà des concessions sont faites aux grandes entreprises et aux multinationales: suppression des impôts sur les actifs des entreprises, concession de l'exploitation du gaz à la "Chevron-Texaco", etc. Les chefs d'entreprises, de leur côté, exercent des pressions pour que soit supprimée la loi interdisant les licenciements.

Nous avons la conviction qu'il n'est pas possible de consolider les conquêtes de la révolution, ni d'aller plus loin, ni de résoudre le chômage, sans avancer vers un gouvernement des travailleurs et du peuple, dans la perspective de la construction du socialisme.

Dans l'immédiat, OIR défend la loi contre les licenciements, la mise en oeuvre d'un grand Plan de Travaux Publics pour éliminer le chômage, et l'élection des candidats à la candidature par les organisations de base.

"Un pôle de regroupement"

C'est une grande joie d'être aujourd'hui parmi vous dans cette démonstration concrète et pratique d'internationalisme révolutionnaire. Au Brésil, nous vivons une situation très riche du point de vue politique. Le gouvernement Lula et le PT sont devenus le masque necessaire derrière lequel se cache le vieux modèle néo-libéral pour poursuivre ses attaques contre la classe ouvrière brésilienne.

Le Parti Socialisme et Liberté est né du mécontentement de la classe ouvrière, du peuple et d'importants secteurs de l'avant-garde par rapport aux promesses non tenues de Lula concernant les réformes en faveur du peuple et son passage indiscutable de l'autre côté de la barricade. La rupture a commencé dès la première année de gouvernement, en particulier avec les fonctionnaires en lutte contre la réforme du système de retraites. La grève culmine avec une manifestation de 100000 fonctionnaires à Brasilia.

Mon exclusion du PT, celle de Babá, du sénateur Heloisa Helena et du député Joaõ Fontes -qui adhèrent à cette rencontre- ont renforcé dans l'avant-garde la conviction qu'il était nécessaire, face à la faillite du PT, de construire un nouvel instrument politique pour la classe ouvrière brésilienne. Le P-SOL est le fruit de ce processus, il est devenu un pôle de regroupement de différents courants de la gauche socialiste brésilienne, de trajectoires différentes mais unis par la conviction que le drapeau de la classe ouvrière ne pouvait être enterré avec le PT. Des camarades provenant du courant moréniste du trotskysme ou issus du Secrétariat Unifié mandéliste, des camarades qui se définissent comme réformistes radicaux, des intellectuels, des camarades venant du PSTU et d'autres qui n'ont jamais appartenu à un parti politique. Nous sommes un mouvement en construction dans les luttes quotidiennes, dans les affrontements avec les patrons, la bourgeoisie et le gouvernement Lula. Nous avons donné une grande importance au débat programmatique.[...] Le droit de tendance est une condition indispensable. C'était l'unique moyen d'empêcher que la crise du PT se transforme en une dispersion complète de la gauche socialiste brésilienne.[...]

Réorganisation du mouvement ouvrier

Nous désirons contribuer avec notre expérience du P-SOL à l'urgent, nécessaire et possible regroupement de la gauche socialiste, en Amérique Latine et dans le monde entier, et nous construire comme pôle révolutionnaire à l'intérieur du mouvement anti-globalisation, dans le Forum social mondial, dans les luttes en Europe contre la guerre et dans tous les mouvements ou nous intervenons en front unique avec d'autres organisations politiques. Nous pensons que cela est possible si nous nous unissons sur des bases programmatiques, dans des actions communes, tout en respectant nos différences.[...]
Je suis un des travailleurs de l'université fédérale de Rio de Janeiro qui, aux côtés de nombreux autres fonctionnaires, ont engagé la première des grandes luttes contre le gouvernement Lula et sa réforme du système des retraites, aboutissant à la construction de notre parti le P-SOL. Je suis membre d'un de ses courants, le Collectif Socialisme et Liberté, issu d'une rupture l'an passé à l'intérieur du PSTU. Malheureusement, dans le PSTU, il était interdit d'approfondir le débat sur la nécessité de répondre au processus de réorganisation de la gauche socialiste au niveau mondial, et le PSTU est ainsi tombé dans une politique auto-proclamatoire et de plus en plus sectaire.
l'intensification des luttes a abouti à ce que différents syndicats sont en voie de rompre avec la CUT. De notre point de vue, ce processus devrait être bien étudié par la gauche au niveau international, parce que c'est un exemple significatif d'un gouvernement d'origine ouvrière, mais avec un programme qui poursuit et approfondit les projets capitalistes au service de la bourgeoisie. Dans notre pays, il y a un intense débat sur les alternatives d'organisation, dans la mesure où la CUT devient un bras armé de l'état au service du maintien du système capitaliste. Toutefois, il y a toujours une profonde identification entre la classe ouvrière et le gouvernement Lula. Notre objectif est d'élever la conscience de la classe ouvrière pour qu'elle fasse sa propre expérience de ce gouvernement. Pour ce faire, il est nécessaire de beaucoup dialoguer. Les expériences précipitées comme celles de ceux qui préconisent la rupture avec la CUT, peuvent rompre ce dialogue. Nous pensons que nous vivons un processus très profond de réorganisation du mouvement ouvrier et de la gauche socialiste, et que nous devons être très patients.

