Les archives nationales en danger !

Deux ans après la victoire du personnel des Archives nationales contre le projet réactionnaire de Sarkozy de créer une Maison de l’Histoire de France (MHF),  rien n’est réglé. Les Archives nationales ont été créées par la loi du 7 messidor an II (25 juin 1794) qui proclame leur ouverture au public sans restriction ni discrimination. Tout cela est en danger imminent de démantèlement sous ce gouvernement  Hollande-Valls-Pellerin. Le dernier rempart face à cette offensive  est celui constitué par le syndicat CGT des Archives de France. Analyse.

Les archives nationales en danger !

Véritable « mémoire collective » de ce pays, les Archives nationales - et les documents qui y sont conservés - sont des sources incontournables pour tous ceux qui étudient et écrivent l’histoire (professeurs d’université, étudiants, chercheurs, généalogistes). Il en va de même pour des milliers de personnes qui, chaque année, établissent et font valoir des droits (nationalité, famille, carrière, propriété, succession, …) grâce à l’accès aux documents d’archives. Les archives sont source de droits, de connaissances et de patrimoine. S’attaquer aux Archives nationales, c’est vouloir renvoyer ce service public à l’opacité et aux secrets de l’Ancien Régime.

Les Archives, à la fois mémoire et service public

Les archives sont partie intégrante de la culture, et la culture - qui est un élément des forces productive - est au même titre que les autres forces productives, liquidée au nom de la préservation des taux de profit  des capitalistes. Comme tous les travailleurs, ceux de la culture et des services publics culturels, ont à subir les affres du chômage, de la précarité, des baisses des salaires, de la casse des systèmes de protection sociale,  et de l’austérité budgétaire synonyme de mort des services publics.

De ce point de vue, l’exemple du réseau des Archives nationales en Ile-de-France (Paris, Fontainebleau, Pierrefitte-sur-Seine, soit 600 kilomètres linéaires de capacité de stockage pour 450 agents) illustre de manière évidente la réalité de la situation de crise et de décomposition sociale, politique, économique, avancée qui règne en France :

Le centre  de Pierrefitte : plus d’argent pour payer le papier-toilettes !

Inauguré le 11 février 2013 par Hollande, le nouveau site de Pierrefitte, le plus grand centre d’archives d’Europe avec ses 320 kilomètres linéaires de capacité de stockage, est moins de deux ans après son ouverture au public en situation de quasi-banqueroute. 300 000 euros, soit 8 mois d’impayés, c’est la somme que les Archives nationales devaient à la société de nettoyage chargée de la prestation nettoyage-propreté du site des Archives nationales de Pierrefitte-sur-Seine. En représailles du non-paiement de cette dette, la société a décidé le 22 septembre 2014 de procéder au retrait total du papier toilette et des essuie-mains jetables en place dans les blocs sanitaire, ceux à disposition des publics comme des agents, tant que la dette n’était pas apurée. Il a fallu plusieurs jours pour que la situation rentre dans l'ordre, avec le probable paiement en urgence de cette dette. Mais les impayés ne concernaient pas que la prestation nettoyage. En effet, à la même période, des employés de VEOLIA étaient venus sur le site de Pierrefitte-sur-Seine pour procéder à une coupure d’eau (au sens premier du terme) et cela après que 5 commandements à payer avaient été transmis en vain aux Archives nationales. De même, la dette des Archives nationales auprès d’EDF se serait établie, elle, à plus de 50 000 euros. Et tout ceci n’est que la partie visible de l’iceberg, car nombreux sont les prestataires des Archives nationales à rester avec des impayés sur les bras…

l’ abandon du centre de  Fontainebleau

Depuis le 28 mars 2014, le site des Archives nationales de Fontainebleau (77) est totalement interdit d’accès suite à la découverte d’ « un risque portant sur la stabilité structurelle de l’ouvrage […]qui peut porter atteinte à la sécurité des personnes » en d’autres termes, il y a danger d’écroulement ! Conséquence, depuis 7 mois, l’activité est complètement paralysée : les agents ne peuvent plus se rendre sur leur poste de travail (installation in situ de 800 m2 de structures Algéco depuis le mois de juillet) ; l’accès aux 70 kilomètres linéaires de documents d’archives encore conservés dans les sous-sols des Unité 1 et 2 est interdit ; les salles de lecture sont inaccessibles. Et l’addition risque de se révéler particulièrement élevée et se chiffrer à plusieurs millions, voire dizaines de millions d’euros. En effet, en cas d’irrécupérabilité des bâtiments, ce sont près 100 millions d’euros qui seront nécessaires rien que pour reconstruire une structure équivalente, et cela sans compter la perte de la structure antérieure (environ 70 millions d’euros) ni les coûts de démolition.

Le site historique de Paris : vers une vente à la découpe ?

