Le logement en question

Crise du logementOù en est la question du logement ? Si l'on en croit une circulaire ministérielle du temps de Jospin-Gayssot, le droit au logement était " un objectif à valeur constitutionnelle " Circulaire interministérielle du 9 février 1999 , autant dire un voeu pieux. Cinq ans après, un scandale éclate au grand jour, d'un coup sec : de plus en plus de smicards deviennent SDF, sans logis. Comment en est-on arrivé là ? Comment la situation du logement en France a-t-elle dégénéré au point de jeter à la rue ces salariés ? Première esquisse de la crise du logement.1. Y a-t-il crise du logement ?
Selon la jurisprudence, il y a crise du logement lorsqu'il existe " un important déséquilibre entre l'offre et la demande de logement au détriment de certaines catégories sociales " Code de l'habitat et de la construction, Dalloz 2003, pp.374-375. Les chiffres que nous publions, en encadré, confirment que c'est bien le cas aujourd'hui. En outre, la persistance d'une telle situation permet au préfet de réquisitionner des logements vides à la demande des municipalités. Pourraient alors bénéficier de ces mesures de réquisition : des familles "à l'encontre desquelles une décision judiciaire d'expulsion est intervenue " et " les personnes dépourvues de logement ou logées dans des conditions manifestement insuffisantes ". Plan de cohésion sociale présenté par J.L. Borloo le 30 juin 2004Hélas, rien ne se passe.

2. Evolution du secteur HLM depuis 25 ans

Le 3 janvier 1977, la loi Barre-Ornano met en place le conventionnement et les prêts locatifs aidés (PLA) à la construction. Le conventionnement, c'est un régime juridique de location par lequel le bailleur signe une convention avec l'état, en contrepartie des PLA. Les taux de ces prêts sont plus élevés qu'auparavant et leur durée plus courte. Dans ce nouveau cadre, arguant de " l'amélioration qualitative de l'habitat ", les bailleurs HLM " conventionnés " vont imposer des loyers très nettement supérieurs aux loyers HLM ordinaires. Cette cherté du loyer sera alors amortie par la création des Aides Personnalisées au Logement (APL), financées par les allocations familiales. Tous les locataires n'en bénéficient pas, loin s'en faut. En outre, les organismes HLM vont alors exiger des niveaux de ressources équivalents à trois fois le montant du loyer et des charges. Ainsi, l'état va se désengager progressivement du financement des HLM. Quant aux HLM construits avant la réforme, ils seront aspirés par les conventionnements, car toute subvention de l'état à une opération de réhabilitation d'une cité ancienne est assujettie au conventionnement et débouche obligatoirement sur de fortes hausses de loyers (30 à 60 %), par le biais de l'APL (pour une partie seulement des locataires). C'est ce qu'on appelle les opérations PALULOS (primes à l'amélioration des logements locatifs à usage social), du nom de la prime que verse l'état en contrepartie de ces réhabilitations financées en grande partie par les hausses de loyer.

3. Et le service public du logement en France ?

En 1986, alors que Fabius est encore Premier ministre, le secteur HLM va pâtir de la transformation progressive des Offices publics HLM municipaux et départementaux en Office public d'aménagement et de construction qui ont un statut d'établissement public industriel et commercial (décret du 16 mars 1986). Ces OPAC ont l'autonomie de gestion, ils ont le dernier mot en matière d'attribution des logements, d'augmentation des loyers (dans les limites de l'indice du coût de la construction, établi par l'Insee) et d'augmentation (illimitée) des charges locatives. Autre prérogative de ces organismes HLM réformés, le droit de vendre une partie de leur parc. En contrepartie, ces organismes rendus opaques ont l'obligation d'équilibrer leurs comptes. Si ce n'est pas un pont jeté vers la privatisation, qu'est ce d'autre ? En tous cas, c'est la suite logique de la loi de 1977 que PS et PC au gouvernement se sont bien gardés d'abroger.

4. Quelles solutions à la crise du secteur HLM ?

La racine du mal réside, on l'a vu, dans le financement. Les conséquences sont les loyers chers et le ralentissement considérable de la construction. Or, on sait qu'une baisse de 1 % du taux des emprunts à la construction contractés par les HLM permettraient de réduire de 10 % le montant des loyers. Ainsi, d'après la Lettre économique de la Caisse des Dépôts et Consignations (novembre 1998), en 1996, le remboursement des emprunts représentait 50 % de la masse des loyers. Comme quoi, on ne s'en sortira pas sans le réengagement financier de l'état à hauteur de ce qu'il était avant 1977, sans un programme national de construction de logements HLM, bien supérieur à ce que fait miroiter Borloo. 600 000 logements promis en cinq ans, non seulement c'est très insuffisant, mais c'est impossible si l'on n'abroge pas la loi Barre-Ornano qui est le cadre juridique de l'asphyxie des HLM.

5. Les annonces de Borloo sur le logement social

Tout d'abord, l'acquisition du foncier sera du ressort des collectivités territoriales, à la grâce de la décentralisation, donc : aux départements et communes d'acheter les terrains à bâtir. La construction, elle, sera subventionnée et garantie par l'état mais, en contrepartie, les organismes HLM s'engageront " à mettre à niveau le parc existant en apportant les fonds propres nécessaires et à respecter une charte de qualité du service rendu ; à mutualiser leurs actions : au cas où un organisme ne pourrait tenir son engagement, les autres l'aideraient ou assumeraient la partie non réalisée. " Chiffres publiés dans La Nouvelle Vie Ouvrière,NVO CGT 24 octobre 03. C'est un marché de dupes : les organismes HLM devront financer la totalité des travaux (gros entretien, mise en conformité avec les normes de construction et d'électricité, remise en état des logements anciens). Autant dire tout de suite que ce sont les locataires qui paieront pour toutes les " réhabilitations " y compris celles des cités voisines, " mutualisation " oblige. Sinon, pas d'aide publique à la construction.

6. Comment devient-on SDF en 2004 ?

De nombreux reportages l'attestent : un ouvrier peut devenir SDF du jour au lendemain. 30 % des SDF sont des salariés, voilà la cruelle réalité qui se fait jour. Imaginez que votre bailleur veuille récupérer son bien. Votre demande de logement HLM n'aboutit pas. Après jugement, on vous expulse. Pour quelques jours, les services sociaux vous aideront financièrement à loger à l'hôtel. Puis, ce sera la rue, le métro et rien d'autre. Ou bien, vous êtes un jeune travailleur, vos revenus ne vous permettent pas de louer dans le privé et vous êtes condamné à attendre que votre demande de logement passe devant une commission d'attribution des logements d'un organisme HLM, laquelle vous recalera pour le motif " ressources insuffisantes ". Ou encore, vous n'aurez pas pu rembourser les échéances fixées par votre bailleur d'une dette de loyer contractée à la suite d'une perte brutale de revenus, après un licenciement ou du fait d'une maladie, de l'invalidité. Si vous ne pouvez prouver votre bonne foi, en reprenant, comme l'exige la dernière circulaire Borloo du 12 mai 2004, le paiement courant de votre loyer, c'est l'expulsion manu militari qui vous attend ...
Modifié le lundi 17 octobre 2005
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