Approfondir le débat, sans escamoter les différences, mais à partir de la priorité que sont les intérêts de la classe ouvrière.[...]

Je voudrais tout d'abord dédier cette rencontre aux travailleurs et au peuple vénézuéliens qui ont défait l'impérialisme et la droite au référendum. Aux travailleurs et la jeunesse de Palestine, qui avec des pierres et des armes combattent contre l'armée de Sharon l'assassin. Au vaillant peuple irakien, qui au milieu de grandes difficultés a fait subir plus de mille pertes à l'armée de Bush l'assassin.

Internationalisme

Le processus de dégénérescence du PT a commencé il y a quelques années. Nous avons, depuis toujours, critiqué l'alliance avec les chefs d'entreprises, la recherche de l'institutionnalisation et la lutte parlementaire au détriment du soutien aux grèves, aux luttes et aux affrontements avec la bourgeoisie. Avec l'accession au gouvernement fédéral a eu lieu un saut qualitatif dans cette dégénérescence politique. Aujourd'hui, Lula et le PT font des alliances avec tous les partis bourgeois et les vieux oligarques brésiliens. àl'intérieur du gouvernement siègent les véritables représentants du capital financier, des grands chefs d'entreprises nationales et des grands propriétaires terriens. C'est pour cela que Lula s'est transformé en véritable représentant de tous ces secteurs. Lula poursuit le même plan économique néolibéral de Fernando Henrique Cardoso, l'ancien président, le même plan que Menem et De la Rua expérimentèrent en Argentine et qu'aujourd'hui, en dépit de son double langage, poursuit Kirchner. Nous considérons que l'évolution du PT est irréversible, à la différence de secteurs qui se disent de gauche à l'intérieur du PT, ou de la direction du Mouvement des Sans Terre (MST), qui s'est toujours clairement opposé à Cardoso et qui maintenant dit qu'il faut soutenir Lula, tout en adressant quelques critiques au gouvernement.

"Vive le socialisme ! "

Après notre exclusion, nous avons tenu des rencontres dans les capitales de 25états sur les 27 que compte le Brésil. Nous avons, à cette occasion, réuni plus de 10000 militants, et en juin s'est tenue la rencontre nationale pour la fondation du P-SOL, avec plus de 700 délégués, représentants du mouvement syndical, du mouvement étudiant et des sans-terre. Aujourd'hui nous avons réuni 200000 signatures sur les 500000 nécessaires pour pouvoir participer aux élections. Nous construisons un instrument politique de classe, de lutte, pour le socialisme, qui est l'unique solution pour l'humanité. C'est pour cette raison que, même si nous allons participer aux élections, notre centre reste les luttes quotidiennes de la classe ouvrière brésilienne, latino-américaine et mondiale. Ce parti est et restera résolument démocratique. Il se forme avec ses organismes de base, pour obtenir le véritable centralisme démocratique, et non le centralisme bureaucratique qui fut toujours imposé au nom du vieux centralisme. Il fonctionne avec le droit de tendance, pour continuer d'avancer dans le débat entre les différents courants.[...] l'autre point très important pour nous, c'est l'internationalisme, qui nous amenés, Luciana et moi, à nous rendre il y a peu de temps au Venezuela.[...]

Mort au capitalisme ! Mort à l'impérialisme ! Vive le Socialisme !

Modifié le jeudi 23 juin 2005
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