Origines et fondements de la Sécurité sociale – 1ère partie
La création de la Sécurité sociale en 1945 est l’aboutissement d’un combat séculaire. C’est la lutte de classe qui est à l’origine de la création de la Sécurité sociale. Les premières caisses de secours ont été imposées aux patrons par les grèves. Aujourd’hui la défense de la Sécurité sociale passe par la même règle : se défendre tous, pour se protéger chacun. Retour sur l’histoire.
De la charité à la solidarité
Jusqu’au début du 17e siècle, les collectivités religieuses quadrillaient la France d'un réseau d'hôpitaux et d'hospices. La loi anglaise de 1601 impose le droit d’assistance à tous les membres d'une paroisse, de l’argent pour les enfants ou les invalides, du travail pour les indigents valides.
Parallèlement, les nobles, les propriétaires terriens et les artisans nourrissaient et logeaient leurs serviteurs, les vieux travailleurs et leurs ouvriers. L’État monarchique crée sous Louis IX (Saint Louis), l'Hôpital des Quinze-Vingt, et sous Louis XIV, celui des Invalides pour les militaires.
Les premières formes de protection sociale 1
Les risques encourus au travail étaient tragiques, la vieillesse souvent redoutée. En réaction, vont naître les Sociétés de secours mutuels 2 .
A l’automne 1830, face à un conflit portant sur le non-respect du salaire minimum par les maîtres, les chapeliers fouleurs s'unissent et constituent une bourse pour protéger les ouvriers qui refusent de travailler en dessous du salaire minimum journalier. Le 1er juin 1831, s'organise la société philanthropique des ouvriers tailleurs, qui, outre les secours en cas de maladie, s'engage à aider les sociétaires au chômage.
« Disons à Messieurs les maîtres imprimeurs : Nous n'envions ni vos fortunes ni vos plaisirs ! Non, mais un salaire capable de nous procurer un lit modeste, un gîte à l'abri des vicissitudes du temps, du pain pour nos vieux jours ». Le 26 mai 1833, les ouvriers imprimeurs et typographes de Nantes justifient ainsi la création d’une Caisse de Secours Mutuels et de Prévoyance pour donner à ses adhérents des aides en cas de maladie, d'accident, de perte d’emploi.
L'Association a également fourni des secours réguliers aux ouvriers pendant la grève. Elle devient donc à la fois une société de secours mutuels et une société de résistance.
La création de toutes ces mutuelles pour soutenir des actions de grève et de solidarité traduit une volonté de résistance, d’indépendance pour échapper, par la lutte de classe, à l’aliénation de la charité pratiquée par l’Église ou par la bourgeoisie.
En septembre 1833, les garçons tailleurs de Paris fusionnent leurs trois associations et définissent les règles : « […] unissons-nous pour resserrer les liens de la fraternité ; pour fournir des secours aux plus nécessiteux, pour fixer enfin nous-mêmes le maximum de la journée de travail et le minimum du prix de la journée . »
Le 6 mars 1848, les corroyeurs de Paris fondent une société qui dépasse le corporatisme en regroupant les drayeurs, les corroyeurs, les façons de table et les cambreurs.
Les ouvriers fondeurs de Paris créent, en mai 1848, une société fraternelle qui accorde aux chômeurs un secours de 1 franc pendant 90 jours jusqu'à la reprise du travail. Les sociétés corporatives de résistance prennent la forme de sociétés de secours mutuels.
Le 8 avril 1860, les deux sociétés de typographes se regroupent pour créer une organisation unitaire dont l'objet est double - secours mutuel et résistance. En 1861, les typographes veulent étendre la solidarité en liant les différents groupes du même métier à travers la France, par une alliance des sociétés de secours mutuels de 483 villes.
La bataille pour des caisses de secours gérées par les ouvriers
Les premières caisses de secours, créées en corporation par les ouvriers lors des grèves sont souvent gérées par les patrons. Or, bien se protéger contre la maladie, passe par l’obligation d’organiser soi-même son mode de protection.
En décembre 1869, au Creusot, les ouvriers se mettent en grève et revendiquent la gérance de la caisse de secours, alimentée par une retenue de 2,5% sur le traitement du personnel. Eugene Schneider (maître des forges du Creusot) organise un référendum. Une majorité se prononce pour la gestion ouvrière. Le 17 janvier 1870, les ouvriers élisent un ajusteur comme président du comité provisoire chargé de gérer la caisse. Les ouvriers votent sur la question de la reddition de la Caisse : 1931 sont pour, 536 contre. Refusant ce résultat, Schneider renvoie le président du comité et ses deux assesseurs. Les ouvriers se mettent aussitôt en grève.
Rémi Duteil,
01-04-2016
1. Edouard Dolléans, Histoire du mouvement ouvrier – Tome 1 – – Librairie Armand Colin, 1936.
http://classiques.uqac.ca/classiques/dolleans_edouard/hist_mouv_ouvrier_1/hist_mouv_ouvr_1.html
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