Tiers payant généralisé + PUMA = privatisation

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 a créé une Protection Universelle MAladie (PUMA). La CMU n'est plus en vigueur depuis le 1er janvier 2016. En réalité la loi modifie la couverture sociale maladie de tous les salariés et de tous les bénéficiaires de tous les régimes. Il s’agit d’un bouleversement majeur des fondements de la protection maladie en France. Elle consacre la rupture avec la conception de la protection sociale telle qu’elle existe depuis sa création.

Tiers payant généralisé + PUMA = privatisation

Le préambule de la constitution du 27 octobre 1946 qui fonde toujours le droit à la protection sociale, prévoit : « la Nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement. Elle garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, de la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui en raison de son âge, de son état physique ou mental, de sa situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence ». C’est ce qui institue la solidarité des salariés actifs avec les travailleurs privés d’emploi, les sans-emploi et la solidarité intergénérationnelle.

Remboursement ou « prise en charge » ?

Depuis la création de la Sécurité sociale, les capitalistes et les banquiers ont voulu mettre la main sur le magot qu’elle représente.

La création de la Protection Universelle MAladie ne constitue pas une simple adaptation du code de la Sécurité sociale, elle abroge près de 200 articles. Cette explosion du texte permet une véritable extraction des prestations en nature des assurances sociales.

Les mots ont un sens, le changement de vocabulaire a donc une véritable importance : plus de prestations en nature (PN) de l’Assurance-maladie, plus de remboursement de soins mais « une prise en charge des frais de santé ».

Les journalistes avertis se trompent, la PUMA ne remplace pas la CMU. Elle l’englobe, comme l’ensemble des prestations en nature. Elle devient la couverture maladie de toute la population en matière de soins. La loi comprend un chapitre spécifique au régime de base dans lequel elle définit les règles applicables à la prise en charge des frais de santé devenue une prestation universelle.

Un renversement juridique

La loi ne modifie ni le niveau des droits à la prise en charge des frais de santé ni l’architecture institutionnelle des régimes. Pourtant, elle marque une véritable rupture dans le droit à l'Assurance-maladie. Elle bouleverse la notion d'assurance sociale héritée des origines du système de protection sociale français. Cette loi énonce le droit pour toute personne travaillant ou résidant régulièrement en France, à bénéficier de la couverture maladie et des prestations familiales. La nouvelle rédaction distingue explicitement les prestations à vocation universelle (maladie, maternité, paternité, famille) des prestations relevant d'une assurance sociale et visant à garantir un revenu de remplacement, un salaire différé financé par les cotisations. Elle sépare les soins, qui ne relèvent plus d’un salaire différé, des indemnités journalières qui elles en dépendent encore.

La notion d’ayant-droit supprimée

L'une des conséquences les plus marquantes de la loi concerne la suppression de la notion d'ayant droit majeur. La protection n'est plus associée à la qualité d'assuré social mais à celle de la personne travaillant ou en résidant en France de façon stable et régulière. Le droit ne s’exerce donc plus par l’intermédiaire du rattachement à un assuré social.

La transformation de plus de 3 millions d'ayants droit majeurs en ouvrants droit autonomes va les obliger à cotiser eux-mêmes pour une complémentaire santé.

Avec la PUMA et le tiers payant généralisé, les banquiers et autres organismes complémentaires ou assureurs privés voient la perspective de millions de bénéfices supplémentaires.

Dans la logique des décrets Juppé de 1995, la création de la PUMA transfère définitivement à l’Etat le pouvoir de décider du niveau de remboursement des soins, nommés maintenant, pour cette raison, frais de santé. La prise en charge peut être limitée ou plafonnée en fonction des impératifs fixés par le budget dans le cadre du vote de l'Objectif National de Dépenses d'Assurance-maladie (ONDAM) par le Parlement.

Le gouvernement réalise, 70 ans après sa création, une transformation majeure de la Sécurité sociale. Hollande-Valls livrent notre système de protection sociale aux banquiers et autres assureurs privés dont le but est bien connu, faire des profits. Assurer la couverture santé de la population n’est, pour eux, qu’un moyen d’y parvenir.

Nous l’avons toujours affirmé, la Sécurité sociale doit rester basée sur un financement par les cotisations pour garantir à tous, le même niveau de protection.

Remi Duteil,
6 mars 2016

Modifié le mardi 08 mars 2016
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