l'heure est à la riposte !
Education nationaleNous l'avons déjà évoqué à plusieurs reprises dans nos colonnes : au fil des ans, des réformes et des décrets, la situation ne cesse de se dégrader dans les établissements scolaires, et pas seulement dans les quartiers dits sensibles. Face à des impératifs économiques, les mesures gouvernementales, chacune aggravant la précédente, tendent peu à peu à dévaloriser Ie métier d'enseignant, le rendant ainsi de plus en plus difficile. l'ensemble de l'Éducation Nationale est bel et bien en danger !Il y a quelques mois, le ministre Gilles de Robien présentait un projet de décret sur les obligations de service des professeurs du secondaire.La remise en cause du statut
Ceci est une atteinte grave aux décrets de 1950 qui fixent notamment les obligations de service des enseignants en maxima hebdomadaires d'heures de cours dans les disciplines de recrutement. Or, le projet Robien prévoit : la possibilité élargie d'être affecté sur deux ou trois établissements, l'enseignement possible d'une autre discipline, Ia suppression d'heures de première chaire (une heure payée en plus pour 6 heures effectuées dans les classes de première et Terminale), la suppression des décharges de service (pour les préparations de laboratoires par exemple, ou pour le cabinet d'histoire), la liquidation du sport scolaire (en dehors des heures de classe) ... Cela signifie aussi un allongement du temps de travail et une baisse des salaires ! C'est inacceptable, et les enseignants ont vite réagi. l'ensemble des organisations syndicales (15 au total, du presque jamais vu !) a fait circuler une pétition adressée au ministre, qui est resté sourd.
Les profs se mobilisent, le ministre s'entête
Dans l'unité, les syndicats signataires de la pétition au ministre ont appelé à une grève le 18 décembre, pour le retrait du projet de décret Robien. Les média I'ont à peine évoquée quelques jours avant ! Et pourtant, les 50 % de grévistes ont largement été dépassés, ce qui a surpris le ministère, les journalistes, et même certains dirigeants syndicaux ! C'est donc l'une des grèves les plus réussies depuis 2003 ... et c'est aussi une première étape qui ne demande qu'à être amplifiée. Le ministre a campé sur ses positions, refusant de recevoir une délégation de l'intersyndicale. La FSU (majoritaire dans l'enseignement) a proposé une manifestation nationale à Paris le 20 janvier ; environ 30 000 personnels de l'éducation étaient dans la rue, déterminés à faire reculer Robien.
Retrait du décret Robien et des autres mesures de démantèlement !
En plus de ce décret, le ministère annonce régulièrement des " nouveautés " gui sont en fait l'application de Ia loi Fillon, par " petits bouts ", et que supportent de moins en moins les enseignants. Dernièrement, le ministre a annoncé une réforme des IUFM (Instituts Universitaires de Formation des Maîtres), créés en 1990. Les IUFM ont été assez critiqués au moment de leur mise en place ... mais là, c'est encore pire : la formation est déséquilibrée, en augmentant la pratique avec plus de stages sur le terrain, et moins de temps de formation ; le cadrage national des contenus d'enseignement est très faible ; les modalités de mise en oeuvre sont laissées aux universités ; la recherche est quasiment absente et l'obtention du master n'est plus en perspective. l'objectif ? Faire des économies, dévaloriser les contenus, faire disparaître le cadre national. Pour la rentrée 2007, le budget est en baisse : plus de 5 500 emplois d'enseignants supprimés, dont plus de 3 000 au titre de la modification des décrets de 1950, et le reste au titre de la baisse démographique.
La circulaire de rentrée 2007 est véritablement catastrophique, puisqu'elle organise la déréglementation et une surcharge de travail pour les enseignants : focalisation au collège sur le socle commun ; généralisation des contrats individualisés ; développement de I'Apprentissage Junior; création du livret individuel de " compétences " ; réduction des établissements en éducation prioritaire ; assouplissement des grilles horaires des établissements, etc.
Des audits ont eu lieu sur les horaires de collèges et de lycées : les rapports préconisent " une action volontaire sur la masse salariale des personnels du ministère et une réforme pédagogique majeure pour faire baisser le coût moyen du collégien " et conseillent de supprimer I'obligation réglementaire de service hebdomadaire des professeurs pour abroger les grilles horaires hebdomadaires des élèves " au profit d'un référentiel horaire national " ; concernant les lycées, il n'y aurait plus d'horaires nationaux mais " un seuil minimal annuel par discipline " et il est préconisé de plafonner l'horaire annuel des élèves, de " supprimer les dédoublements systématiques de classe " et de " supprimer le redoublement en seconde " ... Le pire est donc bien devant nous !
Quelques réalités bonnes à répéter
Depuis quelque temps, la " mode " est au dénigrement du métier d'enseignant. Il n'est pas rare d'entendre autour de nous, dans les média, des réflexions telles que : les profs sont des privilégiés, ils ne travaillent pas beaucoup, ils sont " toujours " ou " encore " en vacances ... Les hommes ou femmes politiques ne sont pas en reste, comme le prouvent les propos de S. Royal sur les enseignants qui ont le temps de donner des cours privés ou comme ceux de J.-F. Copé, qui n'a pas hésité à affirmer qu'un prof certifié en fin de carrière gagnait plus de 4 000 euros par mois (ce qui a fait bondir les " intéressés ").
Sur le temps de travail des enseignants,il est bon également de rappeler que celui-ci a été calculé en 1950 sur la base de 40 heures hebdomadaires minimum, en prévoyant pour une heure devant élève, 1,5 heures en dehors de la classe (préparation des cours, documentation, corrections) Un enseignant travaille donc plus en dehors de la classe que devant ses élèves. Or, si le temps de travail a baissé pour une majorité de salariés, il n'en est rien pour les enseignants !
S'agissant des vacances, certes elles sont nombreuses ... mais la grille des salaires pour les enseignants a été calculée sur une période de l0 mois (avec un résultat divisé par l2) ; cela veut dire que les enseignants ne sont pas payés pendant les grandes vacances ! Et par ailleurs, bon nombre d'enseignants utilisent une partie de leurs vacances pour des préparations de corrections, lectures, etc. Avec les réformes en cours, le temps de travail des enseignants va s'allonger, .avec des conditions de travail de plus en plus pénibles et un pouvoir d'achat en nette baisse depuis une vingtaine d'année !
Enfin, en défendant leur statut, les enseignants se battent aussi pour leurs élèves, afin de leur offrir un enseignement de qualité dans le cadre d'un service public de l'Éducation nationale, afin de leur transmettre des connaissances. Or tout cela est gravement mis en danger.
Taper un grand coup
De nombreux enseignants sont très inquiets de la situation et ont clairement conscience que les réformes en cours et annoncées sont un tournant dans Ie démantèlement de I'Éducation nationale et donc pour leurs conditions de travail et de rémunération. Beaucoup se rendent compte aussi que des manifs et des grèves isolées ne suffisent pas pour faire reculer le gouvernement. Un quelconque succès repose sur I'unité syndicale et sur des actions visibles, réellement gênantes pour le gouvernement, ce qui est évidemment possible. La question de l'école est délicate, et d'ailleurs les principaux candidats aux présidentielles ont pour le moment été très discrets là-dessus !
l'heure est donc au combat pour :
- le retrait des mesures découlant de la loi Fillon, et du décret Robien ;
- I'augmentation des salaires ;
- la création de postes statutaires en rapport avec les besoins ;
- la réduction des effectifs de classes ;
- le maintien des options existantes et des langues " rares " (grec, latin, russe, etc.).
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