La crise de l'euro

Une nouvelle phase de la crise de l'économie mondialeCommencé de rédiger début octobre 2011, ce texte ne pouvait totalement anticiper l'accélération de la crise politico-financière en
Europe. La Grèce, en crise sociale ouverte, refuse de subir les diktats des dirigeants européens, de la BCE et du FMI, de mettre
en oeuvre les plans d'austérité et de rembourser une dette souveraine pourtant déjà fortement décotée. Début novembre, la dernière
réunion du G.20 à Cannes a révélé l'incapacité des grandes puissances, à résoudre le problème grec et l'énorme endettement
de plusieurs Etats de la zone euro.
Dans l'attente d'une solution politique,
le Premier Ministre socialiste grec,
Georges Papandréou a été contraint à
la démission. Ultime manoeuvre politique
face à l'ingouvernabilité du pays
et une pression sociale devenue ingérable
? Dernier moyen d'éviter la convocation
immédiate d'élections ? Sursaut
d'orgueil face aux humiliations subies
par des dirigeants politiques de la part
de " missions " de technocrates
arrogants et omniscients ? Peutêtre
un peu de tout cela. Mais
l'important c'est qu'à travers cette
décision se soient révélés un sursaut
de souveraineté et un rejet
massif des mesures d'austérité
de la part du peuple grec luimême.
C'est cela qui a conduit
aux cris d'effroi de tous les
" experts " financiers et aux communiqués
alambiqués des partis
" de gouvernement " européens,
sociaux-démocrates ou libéraux.
La décision serait " irresponsable
" car pouvant contribuer à la
mobilisation de tous ceux qui
sont les premières victimes de la
crise : la grande masse des citoyens et
des peuples.

La réaction des " marchés " (forte baisse
des Bourses mondiales) a été à la
mesure de l'événement. Le dernier
plan " d'aide " à la Grèce de 100
milliards d'euros, conditionné aux
mesures d'austérité et à de nouvelles
privatisations, devait en partie servir à
rembourser, après décote des titres
grecs, les 50% de dettes encore dues
aux banques européennes. Ce plan
" de sauvetage " devenu caduc, c'est
non seulement le maintien de la Grèce
dans la zone euro qui est posée mais
aussi, dans son entier, la solidité et la
solvabilité du système européen des
banques créancières, banques qui
seraient contraintes d'abandonner la
totalité de leurs créances sur ce pays
mais aussi bientôt sur d'autres pays
comme l'Italie, l'Espagne ou même la France.


l'Italie, troisième pays au sein de
l'Union européenne, est concernée
avec une dette quadruple de celle de la
Grèce. La démission de Berlusconi n'a
pas réussi à rétablir la crédibilité politique
d'un pays maintenant menacé de
faillite. La France, qui pour les experts a
déjà perdu son " triple A ", est maintenant en première ligne, contrainte de
se refinancer à des taux d'intérêt qui
vont encore aggraver son déficit budgétaire,
risquant de la mener tout droit à la
faillite. Dans une économie mondialisée,
la crise ouverte de la zone euro
aura nécessairement des répercussions
sur les autres secteurs de l'économie
mondiale et notamment aux Etats-Unis.
Dans ce pays, l'annonce, le 31
Octobre, de la plus grosse faillite d'institution
financière depuis Lehmann
Brothers, celle de MF Global, victime
d'avoir parié sur la dette souveraine de
pays européens est le signe annonciateur
de difficultés grandissantes pour
tout le système.

Les discussions et obscures tractations
sur la " recapitalisation " des banques
comme condition de leur survie sont à
nouveau à l'ordre du jour. N'en doutons
pas, ce sont les Etats (et derrière eux pour tenter de les renflouer. La volonté
des gouvernements d'aggraver encore
les plans d'austérité en témoigne. Mais,
de plus en plus, la conscience politique
grandissante des citoyens et de la jeunesse
est devenue un obstacle majeur
à la mise en pratique de ces solutions. Il
est grand temps d'ouvrir les livres de
compte, de répudier des dettes qui
n'ont, le plus souvent, profité
qu'aux spéculateurs, de mettre le
système bancaire sous contrôle
de ses usagers et au service de la
production.

