l'Education Nationale menacée d'éclatement ?

précarité... | Statut d'assistant d'éducation, décentralisation-régionalisation, précarité...Dès septembre dernier, les surveillants (MI-SE) des collèges et lycées ainsi que les aides-éducateurs (AE) se sont mobilisés avec leurs organisations syndicales, les premiers, pour le maintien et l'amélioration de leur statut, les seconds pour que leurs "missions" soient reconnues et transformées en emplois statutaires.
l'action a rapidement pris de l'ampleur: depuis fin novembre, elle a été marquée dans plusieurs académies (Nantes, Rennes, Corse) par des grèves reconductibles décidées par des assemblées générales massives.
Le 6 février avait lieu l'examen du projet de loi Ferry créant des assistants d'éducation (11000 prévus à la rentrée 2003) par le Conseil Supérieur de la Fonction Publique à cette occasion une manifestation nationale était organisée à Paris, à l'initiative première de l'assemblée départementale des MI-SE de Haute-Loire, pour le retrait de ce projet, demandé par l'ensemble quasi unanime des syndicats.
Un tel projet est la fin annoncée du corps national des MI-SE (instauré en 1936) et la mise au chômage pure et simple des AE (20 000 emplois-jeunes recrutés en 1998). Il est donc prévu des postes d'assistants d'éducation qui ne seront plus exclusivement réservés aux étudiants, dont le recrutement se fera par les établissements eux-mêmes c'est à dire de manière locale et arbitraire le mi-temps sera imposé aux étudiants, au nom de leurs contraintes particulières les contrats de travail seront également plus courts, les services hebdomadaires plus lourds et annualisés avec des astreintes plus importantes pendant les vacances ces mêmes services pourront s'exercer sur plusieurs établissements et les assistants pourront enfin être mis à la disposition des collectivités territoriales pendant et en dehors du temps scolaire. Les rémunérations restent pour le moment inconnues !! On comprend alors la détermination des surveillants, ce serait le premier type de personnels régionaux au sein de l'Education Nationale... et une voie à suivre pour tous les autres personnels.

l'ensemble du personnel est menacé

Gérard Longuet, président du Conseil Régional de Lorraine, a sollicité le ministre de l'Education Nationale pour "faire de la Lorraine la terre d'expérimentation de la décentralisation de l'Education", car il verrait "d'un bon oeil les services du Rectorat devenir à la fois la représentation décentralisée de l'Etat et une agence régionale à formation en adéquation avec le réel besoin des filières professionnelles" et "souhaiterait un partenariat cohérent entre les mondes de l'Education et de la formation professionnelle". C'est clair, ce serait la fin de l'enseignement professionnel indépendant du patronat local, la fin des diplômes nationaux et du statut de fonctionnaire d' Etat. Avec la décentralisation à l'ordre du jour, on assiste à une attaque sans précédent contre l'ensemble des personnels de l'Education Nationale.
Les premiers directement visés sont les CO-PSY (4000 conseillers d'orientation au niveau national) qui étaient très largement en grève le 24 janvier et qui doivent être mis à la disposition des régions le ler avril prochain ! C'est une brèche importante dans le service public d'éducation. Les CO-PSY veulent rester fonctionnaires d' Etat, au service des élèves et de leurs parents, pour les aider en toute indépendance à choisir une filière ; ils ne veulent pas devenir gestionnaires des flux d'élèves vers des formations liées à l'emploi local.
Avec les CO-PSY, ce sont les TOS (techniciens et ouvriers), les CPE (Conseillers principaux d'éducation), puis les enseignants des lycées professionnels qui sont menacés. A la dernière rentrée, Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire, évoquait à propos des personnels ATOS, la possibilité d'avoir des "agents partageant leur temps entre services scolaires et services municipaux, pour garder les établissements ouverts le soir, le week-end !

