Crise économique mondiale : Quelques réflexions sur une crise qui n’en finit pas…

Si nous devions définir les caractéristiques principales de la crise économique mondiale ouverte en 2007-2008, nous devrions faire une référence obligée à l’augmentation du capital spéculatif qui connaissait une croissance exponentielle dans les dernières décennies, dépassant largement le capital réinvesti dans la production. Puis, en second lieu souligner que le secteur frappé et à l’origine de la crise est celui de l’immobilier, avec sa réfraction en particulier sur les banques qui avaient des hypothèques démesurées sur les propriétés.

Gerardo UCEDA

Ce phénomène a obligé l’impérialisme nord-américain et européen à faire fonctionner « la planche à billets » pour le sauvetage des établissements de crédits, des banques et des établissements financiers. La troisième caractéristique est sans aucun doute que pour la première fois depuis des décennies la crise a frappé directement les pays au centre de l’économie mondiale (USA et les principaux pays européens), ce qui explique la comparaison quasi immédiate avec la crise des années 30.

L’explosion de la bulle immobilière

Avant l’explosion de la bulle financière immobilière, d’énormes masses de capitaux spéculatifs s’investissaient dans d’autres secteurs de l’économie. Le plus concerné était celui de l’alimentation et des biens de consommation, qui vit ses prix augmenter de 200-300% en moins d’un an ou deux. Mais avec le temps il fut évident que ce secteur ne reproduisait pas et de loin, la plus-value produite par les travaux publics, la construction immobilière d’où son abandon. Ceci, combiné à la stagnation-récession d’une grande partie de l’Europe conduisit à ce que d’énormes masses d’argent venant du vieux continent et de la Chine allèrent se réfugier aux USA (accomplissant une vieille loi du capital qui, face à  chaque crise, se réfugie chez l’économie impérialiste dominante). Ce qui permit à l’impérialisme américain d’investir d’énormes masses d’argent dans le secteur financier, de sauver ses banques et de distribuer des prêts à l’industrie tout en augmentant l’exploitation du prolétariat US  qui atteignit dans ces années la plus grande extraction de plus-value. Les investissements réalisés et les obligations émises par la FED augmentèrent de 300 %, et la concentration économique dans des entreprises comme Apple par exemple ont connu le même sort avec une augmentation de son capital de 300% et avec presque un tiers d’augmentation en liquidités. Ceci a permis aux USA de ne pas tomber dans une profonde récession, et dans ces dernières années de connaître une croissance de 2 à 4%, une croissance démographique pour retourner la tendance à la destruction massive d’emplois que l’on enregistré au début de la crise dans les années 2008 et 2009.

Aucune nouvelle branche d’industrie créée

En dehors de la crise, le problème que rencontre l’impérialisme en général et celui des USA en particulier c’est que dans les dernières années il n’y a pas eu de nouvelles branches dans l’industrie de production de masse (à l’exception des communications, des portables smartphones et autres Iphones, software, etc.) dont on pourrait extraire une quantité de plus-value extraordinaire et  à partir de laquelle on peut récupérer un taux de profit en hausse et ainsi entraîner le reste de l’économie mondiale, comme ce fut le cas dans l’histoire avec l’industrie automobile, l’aéronautique, les trains ou les infrastructures énergétiques, qui ont une projection et une distribution mondiale. Cette absence de nouvelles branches de production massive avec un taux de profit élevé est un moteur d’incitation aux luttes au niveau mondial, surtout parmi la jeunesse, qui est à l’avant-garde dans la majorité des soulèvements de masse. C’est ainsi parce qu’historiquement les nouvelles branches de production, avec une plus grande technologie appliquée requièrent et permettent l’incorporation de nouvelles générations de travailleurs dans le processus de production. Les luttes et les mobilisations de la jeunesse au niveau mondial pour un « premier emploi » rendent compte de ce profond phénomène lié à la crise économique mondiale dont nous souffrons.

