Juin 36, de J. Danos et M. Gibelin
de J. Danos et M. Gibelin | Note de lecture70 ans après, juin 1936 reste une référence pour toute la classe ouvrière. Juin 36, c'est la grève générale en France avec, pour la première fois, les occupations d'usines. Juin 36, ce sont les conventions collectives, l'augmentation générale des salaires, la semaine de 40 heures et les congés payés. Juin 36, c'est aussi le titre d'un ouvrage qui vient d'être réédité, le premier livre jamais publié sur cette page d'histoire ouvrière, sous la plume de Jacques Danos et Marcel Gibelin, en 1952. Cet ouvrage est devenu lui aussi une référence. C'est devenu le " Danos et Gibelin ". À lire absolument !En 1952, Jacques Danos et Marcel Gibelin sont militants du PCI, section française de la IVe Internationale. En 1954, Pierre Lambert provoque l'exclusion de Marcel Gibelin. Gibelin est ainsi le premier d'une longue liste de militants éliminés par Lambert, sous des prétextes bidon (Gibelin aurait participé à une délégation syndicale en URSS sans prévenir la direction du PCI). Danos quitte aussitôt le PCI et Gibelin sera, par la suite, l'un des inventeurs des chèques-restaurant. Ils sont restés tous deux fidèles à l'appréciation des événements de 1936 qu'ils ont développée dans leur ouvrage.Du front unique au front populaire
Le " Danos et Gibelin " embrasse toute la période qui s'ouvre en 1934 à la suite des émeutes fascistes du 6 février aux abords de la Chambre des députés et qui s'achève en 1938 par l'échec de la journée de grève du 30 novembre . En 1934, face à la menace fasciste, les travailleurs, durement frappés par la politique économique des gouvernements successifs, veulent l'unité de leurs organisations. Or, la direction du PCF rejette tout front unique prolétarien avec le PS. Cette politique de division a été criminelle en Allemagne, permettant à Hitler de l'emporter et d'écraser le mouvement ouvrier allemand paralysé par cette division. Mais, le 12 février 1934, les masses imposent au PC et au PS une seule et même manifestation monstre contre les ligues fascistes. Le " Danos et Gibelin " explique comment les chefs du PCF vont dénaturer le front unique ouvrier pour le transformer en un front populaire " élargi aux classes moyennes ", c'est-à-dire au Parti Radical, corrompu jusqu'à la moelle. Ainsi le front populaire prend-t-il naissance. C'est l'alliance contre nature des deux partis ouvriers avec le principal parti bourgeois de l'époque.
" Les prolétaires veulent " aider " le gouvernement, mais à leur façon "
l'un des mérites du livre est de démystifier la légende d'un gouvernement de front populaire qui aurait accordé des droits et garanties collectives aux salariés. C'est tout l'inverse.
À chaud, Trotsky avait écrit : " Le déclenchement de la grève est provoqué, dit-on, par les " espoirs " que suscite le gouvernement de Front populaire [...]. Ce qui s'exprime avant tout dans la grève, c'est la méfiance ou tout au moins le manque de confiance des ouvriers, sinon dans la bonne volonté du gouvernement, du moins dans sa capacité à briser les obstacles et à venir à bout des tâches qui l'attendent. Les prolétaires veulent " aider " le gouvernement, mais à leur façon, à la façon prolétarienne ". Les auteurs de Juin 36 démontrent, pièces à l'appui, que les lois de 1936 sont l'oeuvre des travailleurs eux-mêmes, arrachées par la grève générale.
De la " reprise " à la " pause "
Le " Danos et Gibelin " est bâti sur une documentation rigoureuse, détaillant les cahiers de revendications ouvrières et les accords imposés par les grévistes au patronat, expliquant comment les grèves se succèdent, se ramifient entre elles spontanément, au lendemain du 3 mai 36, lorsque le front populaire gagne les élections. l'ouvrage relate comment des dirigeants comme Thorez, chef du PC, vont s'ingénier à imposer la reprise du travail, ce qui permettra à Blum, chef socialiste du gouvernement, d'ordonner " la pause ", c'est-à-dire le retour à une politique d'austérité anti-ouvrière.
Dans son introduction à l'édition de 1986 du livre, Marcel Gibelin notait : " la généralisation des conventions collectives, se substituant à la " discussion " du contrat individuel de travail, la reconnaissance des délégués ouvriers tendent [...] à porter un coup décisif au droit divin du patronat. Les congés payés, la semaine des 40 heures (la semaine des deux dimanches) tendent à assurer le droit au loisir, condition du droit à la culture. [...] Le souci constant des travailleurs et de leurs organisations est toujours de les préserver ou de les reconquérir ". Rien n'est plus actuel.
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