Sujet de toutes les attentions malveillantes de Sarkozy pour les besoins d’installation de sa Maison de l’Histoire de France, les 10 000 mètres carrés du site parisien (locaux, magasins, ateliers, bureaux) sur lesquels il lorgnait n’ont été ni sauvés, ni sanctuarisés ni préservés pour l’usage des Archives nationales. Au contraire, s’engouffrant dans la brèche créée par Sarkozy (le mythe que de la place serait disponible sur le site), François Hollande et sa ministre de la Culture Aurélie Filippetti, ont tout simplement rhabillé le « mythe » Sarkozyste du manteau de la bonne gestion de la pénurie au nom de l’austérité.
Sur plans, au mètre carré près, c’est exactement le même projet MHF Sarkozy de 2011 d’amputation des équipements qui a été proposé en septembre 2013 par les experts de Filippetti mandatés pour évaluer les besoins des Archives nationales à Paris dans une perspective à 30 ans.

De Sarkozy à Hollande, la continuité

Evidemment, de « changement », il n’en a été question que dans l’intitulé du besoin servant à justifier l’amputation d’espaces vitaux, et reconnus comme tels, pour les Archives nationales. Car au fond, il s’agit pour cette institution de savoir si elle peut disposer ou pas de tous les moyens matériels (l’activité d’archivage a en soi un caractère expansionniste) nécessaires pour continuer à assurer toutes les missions de service public qui lui sont imparties : collecter, conserver, communiquer et valoriser le patrimoine archivistique. S’il n’est plus question d’identité nationale, il est question avec Hollande et sa nouvelle ministre Fleur Pellerin de reloger sur le site des Archives nationales de Paris plusieurs Directions et Service du ministère de la Culture en situation précaire ou de fin de bail. Sur ce point, d’après les conseillers ministériels, cette solution serait la « moins pire », car dans ce cas l’agence France-Domaine (chargée de la vente du patrimoine immobilier de l’Etat) n’aurait pas à y regarder. En somme, pour les Archives nationales à Paris, c’est soit l’amputation d’un corps sain, soit la vente à la découpe du patrimoine immobilier !
En définitive, que ce soit Sarkozy-Mitterrand ou Hollande-Filippetti-Pellerin, rien ne change pour les Archives nationales qui restent de toute façon une variable d’ajustement politique et budgétaire dont le curseur est déplacé en fonction des besoins immédiats des gouvernements en place. Les uns comme les autres se fichent comme de leur première brassière de la culture en général, et des Archives nationales en particulier. L’histoire libre, critique et son enseignement, comme la nature éminemment démocratique des archives, sont au fond le cadet de leurs soucis.

Précarisation des personnels et des emplois

Le chiffre de 515 emplois de fonctionnaires équivalents temps pleins (ETP), pourtant prévu depuis 2009 pour les trois sites d’Archives nationales en Ile-de-France, dont 300 emplois ETP pour le seul site de Pierrefitte, n’a jamais été atteint. Il manque encore au bas mot 65 emplois ETP, 35 à Pierrefitte et 30 à Paris. Pire, malgré le vote et l’inscription au budget de l’Etat entre 2006 et 2010 de 150 nouveaux postes de fonctionnaires pour le projet des Archives nationales suite aux mobilisations des personnels, on assiste à l’explosion de la précarité et au recrutement massif de travailleurs précaires, « vacataires » et « CDD », pour des périodes de travail allant de 3 mois à 1 an, sur des besoins permanents à temps complet du service public vacants alors même qu’il existe des corps d’accueil de fonctionnaires. Les collègues non-titulaires représentent aujourd’hui 15 % de l’effectif total (soit environ 75 salariés) contre 3 % il y a encore 5 ans !

De la banqueroute à l’explosion

Le constat de la situation est le suivant : banqueroute budgétaire du navire amiral de Pierrefitte ; dégradation voire casse et perte des bâtiments de Fontainebleau ; menaces d’opération de spéculation immobilière à Paris, et enfin sous-effectif chronique. Accablant !

Dans ces conditions, si rien n’est fait, nous allons à la condamnation immédiate à mort  de cette institution issue de la Révolution et indispensable à tous !

Ainsi, la destruction des forces productives en général, comme à la culture et dans les Archives nationales en particulier, est une réalité quotidienne subie par les travailleurs, la population, la jeunesse et les retraités. Cette politique tient lieu de programme économique intangible pour ce gouvernement comme pour tous ses prédécesseurs. Mais quand en bas on ne peut plus vivre comme avant et qu’en haut on ne peut plus gouverner comme avant, cela signifie qu’on entre  dans une période où la marmite est sur le point d’exploser.  Les jours de ce régime sont comptés.

Wladimir Susanj
18 octobre 2014

Modifié le mercredi 22 octobre 2014
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