Le miracle-mirage chinois a ses limites

Ainsi va le monde, l’économie mondiale ne pouvant pas se récupérer par des branches avec un taux de profit élevé, la lutte engagée, de plus en plus féroce, est celle pour la plus-value mondiale. Sous cet aspect le problème dépasse largement le processus productif en soi. Y   interviennent des facteurs idéologiques  tel « le style de vie américain », la « société de consommation », la dépendance à la langue, le dollar comme monnaie mondiale et fondamentalement l’appareil répressif mondial dirigé par les USA qui soutient les politiques et les investissements impérialistes dans le monde entier. De mon point de vue, ni la Chine (et encore moins les pays dits « émergents ») n’y sont arrivés. Croire en la perspective d’un changement rapide de cible de la part de l’impérialisme me parait peu réaliste. Il suffit de dire que personne au monde ne soutient le « style de vie chinois » où seulement 200 du 1 milliard 200 millions d’habitants ont un niveau de vie correspondant aux standards capitalistes et où la sanction contre ceux qui dénigrent le régime consiste à la « déportation » à l’intérieur du pays. Sans parler de la barrière de la langue qui est pratiquement insoluble aujourd’hui.
L’autre problème de la Chine, en dépit d’être une immense économie, peut-être la plus grande en volume, c’est qu’elle se base en volumes de production, et comme toute économie de volume elle a un taux de profit faible, sans atteindre jusqu’à aujourd’hui les niveaux de technologie de pointe proche des USA, de l’Allemagne ou du Japon. Il existe des études qui démontrent que plus d’un tiers de la production chinoise, particulièrement dans la haute technologie est fourni par ces pays centraux qui en reçoivent évidemment la plus-value.

L’avenir de la planète est en jeu

Dans la lutte entre les économies nationales, la Chine se prépare à rentrer en compétition avec l’empire US, investissant dans différents pays, comme c’est le cas en Amérique latine (pour ne pas toujours tomber dans l’investissement en bons de trésor US) et essayant d’augmenter sa puissance militaire en passant des accords avec la Russie par exemple. La lutte est féroce et si l’impérialisme ne trouve pas de nouvelles branches de production ou ne peut augmenter qualitativement la plus-value à partir d’une défaite des masses à l’échelle mondiale, le seul chemin qui lui restera est celui de la destruction massive de forces productives comme il le fit en d’autres occasions. Si l’hypothèse d’une grande guerre mondiale n’est pas, aujourd’hui à l’ordre du jour, cela ne veut pas dire que les révolutionnaires ne doivent pas l’envisager. Par-dessus tout, la crise est si profonde qu’elle peut aboutir e définitive  à la destruction de la planète  à travers la pollution, produit de l’exploitation minière et pétrolière, la dégradation et décomposition de l’eau et des sols, etc.

Une crise qui s’approfondit

Enfin, en ce qui concerne la situation immédiate, il est évident que la crise continue et que loin de se résoudre, elle s’approfondit de jour en jour. Voilà moins d’un mois que la FED, la banque fédérale US annonçait qu’elle cesserait d’injecter des dollars dans l’économie pour qu’elle puisse se développer de manière plus normale du point de vue du marché et cela fait quelques jours qu’elle a été obligée d’intervenir en raison de la chute du prix du pétrole, évoquant l’augmentation des taux d’intérêts, ce qui conduit à augmenter les tendances spéculatives contre l’investissement productif. De son côté la Chine, elle-même, se retrouve sous la loupe, pas seulement parce que les chiffres de sa croissance sont passés en dessous de deux, mais parce que les investisseurs ont des doutes sur la santé de son économie. En d’autres termes,  ils ont des doutes sur ces chiffres qui pourraient être le produit d’une manipulation pour apparaître moins mauvais qu’ils ne le sont en réalité. Et sans doute existe-t-il des raisons valables pour les soupçonner, sachant que la destination des exportations du géant asiatique fut toujours les USA et l’Europe ; et dans ces conditions,  il est plus que cohérent que, rentrant en stagnation ou directement en récession, les deux blocs qui soutiennent pratiquement les 70% de la consommation mondiale de marchandises, le grand producteur de celles-ci, la Chine, souffre en conséquence  d’un grave choc dans la mesure ou la crise s’étend depuis plusieurs années   sans que rien ne semble pouvoir la résoudre.



Gérardo Uceda, membre de la direction du MST-nouvelle gauche.
Buenos Aires, 12 décembre 2014

Traduction réalisée par Paul Dumas, le 1 janvier 2015

Modifié le samedi 10 janvier 2015
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