Indépendance syndicale : danger !
Dossier : La loi de " rénovation de la démocratie sociale "A l'issue de longues semaines de négociations ( à la demande de Sarkozy), la CFDT, la direction confédérale CGT et le MEDEF ont donc pris une position commune sur " la Représentativité, le développement du dialogue social et le financement du syndicalisme ". Cette " position commune " adoptée le 16 avril a servi de matrice à la nouvelle loi portant " rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail " adoptée le 20 août 2008. Sous couleur de favoriser le fait syndical dans les entreprises, il s'agit de modifier le rôle et la nature des syndicats de salariés en France. De quelle manière ? Retour sur un accord et une loi qui remettent en cause l'indépendance syndicale ouvrière.Les principes de la représentativité syndicale avant cette loiLe Code du travail (article L 133-2. Nouvelle version L2121-1) définissait les critères de représentativité des syndicats de salariés comme suit :
" La représentativité des organisations syndicales est déterminée d'après les critères suivants :
- les effectifs ;
- l'indépendance ;
- les cotisations ;
- l'expérience et l'ancienneté du syndicat ;
- l'attitude patriotique pendant l'occupation. "
Prérogatives des organisations syndicales représentatives
La loi confère certaines prérogatives aux organisations syndicales les plus représentatives. Ainsi, elles sont les seules à pouvoir :
- conclure une convention ou un accord collectif du travail ;
- constituer une section syndicale au sein de l'entreprise et désigner un ou plusieurs délégués syndicaux
- établir les listes de candidatures pour le premier tour des élections des délégués du personnel et des membres du comité d'entreprise, et éventuellement conclure un accord préélectoral fixant le nombre et la composition des collèges électoraux
Et maintenant?
" -1- 1 La représentativité des organisations syndicales est déterminée d'après les critères suivants :
- les effectifs d'adhérents et les cotisations;
- la transparence financière ;
- l'indépendance ;
- le respect des valeurs républicaines ;
- l'influence caractérisée par l'activité, l'expérience et l'implantation géographique et professionnelle du syndicat ;
- une ancienneté de deux ans ; et l'audience établie à partir des résultats aux élections professionnelles
La transparence financière, au compte de qui ?
S'agissant du nouveau critère de transparence financière, la " position commune" précise : " La transparence financière est assurée, pour les confédérations, les fédérations, les unions régionales, par des comptes certifiés annuels, établis suivant des modalités adaptées aux différents niveaux des organisations syndicales et conformes aux normes applicables aux organisations syndicales telles qu'elles seront fixées par la loi en préparation sur la certification et la publication des comptes de ces dernières. "
Qu'on le veuille ou non, cette transparence-là permet d'asseoir le contrôle de l'Etat et du Medef sur les comptes des organisations syndicales à tous les niveaux, comptes que les congrès syndicaux ont coutume d'examiner à huis clos car ils ne regardent que les adhérents. La transparence est due aux adhérents, à personne d'autre ! Ici, la transparence financière sert d'alibi à tous ceux qui cherchent à aliéner l'indépendance du syndicat et à les inféoder à l'Etat et au patronat
Quelles valeurs républicaines ?
S'agissant du nouveau critère de " respect des valeurs républicaines ", il n'est en rien un principe syndical. S'agit-il des valeurs définies par la Convention en 1793 ? Par les déclarations successives des droits de l'homme ? Par le préambule de la Constitution de 1946 ? Par le préambule de la Constitution de 1958 ? Certes, parmi ces " valeurs républicaines ", il en est qui doivent être défendues face à l'Etat bourgeois. Mais, parmi les valeurs républicaines il y a aussi le respect du principe sacro-saint de la propriété privée. Or, jusqu'en 1995, les statuts de la CGT remettaient en cause cette " valeur républicaine " là. Ils revendiquaient la socialisation des moyens de production et d'échange.
Du refus de tout intégrisme au totalitarisme...
La " position commune " précise : "Le respect des valeurs républicaines implique le respect de la liberté d'opinion, politique, philosophique ou religieuse ainsi que le refus de toute discrimination, de tout intégrisme et de toute intolérance."
Le refus de tout intégrisme est un principe qui engage le syndicat sur un terrain qui n'est pas le sien. Qu'entend t-on d'ailleurs par " intégrisme "? S'agit-il de l'intégrisme catholique? De l'intégrisme islamique ? Qui décide de ce qui est " intégriste " ou " non " ? Ce n'est d'ailleurs pas uniquement l'intégrisme religieux qui est visé, mais bien " tout intégrisme ". Par intégrisme, le dictionnaire entend " une attitude qui consiste à refuser toute évolution d'une doctrine " . l'intégrisme peut donc se décliner à l'infini.Demain, par exemple, on pourrait taxer d'"intégrisme" quiconque refuserait "l'évolution" du syndicalisme qui lui ferait tourner le dos au principe de la lutte de classes considéré comme de l'"intégrisme" etc.En réalité, le refus de tout intégrisme est un principe totalitaire, étranger au respect de la liberté d'opinion et d'expression et constitue la porte ouverte à toutes les dérives et abus.