Ce texte poursuit la réflexion
engagée au cours d'un texte précédent
consacré à la " guerre des
monnaies ". Il s'agit en fait, par
delà la " chronique des évènements
" de la crise, en particulier
dans leur dimension financière et
monétaire (crise des dettes " souveraines
", avenir et " survie " de
l'euro) de rappeler dans quelle problématique
cette crise s'est inscrite
depuis maintenant plus de trois ans.
Pour nous, le fil conducteur reste celui
de l'analyse marxiste à travers l'évolution
du capitalisme de " concurrence ".
La crise a au moins un mérite : elle
" révèle " la concurrence mais elle tend
aussi à l'exacerber. Elle met donc en
évidence les nouvelles conditions de
valorisation du capital, de recherche du
profit. Elle se traduit par des processus
complexes et différenciés de " destruction-
création " de valeur et illustre aussi
les mécanismes liés à la " suraccumulation
" du capital, à la surproduction de
marchandises (toujours relative) qui en
découle.

Tous ceux qui se réfèrent à Marx l'ont
appris depuis longtemps : pour survivre,
le capitalisme doit continuer, vaille que
vaille, à " extorquer " la plus-value pour
réaliser le profit. C'est un impératif
absolu pour le fonctionnement du système mais aussi pour sa reproduction.
C'est aujourd'hui ce qui lui donne ce
caractère prédateur et brutal, non seulement
au niveau du travail et de l'emploi,
mais dans tous les domaines de la vie
sociale.


LA CRISE DE l'EURO : LA CHINE,
l'EUROPE ET l'AMERIQUE




Pour illustrer concrètement les
mécanismes généraux de la concurrence
dans le cadre du " capitalisme mondialisé
", on peut simplement, au niveau
européen, rappeler quelques éléments
de la chronique financière de cet automne
2011.

Le mardi 13 septembre 2011, alors
que les Bourses européennes continuaient
leur dégringolade, que les taux
d'intérêt des obligations d'Etat italiennes
s'envolaient, la Chine réaffirmait
" sa confiance dans l'économie européenne
et dans l'euro ", tout en engageant
des discussions, par l'intermédiaire
du fonds souverain China Investment
Corp., pour le rachat d'une partie de la
dette " souveraine " de l'Italie. En effet,
selon un économiste chinois autorisé
cité par l'A.F.P., pour la Chine, " les obligations
italiennes pourraient s'avérer de
bonnes affaires " et la Chine " devrait
voir si elle peut tirer un avantage de
cette opportunité (la crise de la dette)
pour faire une percée dans ses relations
et sa coopération avec des pays européens
comme l'Italie et la France".
Pour la Chine, " l'aide " à l'Europe
serait une occasion de diversifier le placement
de ses réserves de change
(2300 milliards d'euros), trop exclusivement
orientées vers les obligations
d'Etat américaines mais aussi (selon le
" China Daily " cité par " Le Monde "
du 15 septembre) de réaliser, en ces
temps de crise, " des fusions et des
acquisitions dans la zone euro, plus
particulièrement pour les entreprises de
haute technologie ".

