La Sécu appartient aux salariés
La Sécu appartient aux salariés | Réforme de la sécurité sociale : non à la réforme, arrêt des exonérations et récupération des dettes patronales et de l'EtatAinsi, le lundi 17 mai dernier, le ministre de la Santé Philippe Douste-Blazy a dévoilé les principales mesures visant à réformer la Sécurité sociale et faire face au fameux " trou ". Parmi les principales dispositions : mise en place d'un Haut conseil médical qui serait à la santé ce qu'est le CSA pour la télévision, c'est à dire une autorité prétendument indépendante qui déciderait si tel ou tel médicament est efficace ou non et qui fixerait la liste des médicaments inutiles qui seraient déremboursés ; politique favorisant les génériques, le délai permettant le passage au statut de générique passant de 15 à 10 ans ; un euro réclamé pour chaque consultation, chiffre présenté comme symbolique pour "responsabiliser" le malade ; et surtout, création d'un "dossier médical partagé et informatisé", "permettant le suivi du patient pour éviter les doublons et les abus". Culpabiliser la population accusée de trop se soigner, poursuivre l'objectif du démantèlement de la Sécurité sociale, préparer encore plus le terrain au patronat qui ne s'est jamais accommodé du salaire différé qui est à la base de la Sécurité sociale en France, aller vers la privatisation du système de santé, tel est l'objectif de cette réforme, préparée par la gauche plurielle et poursuivie par Chirac-Raffarin. Nouveau tour d'horizon de notre dossier Sécu en cinq questions et réponses.1) Encore une fois : comment fonctionne la Sécu et d'où vient l'argent?Au risque de se répéter, il faut à nouveau insister : en France l'argent qui sert au financement de la Sécurité sociale vient pour l'essentiel des salaires. Dans une fiche de paye, on distingue bien ces cotisations qu'elles soient désignées "salariales" ou "patronales". C'est ce qui s'appelle, depuis 1945, le salaire différé. Les sommes ainsi collectées qui permettent, par la répartition solidaire, de faire en sorte que les bien portants payent pour les malades, sont équivalentes au budget de l'Etat (environ 243 milliards d'euros). C'est dire si les patrons lorgnent sur cette manne financière, dont rappelons-le, ils ne sortent pas un centime de leur poche et correspond exclusivement aux salaires. Cette partie "différée" du salaire est intégrée au prix de revient des marchandises. C'est donc, tout naturellement le consommateur, vous et moi, qui paye en achetant les marchandises et nullement les patrons...Prenons deux exemples de salaire différé. Un salarié percevant un revenu mensuel de 1300 euros verse 241 euros par mois pour financer l'assurance maladie (dont 65 de CSG, la CSG, instituée par la gauche au gouvernement en 1990 est par contre un impôt qui repose à 86% sur les salariés, les retraités et les chômeurs. l'avantage pour patrons et gouvernement de ce type d'impôts, c'est qu'il ne garantit aucune contrepartie et peut-être reversé à des fonds différents, d'une année sur l'autre, au gré des choix du gouvernement, avalisés par le parlement. Idem pour le RDS., 10 de cotisations salariales et 166 de cotisations "patronales"). Un cadre gagnant 3000 euros verse 565 euros par mois (150 de CSG, 22 de cotisations salariales et 384 de cotisations "patronales"). Ces deux salariés sont remboursés de façon identique pour leurs dépenses de santé. Grâce à ce système arraché par la classe ouvrière au patronat en 1945, la quasi - totalité de la population a accès aux soins (92%) et l'Organisation Mondiale de la Santé a classé ce système de soins français premier au monde alors que les USA sont relégués à la 37è place et qu'ils ont 43,6 millions de personnes sans aucune couverture maladie, car ce pays est le paradis des assurances privées.
2) Mais il y a pourtant le trou de la Sécu ?
On nous annonce effectivement 13 milliards d'euros de déficit pour 2004, qui viennent s'ajouter aux 11 milliards pour 2003, 9 milliards pour 2002, soit 33 milliards en années cumulées et on nous fait les pires projections pour les dix ans qui viennent. D'où les "nécessaires réformes" selon certains, à gauche comme à droite. Seulement ce " trou" est largement fabriqué, permettant d'appliquer le dicton : "qui veut noyer son chien l'accuse de la rage". (Rappelons d'ailleurs que selon la Commission des comptes de la Sécurité sociale, celle-ci était excédentaire entre 1999 et 2000). Il y a plusieurs raisons à ce déficit "organisé". La première et la principale : les exonérations par milliards des cotisations "patronales", les fameuses "charges sociales" sur lesquelles les patrons ne cessent de se lamenter alors que nous venons de voir qu'ils ne déboursent pas un centime qui leur appartienne. Les exonérations, sur ces 10 dernières années se chiffrent ainsi : (en milliards d'euros) 1993 : 3,4 ; 1994 : 4,7 ; 1995 : 6,2 ; 1996 : 9,9 ; 1997 : 11,5 ; 1998 :11 ; 1999 :11,8 ; 2000 :15,7 ; 2001 :18,2 ; 2002: 19,4.