Les nouveaux critères placent les syndicats sous la dépendance idéologique de valeurs " républicaines " faites pour accepter l'exploitation de l'homme par l'homme et la domination politique de la bourgeoisie, classe exploiteuse.
Accords dérogatoires
Pour qui aurait des doutes, l'article 17 de la " position commune " lève toute ambigüité : " Des accords d'entreprise conclus avec des organisations syndicales représentatives et ayant recueilli la majorité absolue des voix aux élections des représentants du personnel peuvent dès à présent, à titre expérimental, préciser l'ensemble des conditions qui seront mises en oeuvre pour dépasser le contingent conventionnel d'heures supplémentaires prévu par un accord de branche antérieur à la loi du 4 mai 2004, en fonction des conditions économiques dans l'entreprise et dans le respect des dispositions légales et des conditions de travail et de vie qui en découlent."
Feu vert à la corruption
l'intention affichée est de protéger les délégués et représentants du personnel is-à-vis du risque de discrimination syndicale et de faciliter leur formation syndicale." Un certain nombre d'actions positives devra être mis en oeuvre dans les entreprises visant à :
- faciliter la conciliation de l'activité professionnelle et de l'exercice de mandats représentatifs ;
- garantir la mise en oeuvre de l'égalité de traitement (en matière derémunération, d'accès à la formation, de déroulement de carrière...) entre les détenteurs d'un mandat représentatif et les autres salariés de l'entreprise ;
- prendre en compte l'expérience acquise dans l'exercice d'un mandat dans le déroulement de carrière de l'intéressé ;
- moderniser les conditions d'accès au congé de formation économique, sociale et syndicale en vue de faciliter la formation des négociateurs salariés."
Soit. Mais que signifie " prendre en compte l'expérience acquise dans l'exercice d'un mandat dans le déroulement de carrière de l'intéressé " ? Cela veut dire que " l'expérience acquise " comme délégué sera un " plus " pour " dérouler " sa carrière plus vite et plus haut. Il ne s'agit plus ici de prévenir la discrimination d'un syndicaliste, sanctionné dans sa carrière professionnelle parce qu'il est délégué mais de donner une " prime " au déroulement de carrière du responsable syndical.
Quant à l'article 12, il vaut son pesant d'or, en particulier l'alinéa 2 :
" La réservation de certains avantages conventionnels aux adhérents des organisations syndicales de salariés constitue, sous des formes différentes, une piste à explorer de nature à développer les adhésions syndicales. "
Jusqu'à maintenant, l'adhésion au syndicat est un acte libre et volontaire. La " position commune " nous renvoie à tout autre chose : l'octroi d' avantages spécifiques par l'entreprise aux syndiqués. On imagine la suite : des gens qui adhèrent au syndicat non pas pour être défendus mais pour bénéficier de " certains avantages " réservés aux syndiqués par le patron !!! On voudrait corrompre et rendre dociles délégués et syndiqués qu'on ne s'y prendrait pas autrement !
Soumission des salariés
Sans surprise, la loi portant " rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail " a été adoptée par les députés et les sénateurs, le 20 août 2008.Cette loi scélérate exploite le filon de l'article 17 de la " position commune " au sujet des accords d'entreprises dérogatoires aux contingents d'heures sup. Cette loi destructrice élargit la brèche ouverte par la " position commune ", en décrétant : " La durée du travail de tout salarié peut être fixée, même en l'absence d'accord collectif préalable, par une convention individuelle de forfait en heures sur la semaine ou sur le mois. l'accord du salarié est requis. La convention de forfait est établie par écrit. " C'est le retour au contrat individuel de travail. Après coup Maryse Dumas s'exclame : " Le salarié totalement soumis au bon vouloir de l'employeur ". Mais, il fallait y penser avant, camarade Dumas. Avant de " valider et signer " la " position commune " qui a ouvert cette brèche.
Conclusion provisoire
Le mouvement ouvrier a mené un combat séculaire, âpre et systématique, pour en finir avec les " contrats de louages de service " et imposer les contrats collectifs de travail qui limitent l'exploitation et aident à surmonter la concurrence entre salariés en lui opposant le principe : à travail égal, salaire égal. Voilà pourquoi la loi " démocratie sociale et temps de travail " doit être abrogée et la direction de la CGT doit retirer sa signature de la " position commune " qui dénature le syndicalisme et aliène son indépendance de classe. (plusieurs Fédérations et Unions Départementales CGT se sont déjà prononcées contre cette " position commune ") C'est dorénavant un combat prioritaire
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