Finalement, ce même 13 septembre,
les discussions entre la délégation
du fonds souverain chinois et l'Italie
échoueront, accentuant, le jour même,
la rechute des Bourses en Europe et à
Wall Street, mais l'épisode est révélateur
de l'ampleur de la crise de l'euro et
l'impuissance politique et financière des
pays créanciers censés " sauver " la Grèce de la faillite. Si, bien évidemment,
les Chinois avaient pu prendre
en charge une partie de la dette italienne
(plus de 1900 milliards d'euros),
d'une toute autre dimension que celle
du Portugal ou de la Grèce, les " marchés
" et surtout les banques créancières
en très grosse difficulté (notamment
françaises et allemandes) en auraient
été soulagés d'autant. Peut-être la dette
souveraine italienne n'aurait-elle pas
été dégradée par Standard & Poor's
une semaine plus tard avec maintenant
un endettement équivalent à 120% de
son Produit Intérieur Brut. l'Italie, troisième
économie de l'Union monétaire et
selon un expert, ultime " pare-feu " de
la France, est directement menacée
d'une crise de liquidité de ses banques
et ne sera pas en mesure, pour des raisons
sociales et politiques évidentes de
mettre en pratique les plans " d'austérité
" préconisés par la Banque Centrale
Européenne. Restera alors le recours à
la Banque Centrale Européenne et à un
" fonds de sauvetage " de la zone euro
encore dans les limbes et dont l'Italie
devait justement être un des principaux
contributeurs...


Ce n'est donc pas faire preuve de
catastrophisme que de considérer que
l'ensemble du système de banques
européen est maintenant menacé.
l'impuissance des différents " sommets
" et réunions " de crise " à simplement
stabiliser (sinon résoudre) la situation,
révèle le profond désarroi politique
des responsables d'une Europe économique
" virtuelle ", construction institutionnelle
et juridique artificielle, mise au
service des partisans de la mondialisation
et des dirigeants du capital international.


Que le premier ministre chinois
Wen Jiabao se dise aujourd'hui " prêt à
aider les Européens " s'ils font preuve "
de plus de responsabilité et s'ils mettent
de l'ordre dans leurs maisons "
n'est pas simplement une outrecuidance
vexatoire, cela témoigne de l'évolution
de la crise mondiale depuis
2008 : de nouveaux rapports de force
politiques et économiques, une nouvelle
configuration géopolitique mondiale
se sont progressivement mis en place
où, incontestablement la " vieille
Europe " mais aussi les Etats-Unis se
voient directement contester leur place
au plan international.

l'accélération de la crise ouverte de
la zone euro commencée en Août 2011
a pu être aussi considérée comme une
nouvelle phase de la rivalité entre l'euro
et le dollar1. Certains analystes ont cru
y voir un " complot " des anglo-saxons
contre la monnaie européenne. Selon
" l'eurosceptique " " Financial Times "
de Londres, des financiers à " Wall
Street " et à la " City " auraient été
suspectés de participer à des attaques
contre l'Euro afin de mettre les banques
européennes (et françaises en particulier)
en difficulté afin de faciliter ainsi
leur rachat par des banques américaines
(thèse reprise en France par
Laurence Parisot, responsable du
MEDEF). En fait, il n'était nul besoin
d'organiser un complot pour que les
spéculateurs, notamment ceux liés aux
" hedge funds ", fonds de placement à
risque, décident de " jouer à la baisse "
la dette grecque pour concrétiser leurs
gains. C'est ce qui s'est effectivement
passé début septembre.

Il est aussi évident que les Etats-
Unis (pays surendetté et qui a donc
besoin que les autres pays, notamment
la Chine, lui achètent une part de son
énorme dette) doivent aujourd'hui faire
en sorte que le dollar reste, par-delà ses
difficultés, la monnaie de référence
internationale et qu'ils ont donc tout
intérêt à " décrédibiliser " l'euro.
Pourtant la faillite d'un Etat européen
aurait aujourd'hui d'énormes conséquences
pour l'économie mondiale.
C'est la raison pour laquelle, Timothy
GEITHNER, secrétaire au Trésor américain
et artisan des " plans de relance "
du Président OBAMA est venu, le 16
septembre à la réunion de l'Eurogroupe
en Pologne pour inciter les Européens à
" agir de façon décisive et à parler
d'une seule voix ". La " division " des
Européens fait peser un " risque catastrophique
à l'économie mondiale " a t'il
estimé, considérant que la croissance
européenne " pourrait être virtuellement
à l'arrêt à la fin de l'année ". Mais le
Président de l'Eurogroupe lui a, au
cours de cette même réunion, répondu
qu'il n'y avait plus, dans la zone euro,
" aucune marge de manoeuvre pour
lancer un nouveau plan de soutien à l'économie
".