Une précarité grandissante

Face à la question des remplacements, de plus en plus mal assurés ces dernières années, la solution trouvée par le Ministère a été de multiplier par milliers des emplois précaires (26000 en 2000/2001 dans le second degré). Ceux-ci sont donc de plus en plus nombreux, comme au lycée Genevoix à Montrouge dans les Hauts de Seine où à l'automne un enseignant sur huit était un salarié précaire, ce qui n'empêche pas pour autant d'avoir toujours du personnel non remplacé ! Tous ces enseignants précaires sont recrutés au niveau académique parmi des étudiants au moins pourvus d'une licence. Les plus mal lotis sont les "vacataires" : pas de contrat de travail officiel, une suppléance payée à l'heure ne pouvant dépasser les 200 heures par an, aucun congé payé, pas de remboursement de frais de transport, pas de congé maladie possible (une absence pour maladie entraînant le non paiement des heures dues) ; la situation des "contractuels" est un peu meilleure puisqu'ils signent un vrai contrat de travail, n'ont pas de limite d'heures, ont les congés payés inclus dans leur période de suppléance (mais pas forcément les congés d'été, si leur Contrat s'arrête en juin !), leur rémunération varie selon leur diplôme (licence, maîtrise ou DEA) et reste bien sûr bien inférieure à celle des titulaires.
En bref, des étudiants-enseignants "bouche-trou", sans statut, sans aucune formation, sans la moindre perspective de titularisation en cas d'échec aux concours (Capes et Agrégation), là encore c'est un nouveau coup porté au cadre national et statutaire de l'Education Nationale.

Un malaise profond

Parmi les enseignants, le mécontentement est bien réel : outre les menaces pour leur statut, ils doivent subir sans qu'on leur demande leur avis des réformes à répétition qui dévalorisent de plus en plus le contenu des matières enseignées, et introduisent la polyvalence ainsi que des épreuves en contrôle continu (par exemple les Travaux Personnels Encadrés au lycée). Ils doivent aussi affronter, de la part des élèves, des agressions verbales ou/et physiques de plus en plus fréquentes, reflet d'un malaise profond dans la société elle-même, mais résultat aussi de réformes scolaires successives qui n'ont fait que rabaisser le métier d'enseignant ainsi que les exigences à tous les niveaux de la scolarité. Récemment, suite à un coup de couteau reçu par une enseignante d'un lycée à la Garennes-Colombes (Hauts de Seine), l'ensemble des enseignants s'est prononcé pour l'arrêt des cours faisant ainsi usage du droit de retrait (disposition réglementaire permettant aux fonctionnaires de l'Education Nationale de ne pas assurer leurs cours quand ils ne peuvent le faire dans des conditions normales). Eh bien, Xavier Darcos a accusé les enseignants d'être "hypersensibles", leur a demandé "d'accepter d'affronter les élèves tels qu'ils sont, ou alors de changer de métier", et a vanté le système anglais ou les enseignants restent 32 heures dans leur établissement et sont contraints d'effectuer en plus de leurs cours, des tâches "d'assistante sociale, orienteur, travailleur social". Véritable provocation, qui ne répond en rien aux préoccupations des enseignants dont la principale mission est d'instruire les élèves qui leur sont confiés.

Et les syndicats ?

Face aux attaques gravissimes du gouvernement, le principal syndicat dans l'enseignement secondaire, le SNES, se contente d'appeler à des journées d'action ponctuelles souvent mal préparées avec des mots d'ordre trop vagues (les 17 octobre, 26 novembre et 28 janvier) De plus, le mouvement des MI-SE et AE a été volontairement isolé par les appareils syndicaux des actions des autres personnels alors que leur combat concerne toute la profession. Pas une seule fois, n'est apparu le mot d'ordre de grève générale avec des revendications claires :
- refus de toute forme de régionalisation-décentralisation
- maintien des statuts nationaux de la fonction publique d' Etat pour tous les personnels de l'Education Nationale
- maintien du caractère national de tous les programmes et diplômes
- non à l'alternance école-entreprise et au retour du travail des enfants
- création de nouveaux postes statutaires pour faire face aux effectifs chargés, aux problèmes de remplacements et à la surveillance des élèves
- maintien de notre régime particulier de retraite de fonctionnaires d' Etat
37,5 annuités de cotisation pour un taux plein, pension à 75% du dernier salaire brut.
Modifié le vendredi 27 janvier 2006
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