Une révolution en marche
TunisieChacun se rappelle l'étincelle qui, il y a un an ces jours-ci, a mis en route le processus révolutionnaire qui a chassé Ben Ali : l'immolationde Mohamed Bouazizi, petit marchand ambulant privé du droit de gagner sa vie par un régime de prébendiers et d'exploiteurs.
Il s'ensuivit la lame de fond, qui, malgré des centaines de morts chassa le dictateur quatre semaines plus tard.Dans cet élan, la classe ouvrière,
les habitants modestes des
villes et des campagnes, la jeunesse
et les " classes moyennes " ont
tenté de se doter d'organes de contrôle,
parfois de comités de quartiers, et surtout
dans les entreprises, on a assisté à
une importante montée du mouvement
syndical, submergeant les bureaucrates
de l'UGTT, collaborateurs de Ben Ali.
Partout ont fleuri revendications, grèves
des usines, chantiers et magasins, ainsi
que dans les ports. Tout s'est focalisé
sur le plan politique pour l'élaboration
d'une constitution et sur les
modes de transition pour y parvenir.
On a vu les appareils de tous
les partis, y compris les Benalistes
recyclés, s'arroger le pouvoir de
décider de l'avenir. Après moult
ajournements, et sous les auspices
d'un gouvernement provisoire
autoproclamé, contenant longtemps
des Benalistes, les élections
pour une assemblée
Constituante ont eu lieu le 23octobre.
Elles ont vu une large victoire
du parti religieux Ennahda qui collabore
dans un gouvernement d'union
avec le parti dit laïc de Moncef
Marzouki (CPR), devenu président de la
république après vote de l'Assemblée,
et avec le parti Ettatakol, vaguement
social-démocrate et sur une orientation
aussi favorable au libéralisme économique
que le PS de M. Hollande, le
Premier Ministre étant membre
d'Ennahda.
Le " programme " d'Ennahda
Après ce résultat, une partie des politiciens
et des médias occidentaux ont
simulé la panique, prévoyant
qu'Ennahda réduirait à zéro le statut de
la femme tunisienne, les libertés acquises acquises
etc...Pourtant un nombre non négligeable
d'électeurs ont choisi ce parti
parce qu'il incarnait l'opposition la plus
durement réprimée durant les 24
années de dictature, pendant que les
autres avaient disparu du paysage ou
se soumettaient au régime. Le programme
d'Ennahda est assez proche de
celui de l'AKP d'Erdogan au pouvoir en
Turquie, ou des Frères Musulmans en
Egypte : ils sont l'un comme les autres
parfaitement " capitalo-compatible ".
En dehors de l'usure, la religion n'interdit
aucune forme d'enrichissement.
Certes il est écrit noir sur blanc qu'il faut éviter la spéculation financière, mais la
pseudo moralisation du capitalisme s'efface
vite devant le pragmatisme et les
partis non religieux membres du gouvernement
l'ont parfaitement compris.
Les très faibles scores du PCT et d'autres
candidats estampillés d'extrême
gauche ne doivent pas être interprétés
comme un recul des masses: il est
autrement plus intéressant de voir comment
celles-ci se mobilisent, à Gafsa
notamment, là où les mineurs des gisements
de phosphate ont payé si cher
leur courage politique face à la dictature
les condamnant pour certains à 25 ans
de prison ; eux n'ont pas bénéficié des
retombées médiatiques comme
Ennahda. Là où les résultats au concours d'ingénierie minière ou de
techniciens ont été entachés de fraude,
la population s'est regroupée et a imposé
l'annulation des résultats. De même
les revendications sur les salaires subsistent
et le patronat gémit plus fort que
jamais sur la croissance zéro et l'indiscipline
régnant dans les ateliers ou les
magasins.
Vers la prochaine étape
l'esprit de la révolution est toujours présent
et on peut en tirer la conclusion
suivante: La bourgeoisie tunisienne est
dans l'incapacité actuelle de mater le
prolétariat. De plus, celui-ci a un
allié naturel, la jeunesse, fortement
scolarisée, souvent qualifiée
et au chômage. Qu'une large partie
des travailleurs soit sous
influence religieuse, c'est un fait,
mais l'attachement d'une forte
partie de la population à la laïcité
et aux droits des femmes empêchera
les partis religieux dits
"modérés" au pouvoir ou les salafistes
très minoritaires d'imposer
leur mainmise sur ces acquis. Les
classes populaires ne pourront
trouver l'homogénéisation politique
qu'en confrontant leurs aspirations,
pain, travail, liberté, pour
reprendre un slogan des années
trente, aux francs refus ou réticences
que ne manqueront pas de leur opposer
les partis au pouvoir. A l'époque de l'impérialisme
pourrissant, tous les acquis
du prolétariat, et la révolution démocratique
en est un de première taille, sont
remis en cause à chaque instant et la
lutte pour leur défense rythmera les
phases ultérieures d'une révolution qui
n'a pas pris fin, loin de là, avec les élections
du 23 octobre.
Paul Rauschert,
14 décembre 2011
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