En effet, les mécanismes dits
" keynésiens " de relance2, en fait surtout
jusqu'à présent la création massive
de monnaie par la planche à billets (la " monétisation " des dettes) n'ont fait
que repousser les échéances, sans permettre
la relance des investissements.
Ils n'ont contribué qu'à l'augmentation
incontrôlable de l'endettement des
Etats. Désormais inopérants, ils rendent
nécessaire une nouvelle " purge " du
système où cette fois, il faudra bien tenter
de solder les comptes. C'est la raison
pour laquelle les banques européennes,
renflouées à grand frais par
les Etats après 2008 et qui avaient
ensuite, pour élargir leurs profits, massivement
prêté à des pays insolvables
seraient maintenant contraintes de
" sacrifier " une partie de leurs créances
et d'être rapidement " recapitalisées
".

FAILLITES-RECAPITALISATION DES
BANQUES : UN NOUVEAU 2008 ?



Aujourd'hui, selon des données récentes,
les banques de l'Union monétaire
seraient dotées de 32.500 milliards
d'euros d'actifs, dont une part de crédits
pourris ou toxiques. Ce montant représente
350% du PIB de cette même zone
euro (aux Etats-Unis, ce même ratio est
d'environ 80%). Cela confirme le fait
que, pour les banques européennes (et
le capital financier auquel elles sont
adossées), le crédit a constitué, dans la
période 2008-2010, un élément très
important, bien que parfaitement artificiel
et pervers, de valorisation du capital.


Non seulement ces banques ont massivement
souscrit aux emprunts d'Etat
émis par des Etats souverains du Sud et
de l'Est européen, non seulement elles
ont " accompagné " des projets d'investissement
non rentables (les autoroutes
portugaises en sont un bon
exemple) mais elles ont aussi pris des
participations, voire directement le
contrôle de banques dans ces mêmes
Etats. Ces banques (dans la plupart des
cas des filiales des grands groupes
bancaires européens) n'ont pas été en
mesure d'impulser une activité productive
rentable donc de " rembourser " les
avances en capital consenties. Ce sont
ces trois éléments cumulés qui constituent
aujourd'hui les bases de l'endettement
considérable des principaux
réseaux de banque européens.


Mais c'est le cadre européen de l'euro,
" monnaie unique " et aussi les fonds européens qui ont été le véhicule de la politique " monétaire " de la Banque
Centrale Européenne qui a pu fournir, à
très bas taux, aux banques créancières,
le crédit nécessaire à ces diverses opérations.
Ces banques prêteuses en ont
tiré, pendant un temps, de substantiels
bénéfices puisque prêtant elles-mêmes
à un taux beaucoup plus élevé. C'est le
défaut de paiement de la Grèce qui a
été le révélateur d'un surendettement
qui trouve sa source, à la fois dans la
poursuite de la dérégulation financière
et dans l'appât du gain des banquiers.


Aujourd'hui, il ne s'agit pas seulement
pour les banques de tenter de récupérer
leurs créances sur la Grèce, pays
quasi-insolvable, mais aussi, avec des
montants plus importants encore, sur
l'Italie, l'Espagne (dont les notes de dettes
souveraines ont été de nouveau
rabaissées début Octobre 2011) mais
aussi sur le Portugal et d'autres pays
est-européens. Alors qu'il y a quelques
mois à peine, ces banques avaient fait
l'objet de " tests " de résistance positifs
(" stress " tests), elles révèlent brutalement
l'insuffisance de leurs fonds
propres, leur sous-capitalisation.
Encombrées de titres de dette souveraine
fortement décotés (négociables parfois
à moins de la moitié de leur valeur
d'émission), elles en appellent de nouveau
aux Etats, et en premier lieu au
" couple " franco-allemand, censé
garantir la stabilité de la zone euro.


