Chavez ou Tsipras ?
Dans quel miroir le gouvernement vénézuélien doit-il se regarder ? Le 6 décembre 2015 auront lieu les élections pour le renouvellement de l’Assemblée nationale. 167 députés seront élus pour cinq ans, Nicolas Maduro, le Président qui a succédé à Hugo Chavez, voit sa majorité de 99 sièges remise en question. Le processus bolivarien est à la croisée des chemins, quelle voie choisir ?
L’arrivée au pouvoir d’Alexis Tsipras en janvier de cette année a déclenché une vague d’illusions chez les peuples d’Europe frappés par l’austérité et plus encore, en Amérique latine ou nous avons cru avec enthousiasme à la possibilité d’une nouvelle impulsion, provenant du sud du vieux continent, au processus de transformation dans lequel nous sommes engagés depuis le début du XXI° siècle et qui se trouve aujourd’hui à la croisée des chemins.
Il faut reconnaître que la tâche du nouveau gouvernement et de son peuple était colossale. Mais ils avaient tous les outils pour résister : l’éclatant résultat du référendum (62 % contre les mesures qui étaient proposées), une énorme sympathie des peuples au niveau international et une étude réalisée par le propre parlement grec qui démontrait que la dette du pays était illégitime, illégale et odieuse. Pourtant Tsipras déclarait à la télévision nationale « Il n’y a pas d’autre issue_», n’écoutant pas le mandat populaire, capitulant et acceptant des mesures encore plus sévères que celles qu’il avait repoussées à la fin du mois de mai.
Tsipras, fin des illusions
Il portait un coup féroce à l’enthousiasme et aux illusions déchaînées en janvier et son adaptation au « possible » rompit avec les héroïques traditions de lutte de son propre peuple. Pour cela, il a reçu les félicitations de Merkel, Hollande et de tous les « mandataires » européens qui gouvernent pour le capital financier international. Malheureusement, il fut aussi salué comme « courageux » par le gouvernement vénézuélien.
Personne ne nie que l’ennemi (l’impérialisme européen) soit puissant, que les banques que ce pouvoir protège, sont impitoyables, qu’il est possible que son gouvernement soit resté relativement isolé des autres gouvernements européens, que la situation aurait été compliquée pendant un temps pour son peuple. Mais l’Histoire a démontré que ce peuple a toujours dressé avec orgueil le drapeau de la dignité en dépit des difficultés.
Les forces qui affrontèrent Chavez et le peuple bolivarien, à la prise du pouvoir en 1999, n’étaient pas moins puissantes ni moins hostiles. L’impérialisme nord-américain – aujourd’hui encore, en dépit de sa crise, le plus puissant du monde – et les transnationales pétrolières, à côté d’une oligarchie locale raciste et réactionnaire qui gouvernait le pays depuis 100 ans et qui résistait à la perte de ses privilèges, firent tout leur possible pour faire barrage à cette expérience : coup d’état, lock-out patronal, sabotage pétrolier…
Pour mesurer les souffrances endurées par le peuple, il suffit de dire, par exemple, que la chute du PIB entre 2002 et 2003 fut supérieure à 25%, que le PIB pétrolier fut réduit de moitié, que la fuite des capitaux en 2002 fut égale à 80% du total des recettes pétrolières brutes.
Chavez, le vrai courage
L’isolement que connut son gouvernement peut se mesurer, en énumérant qui étaient les présidents en Amérique latine à cette époque : en Bolivie le dictateur Banzer, en Colombie Pastrana, au Brésil Cardozo, en Argentine de la Rua, au Nicaragua Aleman, pour n'en citer que quelques uns, tous néolibéraux, tous laquais de Bush, tous opposés au rêve bolivarien de la grande patrie.
Cependant nous n’avons jamais entendu Chavez dire : « Il n’y a pas d’autre possibilité » que de capituler face à l’empire, aux pétroliers et à l’oligarchie. Revenu du coup d’état grâce au soutien de son peuple, il mit fin au sabotage de l’industrie pétrolière. Sous la direction de son peuple, il lutta pour une nouvelle intégration sud-américaine, de son accession au pouvoir jusqu’à ce que, six années plus tard, en 2005 l’ALCA fut défaite, à la barbe de Bush, par les luttes des peuples latino américains. Tsipras et Chavez deux façons différentes de faire de la politique.
Celle de Tsipras, s’adaptant aux circonstances, pour gérer la crise du capital avec la recette des puissants ; montrant le visage nouveau d’une social-démocratie moins corrompue, un réformisme qui à cette étape mondiale est invivable.
Une autre est celle de Chavez, l’homme qui affronte les difficultés, un lutteur pour les transformations sociales, un indépendantiste, anti-impérialiste et révolutionnaire.
L’Histoire les mettra à des places diamétralement opposées. Tsipras, bien que sans cravate, se retrouvera avec les soutiens au système capitaliste, Chavez, lui, sera avec les rebelles.
Dans quel miroir ?
En ces temps de crise aiguë, d’instabilité politique et d’incertitude que traverse le Processus Bolivarien, le président Nicolas Maduro et son gouvernement ont devant eux ces deux miroirs. Il n’y a pas de place pour des hésitations. Ils doivent choisir entre le « courageux » Tsipras ou notre Chavez, le révolutionnaire.
Nous, qui rejetons la logique politique qui conduit au prétendu possible, nous suivrons Chavez citant Bolivar : « Bien que la nature s’y oppose, nous lutterons contre eux (les colonialistes et leurs alliés) et nous ferons en sorte qu’ils nous obéissent ».
Carlos Carcione (Marea Socialista)
Traduction de Paul Dumas, le 23 octobre 2015
La Commune n° 100
dimanche 08 novembre 2015Sommaire : • Air France : La violence patronale• Editorial : Réforme ou rupture ? • Chronique d'une chute de régime : Hollande, la dictature à tête de veau • Retraites : Accord AGIRC/ARRCO : Accord scélérat ! • Pedro Carrasquedo, membre fondateur de La Commune, nous a quittés... • Pedro Carrasquedo (1951-2015), premiers points de repères biographiques • POI : Gluckstein plus...
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