Un triomphe du peuple bolivien
Bolivie : élections présidentiellesAprès avoir pris connaissance des résultats électoraux, Evo Morales, qui prendra ses fonctions de Président de la Bolivie le 6 janvier 2006, a déclaré : " Avoir 50 % plus un pour gouverner n'est plus un problème, maintenant il s'agit de diriger en obéissant à la voix du peuple ". Quelle est la voix du peuple ? C'est celle pour laquelle sont morts plus de cent Boliviens en octobre 2003 : nationalisation des hydrocarbures, renationalisation des entreprises privatisées, rupture avec le modèle néolibéral et Assemblée constituante pour réorganiser le pays au service des travailleurs et du peuple.Evo Morales est passé de 20,6 % des voix en 2002 à plus de 50 %, alors que le MNR de Sanchez de Losada s'est effondré, passant de 22 % à moins de 8 %, derrière l'autre candidat de droite Doria Medina. C'est l'expression sur le terrain électoral de la rupture des masses avec les partis traditionnels et de leur recherche d'une nouvelle direction politique à la hauteur des tâches définies en octobre 2003.Le patronat bolivien, conscient de ce qu'il ne pouvait empêcher le mouvement à gauche et la radicalisation des luttes, a essayé de se réfugier dans les villes les plus riches de Bolivie, Santa Cruz et Tarija, afin d'y récupérer des forces lui permettant de lancer une nouvelle offensive contre le peuple bolivien et son avant-garde concentrée dans les villes d'El Alto, Oruro, Cochabamba et La Paz. Par peur de perdre le contrôle du gouvernement, la bourgeoisie a lancé une politique d'autonomies, donnant ainsi le pouvoir aux provinces d'élire leurs gouverneurs et ainsi d'en finir avec un État unitaire pour aboutir à un État Fédéral où chaque gouverneur administrerait les richesses de sa province.
Evo Morales, le candidat choisi par les masses
Cependant Evo Morales, dont l'implantation la plus forte se trouve dans l'Altiplano, a dans ces élections élargi son influence à tout le pays : par rapport aux élections de 2002, il est passé de 10 % à 32 % à Santa Cruz et de 7 % à 31 % à Tarija. Dans ces deux régions, son parti, le MAS, est arrivé en deuxième position.
Dans ces élections, les masses ont choisi leur candidat contre les candidats de la bourgeoisie et de l'impérialisme. La presse mondiale a mis en avant le fait que c'est pour la première fois un indien qui va gouverner, faisant ressortir les caractéristiques ethniques d'Evo Morales. Ceci est un aspect du processus en cours en Bolivie.
Un dirigreant populaire historique
Evo Morales s'est affirmé comme un dirigeant dans les luttes les plus importantes menées par le peuple bolivien ces dix dernières années contre la politique de destruction des plantations de coca, il est devenu le dirigeant de La Confédération des Paysans du Tropique pour ensuite fonder le MAS (Mouvement pour le Socialisme), qui a pris part aux soulèvements qui ont chassé trois gouvernements.
Incluant dans son programme la nationalisation des hydrocarbures, la légalisation de la production de la feuille de coca et l'appel à une Assemblée constituante, il est considéré par les masses comme celui qui peut reprendre le programme d'octobre 2003.
Evo Morales pour un capitalisme humanisé
Evo Morales considère que l'impérialisme et le modèle néolibéral sont les principaux responsables de la crise de l'État bolivien. Il croit en un État capitaliste humanisé, avec redistribution de la richesse et un approfondissement de la démocratie dans le cadre du Régime capitaliste, et c'est pour cela qu'il a déclaré que la Bolivie devait suivre le chemin emprunté par le Venezuela.
Son candidat à la vice-présidence a développé la théorie d'un nouveau capitalisme en Amérique Latine pour " construire la grande patrie de Bolívar ". Aussi, dès que le résultat électoral a été connu, il a déclaré que " le MAS n'inquiètera pas les entrepreneurs qui veulent investir et leur offrira la sécurité juridique pour le développement de leurs transactions ". Pour Evo Morales, " nous sommes dans d'autres temps de changements, c'est le troisième millénaire des peuples, pas de l'impérialisme, il s'agit de résoudre les problèmes économiques de la majorité, de rompre avec le modèle qui bloque le développement du peuple bolivien ", " Mon gouvernement va exercer le droit de propriété. Comme n'importe quel État, il a ce droit. Ceci ne signifie pas confisquer ou exproprier les biens des multinationales " (journal La Nación).
Trois mois de trêve
Cependant, comme le démontre l'histoire des luttes du peuple bolivien, on ne peut obtenir l'indépendance nationale et de récupérer les richesses de notre pays pour les mettre au service de la majorité, c'est-à-dire des travailleurs et du peuple, sans rompre avec l'impérialisme et les multinationales.
Des secteurs importants de l'avant-garde organisés dans la COB (Centrale Ouvrière Bolivienne), la COR (Centrale Ouvrière Régionale) d'El Alto et la FEJUVE ( Fédération des comités de quartiers) ont, lors d'un sommet organisé le 10 décembre, voté pour un délai de trois mois pour voir si Evo Morales accomplit le programme voté en octobre 2003. Si celui-ci ne prenait pas cette direction, un plan de lutte serait voté et la trêve rompue. Après l'annonce du résultat électoral, le président de la COB a déclaré " Morales a maintenant une majorité suffisante pour accomplir ce qu'il a promis, sans avoir à chercher un quelconque soutien. Il doit nationaliser les hydrocarbures sans indemnisation ... et appeler à une Constituante avec une large représentation citoyenne ". Tout commence.
Carlos Mendoza,
Bolivie, le 21 décembre 2005.
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