En France, la faillite de la Banque
DEXIA est venue confirmer la difficulté
de la situation. DEXIA est l'exempletype
de ces banques qui avaient " prospéré
" avec la crise, à partir, en
France, essentiellement d'activités " de
marché " et de souscription de dettes
" souveraines "4. La faillite de DEXIA
est annonciatrice d'autres défaillances
bancaires en Europe.


Désormais, la crise du " politique
" aux Etats-Unis, en Allemagne,
en France et dans tous les pays endettés
interfère directement avec la crise
financière et sociale. Aucune mesure
partielle ne peut résoudre les problèmes
de fond. Toutes les mesures financières
actuellement prises relèvent de l'urgence,
destinées à parer au plus pressé,
sans vraiment " rassurer les marchés ",
c'est-à-dire le capital et la finance spéculative.

Le Fonds Européen de
Stabilisation Financière (FESF), laborieusement
mis en place il y a quelques
mois ne dispose pas de moyens suffisants
pour les recapitaliser (c'est-à-dire
augmenter leurs fonds propres). Les
banques les plus exposées aux dettes
souveraines des pays en détresse
comme la Grèce ou l'Italie (mais aussi
l'Espagne dont la dette a été de nouveau
dégradée à la mi-octobre) sont
donc maintenant directement menacées
de faillite, avec toutes les conséquences
sociales et politiques qui peuvent
en découler. En un mois, leurs
cours de Bourse se sont effondrés6 et
leur capitalisation boursière s'est brutalement
réduite. Se recapitaliser consisterait
pour elles à s'adresser aux " marchés
", à leurs actionnaires (notamment
à leurs dirigeants qui ont profité largement
des " bonus ") pour augmenter le
niveau des fonds propres, voire à solliciter
des " repreneurs " étrangers. Mais
qui accepterait de s'engager maintenant
vers des opérations aussi risquées ?
Donc, l'ultime recours de la finance,
face à la menace d'une déconfiture bancaire
généralisée, ce sont désormais
les Etats.

C'est bien ce qui s'est encore passé le
27 Octobre à Bruxelles, à l'issue d'une
folle semaine de négociations et d'un
nouveau " sommet " volontairement
dramatisé. Pour " sauver " la Grèce, il
a été nécessaire de lui consentir une
aide supplémentaire de 30 milliards
d'euros et surtout, les banques prêteuses
ont été cette fois contraintes d'accepter
une décote de 50% de leurs titres
sur ce pays, " effaçant " ainsi une
partie de leur dette publique. Cet abandon
de créances, considéré comme
" volontaire " n'entrainera pas les
mécanismes classiques " d'assurance
" (notamment les fameux CDS,
Crédit Default Swaps,) qui sont censés
protéger les créanciers de la faillite d'un
emprunteur. l'endettement de la Grèce
envers le FMI et la Banque centrale
européenne ne sera pas réduit d'un dollar.

Mais quelle sera la contrepartie de cette
aide ? Que la Grèce poursuive les plans
d'austérité en cours et accélère les privatisations
pour atteindre quinze
milliards d'euros. Ces mesures
devraient alors, à l'horizon 2020 (!!),
ramener l'endettement de la Grèce de
160 à 120% de son Produit Intérieur Brut, lui permettant alors de revenir
" sur les marchés "7. En fait, tout cela
supposerait un redémarrage de l'économie
grecque (en " croissance négative
" depuis 2008) et un bond de ses
exportations (seulement 7% du PIB
dont tourisme et armement maritime, le
plus faible taux de la zone euro) et aussi
des rentrées fiscales provenant d'activités
économiques rentables. Les récents
développements de la situation dans ce
pays ne vont pas dans ce sens.