Soit un total de 111,8 milliards d'euros d'exonérations patronales. Bulletin de l'Agence Centrale des Organismes de Sécurité Sociale (ACOSS- .Stats), septembre 2003. Les raisons de ces cadeaux sont multiples : 220 millions d'euros au titre de la loi de Robien du 11 juin 1996 ; 25 millions d'euros au titre de la loi Aubry du 13 juin 1998 rien que pour l'année 2001 ; la politique des zones franches, de revitalisation rurale et de redynamisation urbaine (sic) pour 315 millions d'euros ; les contrats aidés pour 1,8 milliard d'euros ; les dispositifs généralisés de baisse des charges pour 233 millions d'euros etc. La liste est longue de ces dispositifs de prétendue aide à l'emploi dont on voit à quel point ils ont fait leurs preuves (2,8 millions de chômeurs). Les patrons empochent et ... licencient.
111,8 milliards d'euros de cadeaux, soit 10 fois le "déficit" annoncé de 2003.
3) Oui, mais l'Etat compense ces exonérations ?
Certes, c'est d'ailleurs ce qui permet à certains de prétendre que le trou existe bel et bien puisque l'Etat a beau compenser, ce "trou" se creuse. En premier lieu, l'Etat ne compense pas tout. Pour reprendre l'exemple des dix dernières années, voici la part non compensée par l'Etat ( en milliard d'euros) encore le Bulletin ACOSS-Stats, septembre 2003 1993 : 1,4 - 1994 : 1,9 - 1995 : 1,9 - 1996 : 2 - 1997 : 2 - 1998 : 2,1 - 1999 : 2,4 - 2000 : 2,4 - 2001 : 2,3 - 2002 : 2,3
Soit un total de 20,7 milliards d'euros qui représentent un manque à gagner, une perte sèche pour la Sécu. Quant à cet argument selon lequel, alors que l'Etat compense les exonérations, le trou subsiste tout de même, argument qui minimise ainsi l'énormité des exonérations et le manque à gagner pour la Sécu, rappelons qu'il est bien spécieux : si l'Etat compense, c'est obligatoirement avec nos impôts ! C'est à nouveau les salariés qui payent. Ils payent ainsi deux fois : comme salariés et comme contribuables!
4) Par quel mécanisme l'Etat compense-t-il les exonérations des cotisations?
Créée par l'article 5 de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2000, effectivement mis en place en 2001, le Fonds de compensation des exonérations de cotisations (FOREC) était chargé de compenser les pertes de cotisations subies par les régimes de Sécurité sociale du fait des mesures d'allégement des charges sociales sur les bas salaires, de l'application de la loi Aubry sur l'aménagement du temps de travail et des exonérations de cotisations d'allocation familiales. Son financement est assuré par des impôts et des taxes (donc, comme on l'a vu précédemment, sur le dos des salariés considérés en tant que contribuables). Ainsi, en 2001, les dépenses du FOREC s'élèvent à 14,4 milliards d'euros ventilés ainsi : 8,8 milliards pour les allégements liés aux "35h-Aubry", 5,1 milliards pour les autres allégements sur les bas salaires etc.
En outre, pour 2003, 32% des recettes du FOREC provenaient de sommes qui, avant la création de ce fonds étaient directement affectées à l'Assurance maladie (principalement des taxes sur le tabac et les alcools). Depuis le 1er janvier 2004, le FOREC a été supprimé. l'Etat depuis cette date récupère l'argent et le verse directement dans son budget. Résultat : 5 milliards d'euros par an provenant des taxes sur le tabac et les alcools échappent ainsi à l'Assurance maladie...
5) Quelles sont les autres raisons du "déficit" ?
Comme le rappelle un argumentaire de la CGT qui date de 1995 : "Premiers responsables : l'emploi, les bas salaires et le pouvoir d'achat. Les ressources de la Sécurité sociale étant assises sur la masse salariale, quand l'emploi diminue, en quantité et en qualité, ou lorsque le pouvoir d'achat des salariés régresse, les Caisses de Sécurité sociale se vident.
Deux chiffres éloquents : 100 000 emplois créées ou perdus représentent 5 à 6 milliards de francs en plus ou en moins pour la Sécu.
Un petit 1% d'augmentation des salaires, c'est tout de suite 8 milliards de francs en plus pour la Santé, l'emploi, les salaires, les retraites, les allocations familiales. On le voit, l'emploi, les salaires, sont le "sang " de la Sécu. Ensuite, il faut savoir que les déficits se creusent, en raison des allégements, voire des exonérations de cotisations accordées au patronat. Par exemple, le taux des cotisations patronales a diminué de 8% entre 1988 et 1994 ; quant aux exonérations de cotisations, elles représentent près de 30 milliards de francs en 1994 et s'élèvent à près de 40 milliards de francs en 1995". On ne peut pas mieux dire, d'autant que la direction confédérale version 2004 semble avoir oublié ce texte si l'on en juge par son document du 2 février 2004 qui plaide pour une réforme de la Sécurité sociale. Les actuels rédacteurs de la CGT ont visiblement oublié cette plaquette de 1995 et en particulier sa conclusion :
"84% jugent sans appel ! les Français veulent garder la Sécu "telle qu'elle est". Pourcentage qui atteint 92% du coté des sympathisants de gauche. Ce sondage publié par le Figaro, le 23 juin 1995 témoigne d'un rejet catégorique des thèses libérales. (...)"
Les Français veulent garder la Sécu "telle qu'elle est". Nul doute que le même sondage en 2004 donnerait les mêmes résultats.
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