Le logement selon les candidats à la présidentielle (2e partie) : Poudre aux yeux

Le lundi 8 janvier dernier, Jean-Louis Borloo, ministre délégué à la cohésion sociale, annonçait aux responsables de l'Association des enfants de Don Quichotte, qui avaient pris l'initiative des campements du Canal Saint-Martin, un " plan d'action renforcé " en faveur des SDF : 27 100 places nouvelles et un projet de loi visant à instituer " le droit au logement opposable ". Aussitôt, les Enfants de Don Quichotte, dont l'action avait été quasi-unanimement soutenue, levaient les campements, s'estimant satisfaits. Poursuite de notre dossier du numéro précédent.Ainsi, Augustin Legrand, porte-parole des Enfants de Don Quichotte, a appelé à cesser le mouvement en déclarant, le 8 janvier : " Un changement radical de politique concernant les sans-abri et la certitude qu'un droit au logement opposable sera adopté prochainement dans un vrai esprit de consensus politique et associatif nous conduisent à une sortie de crise immédiate ".

Que Dieu l'entende. Dix jours après, quel est le bilan Canal Saint-Martin ?

780 euros mensuels

Sur les 280 campeurs SDF, 160 ont été reçus par les travailleurs sociaux. Une proposition de logement a été faite à 80 SDF, et 30 ont accepté. Ces propositions consistaient pour l'essentiel en placement en hôtel et, pour une minorité, dans des studios, tel celui qui a été montré en exemple au journal télévisé de France 2 : 30 m2 pour 780 € par mois, les trois premiers mois étant pris en charge par l'État. Et après, comment un travailleur pauvre, qui gagne au mieux 1 200 €, peut-il assurer un tel loyer mois après mois ?

Un droit au logement opposable qui vient de loin...

Droite et gauche, dans ce touchant " consensus " auquel le porte-parole des Don Quichotte aspirait, ont déclaré leur accord avec ce " droit au logement opposable ", en vertu duquel un citoyen pourrait traîner l'État ou les collectivités territoriales devant les tribunaux.

Cette idée n'est pas neuve. Elle a deux origines : celle du Haut comité pour le logement des personnes défavorisées qui a défendu cette " orientation " dans son 8e rapport annuel remis à Chirac en 2002, et celle d'ATD-Quart Monde qui, au même moment, publiait une " plate-forme pour le droit au logement opposable ".

ATD-Quart Monde, c'est-à-dire l'Église catholique, était déjà aux avant-postes. Signalons pour ceux qui s'interrogent sur les origines des Enfants de Don Quichotte que les deux seules références idéologiques qu'on trouve sur leur site internet sont Charles Péguy et ... le père Wresinski, prêtre fondateur d'ATD-Quart Monde ...

De plus, Christine Boutin, la très catholique et très réactionnaire députée (UMP) des Yvelines, a déposé, en septembre 2005, une proposition de loi, signée par 25 autres élus de la majorité de droite, qui confie à l'État la mise en oeuvre de ce droit au logement. Puis, fin 2005, début 2006, des parlementaires de gauche, particulièrement du PS, ont tenté de faire adopter cette mesure, médiatisée par Sarkozy, qui l'a reprise à son compte en octobre 2006. Enfin, Chirac et Borloo l'ont annoncée pour répondre aux exigences de la Charte du Canal Saint-Martin.

Scepticisme des juristes

Supposons même qu'un SDF, qu'un travailleur pauvre finisse par surmonter la lassitude, son découragement et l'obstacle financier que représentent les frais d'avocat et de justice. Supposons.

Un juriste, fort sceptique, Maître Eolas, Blog des juristes. Les Zakouski du jeudi explique : " Les conditions prévues par la loi permettant d'obtenir le logement restent à définir. La procédure d'indemnisation devant le tribunal administratif prend des années. [...] Et, surtout, la loi ne permet pas de créer des logements là où il n'y en a pas. Bref, des demandes aboutissant à une indemnisation seront rarissimes, en supposant qu'il y en ait un jour ".

Un autre juriste, Frédéric Rolin, insiste : " Le sans-logement aura le droit d'obtenir un logement ? Fort bien. Et si l'administration (on cherche encore laquelle) lui dit non, je n'en ai plus ou non, je n'ai plus de budget. Quid ? Il pourra saisir les tribunaux. Fort bien. Et si le juge lui donne raison. Quid ? Il se retournera devant l'administration. Elle ne pourra pas inventer un logement en quelques semaines, ou dégager un budget dans le même délai. Donc ? Donc rien. Ou plutôt si, la même chose que d'habitude : hébergements collectifs provisoires, voire développement de nouvelles formes d'hébergements collectifs durables. "Royal propose, par exemple, des logements communs aux jeunes salariés et étudiants.

Démagogie

Bref, tout sauf un toit décent, un vrai bail en HLM ou la réquisition des logements vides actuellement aux mains des spéculateurs immobiliers.

Chirac, Royal, Sarkozy et les autres y vont de leurs bons sentiments qui ne leur coûtent pas grand-chose, sinon une bonne dose de démagogie.

À ce propos, Balladur a déclaré, goguenard, sur LCI le 16 janvier : " Un gouvernement qui dit en 2007 qu'il va régler le problème des sans-logis en 2012,S'ils ne sont pas morts de froid d'ici là ... ça prête à sourire ". Sauf, bien sûr, les SDF et les mal-logés.

À suivre dans notre prochain numéro.
Modifié le jeudi 25 janvier 2007
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