l'avenir reste très problématique
dans la mesure où le FESF censé constituer
un " fonds de sauvetage " financier
de la zone euro n'a pas été " autorisé
", suite au refus de l'Allemagne, à
avoir accès aux ressources en principe
" illimitées " de la Banque Centrale
Européenne. Simplement sa " force de
frappe " a été théoriquement accrue
puisqu'il pourrait désormais " garantir "
jusqu'à 1000 milliards d'euros de prêts
émis par les Etats européens. Mais cet
échafaudage instable de garanties
révèle d'emblée ses limites si l'on veut
bien considérer que les principaux
contributeurs à ce fonds (en 2ème, 3ème,
4ème position : la France, l'Italie et
l'Espagne) pourraient, dans un proche
avenir, être amenés à solliciter son
aide !

Qui pourrait donc désormais, dans
ce chaos politico-financier, " sauver "
l'Euro en participant au " fonds de sauvetage
" européen et au renflouement
des banques créancières de pays en
déficit ? Les pays dits " émergents "
ont été sollicités pour fournir leur
" aide ". Parmi ceux-ci, la CHINE
revient en première ligne. Déjà souscriptrice
d'obligations émises par le
FESF, elle pourrait apporter encore de
35 à 70 milliards d'euros. La condition :
accéder rapidement au " statut d'économie
de marché " de l'Organisation
Mondiale du Commerce, c'est-à-dire
permettre à ses marchandises (et à ses
investissements) d'accéder plus librement
aux pays européens. La Chine, la
plus grande économie du monde à surplus
d'exportation, donc avec des réserves
considérables, serait financièrement
la mieux placée pour aider
l'Europe. Elle demandera cependant
des garanties solides pour souscrire
aux dettes souveraines de l'eurozone
ainsi que l'accès à ses marchés. D'un
autre côté, pour poursuivre ses exportations,
affirmer son influence en Europe, elle a tout intérêt à " sauver " la zone
euro, l'empêcher si possible d'entrer
dans une nouvelle phase de dépression.


Ces conflits " d'hégémonisme "
découlent, là encore des mécanismes
généraux de la concurrence, révélant la
place prise par les nouveaux venus
dans les échanges mondiaux. Cette
interdépendance mondiale accrue, la
" pression " chinoise, pourraient, selon
certains, favoriser une plus grande intégration
du capital au niveau européen,
pour d'autres contribuer davantage à
aiguiser les rivalités commerciales au
sein même de l'eurozone.

UNE CRISE DU CAPITALISME DE
CONCURRENCE ET DE SUR-ACCUMULATION



Comment en est-on arrivé là ?
Telle est la question qu'il faut aujourd'-
hui se poser, trois ans maintenant après
le déclenchement de cette crise à l'automne
2008, le point de départ pouvant
être constitué par la faillite de la banque
Lehmann Brothers aux Etats-Unis.


Rappelons qu'il y a à peine un an
(au début de 2011), bon nombre d'économistes
et d'experts avaient considéré
que le gros de la crise était désormais
passé et que la " reprise ", bien que
lente et difficile, était désormais assurée.
D'autres avaient estimé que les
nouveaux pays émergents (dont la
Chine) constituaient désormais les
" locomotives " de l'économie mondiale
et que leur forte croissance, notamment
en termes de Produit intérieur brut
et de surplus à l'exportation, permettrait
une relance progressive des échanges
et de la production. Certaines projections
quantitatives prévoyaient une
reprise " en double creux " (double
dip) : un premier redressement des indicateurs
de la production serait suivi
d'une rechute, avant une sortie définitive
de l'ornière. Le problème est que, si
l'on se situe à un niveau macro-économique
global, ce premier redressement
n'a pas eu lieu et que la grave crise
financière et monétaire évènements de
l'automne 2011 nous éloigne encore
pour longtemps de cette perspective.

