Le début de la fin
La campagne électorale pour désigner le Parlement croupion catalan commencée avec une déclaration du ministre de la Défense suggérant l'intervention de l'armée si la Generalitat de Catalunya n'obtempérait pas aux injonctions du Tribunal Constitutionnel espagnol, s'est
terminée par un appel au dialogue du Président de la Generalitat, Artur Mas, aux partisans du non à l'indépendance. Analyse.
L'avalanche de déclarations déversées par les candidats de Junts pel Sí, la coalition formée par Convergència Democràtica de Catalunya (CDC) et Esquerra Republicana de Catalunya (ERC), jurant leur indéfectible fidélité au serment de proclamer l'indépendance au bout des 18 mois estimés nécessaires pour mener à bien le processus d'installation d'un nouvel Etat à compter du scrutin du 27 septembre est vite passée aux pertes et profits.
La Generalitat s'apprête à négocier
Comment, en effet dialoguer avec un pouvoir qui ne reconnaît même pas la Catalogne comme nation et menace de faire intervenir l'armée à la moindre dérogation constitutionnelle. Il faut se rappeler à cet égard le comportement de la Generalitat de Francesc Macià et Lluís Companys dirigée en octobre 1934 par ERC également. Elle préféra se soumettre à l'Etat central au lieu de soutenir la grève générale qu'elle réprima avec férocité au lieu de faire appel à la classe ouvrière pour se défendre contre l'Etat oppresseur espagnol. Retenons de cet épisode que les contradictions entre bourgeoisie centrale et régionale sont insignifiantes par rapport au conflit majeur entre la bourgeoisie et le prolétariat.
La peur de la classe ouvrière avant tout
Aujourd'hui, c'est encore la peur de la classe ouvrière qui contraint la Generalitat de M. Mas et Oriol Junqueras à radicaliser son discours. Les contradictions se manifestent déjà avec la réunion d'une
centaine de partisans de Junts pel Sí de Barcelone pour célébrer leur victoire mais aussi pour exprimer leur déception à la vue d'un scrutin médiocre par rapport à leurs attentes. L'alliance CDC-ERC obtenant moins de voix en effet que lors des élections de 2012 où ils concouraient séparément.
On peut donc affirmer sans crainte que la Generalitat s'apprête à négocier comme toujours avec le gouvernement de la monarchie. Mariano Rajoy l'a d'ailleurs bien compris qui vient de répondre à Artur Mas, se déclarant prêt à dialoguer au lendemain même des élections, ajoutant « mais pas sur l'unité de l'Espagne » On attendra donc la suite de ces echanges lénifiants.Mas annonce d'ailleurs des difficultés pour continuer le processus d'indépendance affecté par la perte de voix de sa coalition, et le Tribunal Supérieur de Justice de Catalogne vient d'inculperMas pour la consultation du 9 novembre 2014, ce qui ne lui permet plus d'atteindre la majorité absolue, pourtant indispensable selon sa propre feuille de route, la coalition arrivant à peine à 48% des voix même avec le renfort très conditionnel de la Candidature d'Unitat Popular (CUP).
Podemos defend le consensus avec la monarchie
De son côté, Pablo Iglesias, de Podemos intégrant Sí que es Pot, a défendu sans complexe le consensus avec la monarchie. Il a déclaré sans ambages: "Nous ne voulons pas que vous quittez l'Espagne, mais la décision vous appartient, c'est pourquoi nous défendons le droit à décider." Ce qui nie manifestement le droit à l'autodétermination des peuples qui n'ont que faire de la bienveillance d'un Etat prison de peuples. Après ces propos condescendants, les électeurs potentiels de Sí que es Pot ont boudé les urnes significativement -perte de 2 députés de cette coalition rassemblant Iniciativa per Catalunya, Esquerra Unida i Alternativa et Podemos
La CUP refuse Artur Mas comme Président de la Generalitat
La CUP qui défend la proclamation de l'indépendance sans attendre la fin du processus établi par l'Assemblée nationale catalane et Artur Mas a recueilli plus de 300000 voix en mettant en avant un programme anti-austérité et anti-corruption. Elle serait décisive comme force d'appoint de. Mas et Junqueras. Pour cela elle devrait d'abord accepter d'investirMas comme Président de la Generalitat alors qu’elle le rejete comme étant un corrompu avéré (il est inculpé pour escroquerie) et exige son remplacementpar un dirigeant consensuel qui proclamerait la sécession unilatérale sans attendre la fin du processus.
Mais au lendemain du scrutin elle écarte déjà son appui à Junts pel Sí estimant que la sécession est désormais impossible.
Effondrement du PP au pouvoir et du PSOE
L'Histoire s'accélère et les piliers de la monarchie, Parti Populaire et Parti Socialiste s'enlisent inexorablement. Podemos se délitant aussi, tous entraînentderrière eux une monarchie à la merci de forces centrifuges imparables. C'est donc à la classe ouvrière que reviendra la tâche de résoudre la question nationale. Elle devra la mener à terme en éliminant le premier obstacle, la monarchie, par ses propres méthodes, celles de la lutte de classes avec ses mots d'ordres :
À bas la monarchie, République ! Autodétermination des peuples catalan, basque, galicien et des îles canaries !
Pour l'Union des républiques socialistes libres de la péninsule ibérique !
Domingo Blaya, 29 septembre 2015
- « L’irruption d’un mouvement de masse mené par la classe ouvrière est nécessaire »
L’Espagne, tout comme la France, subit de plein fouet crise économique et épidémique. Quelle est la situation du pays, du point de vue économique, politique et social, quatre ans après la...
- Où vont les Anticapitalistes de Podemos ?
Les anticapitalistes en Espagne sont, comme en France le NPA, issus de la crise du Secrétariat unifié 1 . Ce n'est qu'en 2014, après d'autres crises internes qu'ils ont intégré Podemos à...
- Pactes, corruption et lutte des classes
Les forces centrifuges ne cessent d'agiter l'État espagnol. Pour y faire face, les tribunaux de la monarchie tournent à plein régime, comme en Catalogne, où les affaires font la une des médias :...
- Institutions en crise et nationalités
Tout comme 2015, l'année 2016 s'achève dans la crise des institutions issues du franquisme. Les problèmes non résolus débouchent sur des Cortes croupions très polarisées, révélant...
- À l’épreuve du pacte P.P – P.S.O.E
À peine investi, grâce à l'appui du Partido socialista obrero español (PSOE), le gouvernement minoritaire du Partido Popular (PP) se dispose à faire les réformes exigées par l'Union...
- Crise de la Monarchie espagnole : La brèche
La crise politique de l'État espagnol monte d'un cran avec l'investiture du président sortant, Mariano Rajoy, grâce à l'abstention de soixante-huit députés du Parti socialiste ouvrier espagnol...