En fait, la crise actuelle, comme
toute crise du mode de production capitaliste
doit d'abord être considérée comme une crise de valorisation du
capital 9. Pour " réaliser " la valeur, il
est non seulement nécessaire de dégager
un profit pour rémunérer les investisseurs
et les apporteurs de capitaux
mais aussi d'assurer la reproduction du
capital investi.

Pour le redire ici de manière très
générale et d'un point de vue global, les
difficultés pour le capital à dégager des
profits suffisants dans la sphère " productive
" faute de rencontrer, sur les
marchés mondiaux, une demande solvable
suffisante (en particulier aux
Etats-Unis) a conduit le système à
rechercher, par tous les moyens, d'autres
modes de valorisation. Le secteur
" réel ", en raison d'une concurrence
internationale accrue, ayant vu se restreindre
les investissements " rentables
", générateurs de profits, base
même de l'accumulation capitaliste,
d'autres opportunités de gain ont été
explorées. Ainsi, au début des années
2000, l'orientation du capitalisme vers le
support constitué par la " Net-économie
" a pu être considérée comme une
des manifestations les plus spectaculaires
de la difficulté du capital à continuer
sa valorisation dans le secteur réel. On
assistera dans ce secteur à la création
d'une bulle artificielle de sur-investissement
qui engendrera une surproduction
d'offres de services. La déconnection
par rapport aux besoins réels du marché
conduira au krach de cette " Netéconomie
". D'autres formes de valorisation
seront mises en oeuvre, surtout
par délocalisation vers des pays " périphériques
" à bas coût de main d'oeuvre.

S'affirmant progressivement, à partir
des années 1980, la " financiarisation
" des économies a donc consisté à
rechercher dans l'activité bancaire,
dans la spéculation financière des
opportunités de profit à côté de la sphère
" réelle " directement productrice de
marchandises ou de services.

Le crédit a été un des principaux
véhicules de cette financiarisation
puisqu'il a permis de maintenir, pour un
temps, un certain niveau de consommation
en dépit de revenus salariaux en
baisse. Jusqu'au déclenchement de la
crise ouverte fin 2008, les Etats-Unis
ont été l'exemple-type de ce modèle de
crédit et de spéculation, modèle générateur
de capital qu'on peut considérer comme " fictif " puisque ne conduisant
pas à une véritable accumulation car
étant effectuée avec des capitaux pouvant
à tout moment refluer hors du système.
Ce système de crédit a été poussé
à l'extrême aux Etats-Unis où, avec
la garantie de l'Etat, les banques ont pu
faire souscrire, à des ménages en partie
insolvables, des prêts pour l'accession
à la propriété immobilière (les
fameux prêts Ninja) pour accéder à la
propriété. Lorsque le retournement du
secteur immobilier se produira, ces
prêts " sub-prime " deviendront irrécouvrables
et ce sont les banques prêteuses
et les organismes hypothécaires qui
les ont garanties qui entreront en faillite.
On sait comment, après 2008, cette
crise s'est diffusée, via les " prêts
toxiques " dans de nombreuses
banques dans le monde entier.

S'il apparaît que la crise des sub-prime
aux Etats-Unis et l'effondrement boursier
mondial qui a suivi ont bien été l'élément
déclencheur de la crise mondiale,
cette dernière n'est pourtant
compréhensible, dans ses développements
ultérieurs, qu'en
considérant la séquence longue
d'évolution de l'économie " réelle
". Si la mondialisation des économies
(prééminence du " marché
", libéralisation " sauvage "
des échanges, dérégulation et
décloisonnement des institutions
de banque et de bourse, déréglementation
du marché du travail) a
favorisé l'avènement de la crise et
ensuite permis sa diffusion dans le
monde entier, il faut pourtant, par
delà ce constat, la considérer d'abord
comme une crise du capitalisme
de concurrence.


La concurrence est inhérente au système.
Elle suppose la " chasse " permanente
aux profits, aux opportunités de
valorisation des capitaux disponibles.
C'est " l'aiguillon de la concurrence "
qui pousse à la baisse des profits compte
tenu de l'insuffisance de la demande
solvable sur les marchés. La " loi " de
baisse tendancielle du taux de profit
découle logiquement de cette analyse.


La crise a conduit à une baisse,
souvent brutale, de l'activité économique
et donc du chiffre d'affaires des
entreprises. Dans la plupart des secteurs,
elles en ont profité pour rationaliser rationaliser
la production : rationalisation des
structures, délocalisation de certaines
productions ou d'entreprises entières
vers des pays à bas coût de main d'oeuvre,
licenciements, chômage partiel,
baisse des salaires lorsque la résistance
des salariés était insuffisante.

Il n'est pas question ici d'analyser en
détail les formes prises, dans les différents
pays, par ces restructurations
mais il est évident que leur objectif,
dans un contexte de concurrence exacerbée
par le déroulement même de la
crise, était l'abaissement des prix de
production des marchandises et des
services afin d'en réduire le prix sur des
marchés " globaux " de plus en plus
compétitifs et mondialisés.


Dans les pays industrialisés du " centre
", est apparu, dans de nombreuses
branches, un excès de capacités de
production. Des équipements, des usines
entières ont été sont mises au
rebut, d'autres ont cessé de produire.
Une recomposition du capital s'est opérée
à l'échelle mondiale non seulement
dans les " vieux " secteurs de l'activité
manufacturière12 (maintenant d'ailleurs
devenus, dans ces pays, un secteur
restreint de la production globale : 7%
du PIB aux Etats-Unis) mais aussi dans
tous les autres secteurs : ceux de la distribution
et du transport, dans les technologies
de l'information et de la presse,
dans toutes les activités de service,
de Banque et de Bourse. La position de
la Chine comme " atelier du monde "
s'en est trouvée renforcée et d'autres
pays dits " émergents " comme l'Inde,
le Brésil ou l'Afrique du Sud ont pu
aussi, pendant un temps, bénéficier de
transferts de capitaux en quête de valorisation.

Cette dimension géopolitique de la restructuration
depuis 2008 d'un capitalisme
déjà largement mondialisé est un
élément essentiel pour comprendre la
situation d'aujourd'hui. Ce qui s'est traduit
sur le terrain par des " licenciements
boursiers ", en Europe, en
Amérique et ailleurs, a été accompagné
par des changements importants dans
la structure financière de nombreuses
entreprises: prises de participation de
banques ou de fonds de pension,
fusions entre firmes, changements de
raison sociale suite à des concentrations,
des fusions ou de nouvelles introductions
en Bourse. Au lendemain de la
crise, en 2009, les opérations sur le
capital des entreprises (fusions, acquisitions,
OPA amicales ou hostiles) ont été
ralenties mais elles avaient repris fortement
depuis lors et retrouvé leur rythme
d'avant-crise. Ces transformations, plus
ou moins rapides selon les résistances
sociales rencontrées ont été parfois
accompagnées par des
" aides " financières des Etats et
des banques centrales, l'objectif
recherché étant toujours l'abaissement
du " coût des facteurs de
production et notamment du premier
d'entre eux : le travail.

Du point de vue de la " séquence
" de crise initiée en 2008, le
brutal ralentissement de l'économie
a révélé, dans la plupart des
" vieux " pays industriels d'importantes
surcapacités de production
(statistiquement mesurables
à travers la baisse du " taux d'utilisation
des capacités productives
"). Dans de nombreux secteurs, la
crise a conduit à rendre obsolescent
une part du capital précédemment
investi. Ce capital ne terminera jamais
pas son cycle productif (en termes
comptables, ne sera jamais amorti). Ce
processus de dévalorisation, bien décrit
par Marx, a conduit à une perte considérable
de valeur, de fait à une destruction
de valeur.

(à suivre)


Cet article est de Robert Rollinat,
économiste. Il est publié avec l'autorisation
de son auteur que nous
remercions ici.


























Modifié le mercredi 28 décembre 2011
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